Les mains de Louis Braille

Lorsqu'on ne voit pas, comment savoir qu'on n'est pas seul ? Les aveugles jettent dans l'obscurité des mots dont ils guettent les ricochets sonores.

Même si on sait tous que la vie n'est pas dans les livres, il y a dans les livres quelque chose que l'on ne trouve pas ailleurs dans la vie. Et des gens qu'on ne peut pas connaître autrement. Et toi tu es curieux, mon Louis. C'est vaste à l'intérieur de toi. Il y a de la place pour beaucoup de choses, beaucoup de gens, beaucoup de mots. Je sais bien que ton papa et moi, on n'aurait pas suffi à remplir tout ça.

Qu'est ce qu'un destin, sinon une vie qui fait basculer celle des autres?

Au moment du plus grand désespoir, on ignore si l'avenir ne nous en réserve pas de pire - surgit parfois l'événement ou la personne qui nous relève.

Je venais de plonger dans un autre monde, de comprendre ce qui depuis deux ans me faisait défaut: je n‘étais pas aveugle. Pour avoir accès au braille, il faut ne pas voir. Voir empêche de lire du bout des doigts. Le code inventé par Louis est génial car il fait de la pulpe du doigt une tête de lecture. D'abord lente, elle gagne en vitesse après des mois d’apprentissage pour finir par avoir la vitesse d‘un œil qui parcourt une ligne. Le professeur aveugle m’avait ouvert les yeux sur cette évidence. C'est en me les fermant qu’il y était parvenu.

Comment dire à Thomas qu'écrire c'est comme découvrir une autre personne qui avance à côté de soi. Qui sait à notre place, qui a tout vécu, et qui surgit parfois quand on tend la main vers son stylo.

Même si on sait tous que la vie n'est pas dans les livres, il y a dans les livres quelque chose qu'on ne trouve pas ailleurs dans la vie.

Louis accompagne souvent sa mère au "lavoir des médisances".

Tout repose sur les mains de Louis, ce sont des mains qui voient, ce furent les premières mains à lire, c'est un morceau de corps glorieux qu'on s'arrache, c'est la nuit qu'on traverse. Elles ne lui appartiennent plus dès lors qu'elles deviennent un symbole.

Pourquoi faut-il que les choses nous touchent de près pour qu’on soit curieux ? Ne s’approche-t-on que de ce qui s’approche ?