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Critique de allard95


Axel Kahn, connu pour être généticien, a ressenti le besoin, le moment de la retraite venu, de parcourir à pied la France qu'il aime. Provincial d'origine, il cherche à revoir les scènes de son enfance, et à ressentir les émois intimes résultant de la vue d'un paysage, d'un torrent, d'une biche, d'un clocher lointain. A 69 ans, au printemps 2013, il se lance, seul et à pied, sur un parcours allant du confins des Ardennes à la limite sud-ouest du pays Basque français.
Le récit de son expérience a un fort contenu positif. Tout d'abord, on reconnaît le mérite de celui qui entreprend un tel périple: les "chemins de grande randonnée" ne sont pas des routes départementales: étroits, accidentés, pas toujours très bien entretenus, parfois mal signalés, ils ne cessent d'imposer des détours qui peuvent multiplier par deux la distance à parcourir, et aussi des différences de niveaux multiples et considérables. L'effort à produire est significatif, et nécessite une force mentale, plus encore que physique, extrêmement solide.
A.Kahn aura cette force. De plus, on comprend qu'il sait lire la nature: voir, c'est-à-dire regarder, une fleur, une sculpture dans la pierre du porche d'une maison de village.... A.Khan a cette qualité du marcheur observateur, qui se nourrit de toutes ces choses simples, en lien avec la nature ou avec les beautés que nous ont laissées les hommes du passé. En plus, l'auteur sait écrire. Il intercale opportunément dans son récit et selon l'usage des explications liées aux lieux traversés: liens avec l'histoire, traditions agricoles, etc..... Bref, il sait nous intéresser, ce qui est déjà bien.
A noter ce qui semble être une erreur: à différentes reprises, A.Khan désigne Vézelay comme étant la "colline inspirée" (cf Barrès). Or, la "colline inspirée", c'est la colline de Sion, en Meurthe et Moselle……
A.Khan ne se contente pas de jouir des beautés rencontrées, il est aussi en contact avec les gens du cru. Son périple est préparé, halte par halte, et les sommités locales, tout comme la presse régionale, l'attendent, le soir, bien souvent. Il aura aussi de très nombreux échanges avec ses hôtes d'un soir. Et là, il fera une terrible découverte: la France des campagnes et des villes moyennes est en déshérence. La désindustrialisation l'a tuée. Les hommes et les femmes réagissent: haine des élites parisiennes qui ignorent leur colère, isolement par le refus de suivre l'actualité nationale, mécontentement exprimé lors des élections par des votes de protestation…. Quand on va en province, on croit rencontrer les petits oiseaux, et l'on se trouve face à un peuple perdu, trompé, oublié, méprisé. Cette découverte - qu'il appelle "sécession" - fit fortement chanceler notre marcheur, qui aura l'honnêteté de le dire. Par contre, si l'on est un grand généticien, l'on n'est pas forcément un bon économiste. Et l'analyse que A.Kahn fait des causes des problèmes qu'on lui conte (tout serait dû à la "mondialisation"....) est simpliste. Chacun son métier.
Enfin, ce marcheur est différent des autres. Ceux-là, souvent tout aussi illustres parfois (S.Tesson, JC Rufin, B.Ollivier...), sont des discrets. Ils ne disent rien à personne, et ils partent, ils marchent, et restent seuls. Ce n'est qu'au retour qu'ils écriront. A.Kahn, lui, fait le contraire: ses haltes sont programmées, et annoncés aux échotiers. Il prévoit, dès son départ, de faire en chemin 4 "conférences sur la beauté"…. D'échanger avec des élus, des journalistes, des braves gens,.... le petit peuple de France va pouvoir profiter des idées du grand homme.
Ce marcheur a beaucoup de qualités liées à l'exercice, mais il lui en manque une: l'humilité.
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