Nous souffrons d'un mal incurable qui s'appelle l'espoir. Il y a urgence à n'en pas guérir, croyez-moi.
Il faut aimer la vie, il faut embrasser les gens, se mettre à genoux et les serrer contre soi, et les serrer fort. Et leur dire qu'on les aime, et leur redire, et leur redire encore, avant d'être pris par surprise, avant d'être pris en traître et d'être dévasté. Il faut pleurer de bonheur chaque jour, et pleurer de peur de perdre des gens qui nous importent. Même si on sait qu'on les perdra. La vie n'a aucun sens. Jamais. Elle n'en a jamais eu et n'en aura pas. Elle ne répondra à aucune loi, aucune règle. C'est la nature même de la vie. Elle est impermanente, violente. Dégueulasse. Magnifique. Et il faut rester droit, solide, debout sur ses deux jambes et tenir face aux grands vents. Il faut sentir la vie nous traverser, nous secouer, c'est son essence même, son fracas permanent... Et dans le noir de la tempête, on doit juste essayer de hurler aux gens qu'on les aime, et crier fort et espérer que notre voix porte jusqu'à eux.
Toutes ces choses insignifiantes... tout ce à quoi on ne fait pas attention au jour le jour, c'est tout ce qui nous manquera le plus cruellement un jour.
Ce sont deux mondes bien distincts, sans aucune porosité. Le monde du réel et ses codes bien à lui, et le monde des laissés-pour-compte, le monde des hôpitaux et des services de réanimation.
Je m'éclaire longuement avec l'or que je trouve au fond d'une étreinte.
Lucien Becker
J’ai entendu dire qu’on mourrait deux fois. Quand le cœur cesse de battre, et quand on arrête de prononcer ton nom.
Les histoires d'amour n'ont pas de cimetière...
Ce serait réconfortant pourtant, un cimetière où on pourrait aller faire le deuil de nos histoires d'amour passées...
On y inscrirait les dates de début, les dates de fin...
Certaines personnes n'auraient qu'une seule et discrète petite tombe avec deux prénoms gravés... Et d'autres couvriraient des champs entiers de pierres tombales avec autant d'épitaphes...
...Et moi ? Et toi, Romy...?
Est-ce que j'aurai une place dans ton panthéon des gens qui ont compté ? Qui peut répondre à cette question aujourd'hui ?
Je fais le chemin seul à pied.
Je traverse une partie de la ville.
Je me sens comme cette vieille femme --
Derrière chacun de ses sourires, elle m'a jeté sur les épaules tout le poids de son âge et d'une solitude trop dure à porter.
Je rentre chez Romy et moi
Je rentre chez nous.
C'est une douleur qui s'ajoute à la douleur,
la somme d'inconnus supplémentaires...
"Combien de jours sans elle
Combien de rues encore à traverser
Sans sa présence lumineuse ?
Combien de nuits ?"
Je n'ai pas les réponses.
Alors je lui parle
Je rythme mon pas
sur la cadence de son pas
Je me trouve un souvenir --
--- Et je rentre avec elle.
Toutes ces choses insignifiantes... tout ce à quoi on ne fait pas attention au jour le jour, c'est tout ce qui nous manquera le plus cruellement un jour.
Je ne pense plus en terme d'avenir, je pense en terme de survie.