L'île au secret

Elle ressentit une soudaine envie de le prendre dans ses bras, de le tenir serré contre elle. Au fond, elle savait qu’elle n’avait jamais vraiment cessé de l’aimer. Sur ce plan-là, elle non plus n’avait pas tiré un trait sur le passé :elle se sentait à nouveau dans la peau d’une jeune amoureuse de vingt ans. Une femme mûre, épouse et mère de deux enfants, ne devrait pas nourrir ce genre de pensée…

Ma femme et moi, on n’a jamais pu avoir d’enfants, reprit-il. Et je n’en ai pas d’une autre union. Je n’ai pas eu de liaison en Islande, j’ai toujours été fidèle. Je suis désolé que vous ayez fait le voyage pour rien, mais je ne suis pas votre père, si c’est ce que vous comptiez me demander.

L’âge lui allait bien. Déjà très jolie au lycée, elle était devenue une belle femme. Si Benedikt la trouvait toujours aussi attirante, il savait qu’il n’avait plus aucune chance avec elle. Il avait plaisir à retrouver ses amis, certes, mais il se réjouissait qu’ils aient suivi des chemins différents – sauf Dagur et lui, bien sûr.

C’était une sacrée menteuse, même si elle ne pensait jamais à mal. C’est juste qu’elle adorait enjoliver la réalité.

Il était parfois difficile de résister à la tentation – à cause de ses gènes, peutêtre – mais il n’avait pas l’intention de replonger. Il n’avait jamais réussi à déterminer quelle part avait eu l’alcool dans le naufrage de sa famille, néanmoins, il était clair que sans la boisson, le complet désastre aurait pu être évité. Non, cette nuit, il resterait sobre, comme toujours.

– Quelle aventure de se retrouver au milieu de nulle part ! dit Klara. Ça doit te changer, hein, Alexandra ? Pas d’enfants qui pleurent…

Comme il n’y avait pas d’eau courante sur l’île, le pavillon était alimenté par un réservoir d’eau de pluie, et ils avaient apporté des bidons d’eau minérale en plus de l’alcool et de la nourriture. Ils avaient réussi à débarquer tous leurs bagages sur la rive sans rien casser – ce qui n’avait pas été une mince affaire.

C’était comme affronter l’infini… et sa propre mortalité. Elle recula malgré elle avant de reprendre son souffle. Aucun être humain ne survivrait à une chute pareille.

Elle présentait une réelle aptitude pour les langues grâce à son oreille développée – quel dommage qu’elle n’ait jamais eu l’occasion de s’en servir davantage.

Même s’il était reconnu innocent, le doute planerait toujours dans leur tête. Et avec les autres ? Est-ce qu’il pourrait un jour retourner au travail, par exemple ? Marcher dans la rue la tête haute ? Regarder ses voisins droit dans les yeux ? Ces questions le torturaient plus encore que l’attente du verdict et l’éventuelle peine de prison qu’il encourait. C’était plus qu’il n’en pouvait supporter. Aucun être normalement constitué ne pouvait vivre avec un tel fardeau. Parfois, il aurait voulu s’endormir pour ne plus jamais se réveiller.