ISBN : 9782842284879
Avant tout, merci à Babélio et aux Editions du Pré-aux-Clercs qui nous ont gracieusement expédié cet exemplaire de "Magies Secrètes", à charge pour nous d'en faire une critique.
Faire une critique n'est pas chose aisée. Surtout dans un cas comme celui-ci où l'on ressent, à toutes les phrases ou presque, le plaisir profond qui est celui de l'auteur lorsqu'il écrit. Précisons déjà que "Magies Secrètes" appartient à la fois à la catégorie des livres dits "pour jeunes adultes" et à celle des romans de fantasy français. Double et lourde charge, à notre sens, ce qui explique en partie pourquoi ce texte n'a pu réussir à nous faire décoller.
Le monde inventé par Jubert paraît cependant très intéressant : c'est un mélange qui rappelle le feuilleton de cape et d'épée tel qu'on le concevait à la fin du XIXème siècle (beaucoup de noms évoquent d'ailleurs le Paris où rôdaient
Ponson du Terrail et Dumas) tout en y incluant une fantasy du quotidien et non pseudo-médiévale, comme c'est souvent le cas. Il y a de l'action, du sexe, un beau ténébreux à l'oeil de verre, son énigmatique et belle "assistante" et tout un cortège de belles de nuit, de courtisans, de rivaux, de succubes, et toute cette sorte de choses. (Il y a même des dieux, égyptiens et autres.) le style, s'il reste sommaire, est vif et va autant de l'avant que les personnages.
Seulement, ou bien "Magies Secrètes" est le énième tome d'une saga - et on ne nous en avait rien dit, ce qui est bien dommage mais explique pourquoi tout, personnages et décors, semble mis en place depuis plusieurs volumes - ou bien l'auteur est si "pris" par sa création qu'il croit tout naturellement que le lecteur lambda est capable de l'appréhender aussi aisément.
Mais que nenni, hélas ! que nenni ! D'abord, le passé des protagonistes, qui aide si souvent à bien planter le décor. Eh ! bien, quand ils en ont un, ce passé est réduit à trois fois rien, au détriment de la profondeur du caractère dépeint et de la crédibilité aussi bien du personnage concerné que de l'intrigue. Plus qu'à des personnages, les secondaires et les autres, et quels que soient leurs hauts ou bas faits, ils ressemblent plus à des figurants - brillants, certes, très bien mis en scène, oui encore mais des figurants.
Du coup, on ne comprend pas toujours très bien pourquoi et comment ils font ceci et ne font pas ça. Et cela, ça fait en général froncer le nez au lecteur digne de ce nom parce qu'il est tenté de se demander s'il est idiot ou si on le prend pour un idiot.
En outre, détail singulier - qui, nous le précisons, a fini par nous déranger nous aussi alors que, d'habitude, nous les tolérons très bien - les notes de bas de page. Elles sont censées éclairer la situation mais, dans la majeure partie des cas, elles abasourdissent encore plus le lecteur. Evidemment, cela donne une touche d'originalité à l'ensemble mais les "jeunes adultes" sont-ils si avides de ce genre de notes dans un roman fait pour délasser ? Nous avons comme un doute ...
Tout cela fait qu'il nous a été difficile de nous attacher à ce roman. Dire que nous l'avons lu comme on ferait un pensum serait sombrer dans une exagération de mauvais aloi. Il y a, dans "Magies Secrètes", de l'idée et un certain brio, nous le répétons mais tout cela a encore grand besoin d'être étayé, remis en forme (mais non formaté) et soigneusement poli - on ressent tout de même un manque de souplesse dans certaines co-habitations entre créatures elfiques et humains et cela fait grincer aux entournures. Et puis, que diable ! que les personnages prennent de la profondeur ! Pour l'instant, malgré tous ses talents et son charme, malgré le mystère qui plane sur ses origines, Beauregard reste creux. Et c'est dommage : il mérite bien mieux. ;o)