Citations sur Les Royaumes invisibles, tome 4 : Le prince exilé (21)
- Je viens du Bout du Monde, Majesté, répondit une voix posée qui me tétanisa. De la Rivière des Rêves, en passant par le Gantelet, les Bruyuères et les Grands Abîmes, afin de pouvoir être devant toi en ce jour. Je n'ai qu'une seule et unique requête: reprendre ma place à tes côtés. Reprendre mon devoir de chevalier, et te protéger, jusqu'à mon dernier souffle.
Ses yeux d'un bleu-vert clair s'élevèrent jusqu'aux miens et je commis l'erreur de la regarder en face.
Son regard captura le mien, m'attirant irrésistiblement, et je me sentis chavirer.
Des éclats constellaient ses iris comme autant de minuscules étoiles, comme si c'était tout un univers que je contemplais dans ses yeux. J'avais en face de moi une émotion éblouissante, intacte, préservée de toute la noirceur de la cour.
Nous nous fixâmes ainsi pendant quelques secondes, sans un mot, aucun de nous deux ne souhaitant détourner le regard.
Il y avait une quantité de marches phénoménales à gravir pour accéder au temple.
- Un escalier...soupira Puck. Je suis sûr que ça cache un genre de code secret. Tout temple ancien doit compter un minimum de sept cents marches devant son entrée principale.
Je ne rêve quasiment jamais. Les rêves sont l'apanage des mortels dont les émotions sont si fortes, si dévorantes, qu'elles débordent dans leur subconscient. Les fées, elles, ne rêvent pas; notre sommeil est préservé des pensées issues du passé ou du futur, de tout ce qui n'est pas le moment présent. Si les humains sont tourmentés dans leur sommeil par des sentiments de culpabilité, de langueur, d'angoisse ou de regret, la plupart des fées ne connaissent jamais rien de cela. Nous sommes beaucoup plus... Vides en quelque sorte que les mortels, car dénués de toutes ces émotions profondes qui les rendaient si... Humains justement. Peut-être est-ce la raison pour laquelle ils nous fascinent tant.
Ensemble, nous contemplâmes dans un silence recueilli, tout chargé de désolation, l'endroit où Ariella m'avait souri pour la dernière fois avant de disparaître dans un éclat de lumière _ ce qui était finalemnt la forme de mort la plus souhaitable que je puisse imaginer.
J'étais allé jusqu'au Bout du Monde, j'avais enduré les pires épreuves pour elle. Et je le referais sans hésiter s'il le fallait.
L'amour était un concept plus qu'un sentiment au royaume de l'Hiver, car ignoré de tous et de ce fait, redouté de tous.
Non, me dis-je, les humains n'étaient pas faibles. Meghan Chase me l'avait prouvé, et en de nombreuses occasions.
Elle était si fragile. Son coeur était comme une boule de cristal au creux de ma main, rempli d'émotions, d'espoirs, et de rêves. Quelques mots, c'est tout ce qu'il fallait pour faire de ette créature pétillante un coquille vide.
Je brûlais d'envie de la prendre dans mes bras, de laisse sa lumière me consumer jusqu'à ce qu'il ne reste de moi que des cendres. Serait-ce vraiment un si triste destin que de disparaître dans les bras celle qu'on aime?