Fromanger

Fromanger vient un jour demander de l'argent à son père expert en joaillerie pour aller voir les Rembrandt à la Haye. Son père le met au défi de lui montrer son talent : "Dessine mon portrait en 5 minutes; pour Delacroix, un grand artiste est capable de dessiner un ouvrier qui tombe de son échafaudage en quelques minutes". Trois minutes plus tard, le père regarde son portrait, donne l'argent, précisant qu'il faudra le lui rendre. Fromanger part en Hollande, découvre surtout Vermeer et sa Vue de Delft. Une semaine plus tard il rend l'argent emprunté à son père. Et disparaît pour plusieurs années.

En 1967, Aimé Maeght veut faire de ce jeune prodige "le Johnny Hallyday de la peinture". Voilà que Fromanger, en contrat chez lui depuis 3 ans et jusqu'alors auteur de splendides nus gris, se met à faire couler des couleurs sur ses toiles, en particulier du rouge (série des Pétrifiés, multiples de Gérard Philippe avec Le prince de Hombourg). Maeght proteste, exige qu'il lui fasse du Fromanger"(i.e. des "Nus gris", au moins sur un coin des nouvelles peintures) pour que tout le monde soit content … et pour faire de lui un milliardaire".
Colère de l'artiste. Rupture. Fromanger part faire du Fromanger, mais selon ses propres critères d'évolution stylistique permanente.
Quelques mois plus tard, éclate la révolution de Mai 1968, ce "recommencement radical".

Fils adoptif de Giacometti et Prévert, cousin des frères Lorenzetti dans la Sienne médiévale, de David et Léger, compagnon philosophique de Foucault, Deleuze et Guattari, il a construit sur quatre décennies une oeuvre singulière, janséniste et voluptueuse, qui s’engendre comme une langue vivante. Toujours à la découverte de désirs inconnus dont la peinture, plus encore que la poésie, est aujourd’hui, dans les ténèbres, le principal révélateur.