Les mains de Louis Braille ne sont pas des mains, elles sont la prunelle des yeux du monde aveugle !
Les jours d’après, il se met à dessiner tout ce qui passe devant ses yeux, les gens aussi, et lui, dans le petit miroir que lui tend sa maman. Elle réalise, ce jour-là, cachant ses larmes derrière le miroir, qu’il ne connaîtra jamais son visage d’homme. Dans les mois qui suivent, Louis regarde tout. Il regarde une dernière fois. Il regarde sans savoir que c’est la dernière fois.
Je me mets à penser qu’on ne peut pas faire de grandes choses lorsqu’on est vraiment seul. On dit qu’il faut un concours de circonstances pour qu’une grande chose advienne. Sans doute. Mais il faut surtout un concours de belles-âmes autour de celui qui invente.
Quand la beauté est trop grande, on n’a plus le choix, il faut la partager
La souffrance ne prend pas toujours un visage spectaculaire. Elle est plus souvent muette que criante.
Lorsqu’on est incapable d’imiter les gestes des autres, la façon de se tenir des autres, la démarche des autres, le sourire des autres– sourire ça s’apprend, oui –, comment pénétrer dans le monde ? Le regard est la voie royale de l’enfant qui entre dans la vie.
Louis aime sentir la lumière tiède, caresser sa peau. Le sentir est sa seule façon de voir le soleil.
Je me suis toujours réjouie que les manuels de conjugaison aient le bon goût de choisir comme premier de tous les verbes celui qui dit l’amour. On découvre le premier groupe avec le verbe Aimer. On découvre le temps d’aimer. On s’interroge, perplexe, sur la dose d’amour qui reste encore lorsqu’on dit « que j’eusse aimé ». On constate qu’il n’y a rien de plus triste qu’un infinitif passé, « avoir aimé... » Tout finit-il ?
Le mal n’existait pas pour Louis, ni au-dedans, dans sa maison, ni au-dehors, dans le village. Le nid sur la branche n’était que tendresse et l’arbre n’était que caresse. Le quitter, c’était aller au-devant des Autres, les bons et les méchants. Les méchants n’existent pas tant qu’on ne les a pas rencontrés. La première rencontre sidère, ou, dans le meilleur des cas, surprend.
Louis veut que les aveugles deviennent des êtres libres, et il est convaincu que cette liberté passe par la lecture.