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Critique de Lulu_Off_The_Bridge


Comme dans Rêve de garçons, l'auteur déploie des réalités américaines communes, des routines usantes, une galerie de personnages proches du rongeur dans sa roue, pour mieux en indiquer la facticité. À croire que la vie, loin d'être une scène, est un marais, une tourbière qui avale lentement mais sûrement. Bien sûr, n'est pas « revenant » celui qu'on croie, pas le cher disparu mais bien plutôt le malheureux vivant. Craig et Nicole, Perry l'ami boy-scout, Josie la garce, la prof mère de famille, la prof lesbienne, ce sont tous des ombres condamnés à répéter les mêmes moments de leurs vies. Des esquisses. Forcément, me direz-vous, ce sont des personnages de roman, allégorie, caverne, tout ça, tout ça… En tant qu'imitation de vrais gens, ils sont la moitié de ce qu'ils pourraient être (oui, je sais que ce n'est pas français, il est 2h05 je n'ai pas mieux sous la main), ce qui fait sens ; en tant que créations littéraires, hmmmm… aussi, ce qui pose un problème. À moi, du moins, car je n'ai trouvé à aucun moment cette ribambelle signifiante – ce qui est bien dommage, car c'est plutôt mon type, d'habitude, les ombres de soi-même et je trouve cela évocateur. Ce sont des types, des emplois, pour filer la métaphore théâtrale. L'Ami méritant, la Pétasse, la Mère de Famille Harassée, l'Amoureux...
Le roman emprunte la forme du roman-chorale, doublée du roman policier, mais de loin et on voit un peu les coutures. Parlant de construction, l'alternance passé/présent de part et d'autre de l'accident dont le récit reste lacunaire est plutôt une bonne solution (y en avait-il vraiment d'autre ?) mais elle induit des cliffhangers perpétuels assez lourds, d'autant que les chapitres sont courts et partant, nombreux. Encore une couture, j'imagine, genre le roman qui se désigne lui-même comme un mauvais roman policier, à moins que ce soit juste de la maladresse, je n'en sais rien mais je vais être optimiste. Je suis tombée il y a quelques temps sur une interview de l'auteur par François Busnel pour la Grande Librairie, où celle-ci indique s'attacher aux images, plus qu'au langage en lui-même, ce que je m'attendais à retrouver ici. Ooops. Est-ce une question de traduction ? Je ne dis pas que c'est mal écrit, ou plat, ou que sais-je. Au contraire, les 400 premières pages sont passées en un clin d'oeil – comme une très longue bande annonce, peut-être. On se retrouve facilement pris dans le flot, dans le gruau de ces petites vies qui flirtent bien malgré elles avec l'anormal. Je dis bien : anormal, car si Kasischke entreprend le motif du fantôme, c'est en tant que révélateur, image en creux, pas tant pour sa capacité à étendre (les frontières du) réel que pour en souligner les manquements. le revenant, dont je ne vais pas reprendre la polysémie, n'est pas un motif fantastique, un en-deçà et pas un au-delà du réel (oui, j'arrête avec les jeux de mots téléphonés). Pour résumer, si vous cherchez une histoire de fantômes, merci de repasser plus tard et ailleurs.
Je ne cherchais pas particulièrement une histoire de fantômes, pour une fois. Une bonne histoire de hantise a moins besoin de fantôme que de psyché tordue, cela dit. Et ici, en un mot : non pas. Ce qui m'a gênée, à la longue, c'est l'absence d'idée neuve, si je puis me permettre ce raccourci brutal. On parle de la mort, tout le temps même, ou des sororités étudiantes, ou de la mesquinerie inhérente aux milieux quels qu'ils soient, mais somme toute on n'en « dit » pas grand-chose en dehors de ce que 2 mn de réflexion plus ou moins avinées peuvent offrir. Exemple : les « grecs », les fraternités étudiantes, sont réputés pour être soit des lieux de débauche et de beuverie, soit une antichambre des différents groupes sociaux avec échelles et marchepieds de rigueur, dans tous les cas une force en lutte avec l'individu. On en compte plus le nombre de films sur le sujet, du plus confidentiel au plus campus movie. Les Revenants n'apportent strictement rien au débat. Par rapport au Maître des illusions, par exemple, à sa bande d'hellénistes tarés – des vrais hellénistes, cette fois, pas des « grecs », ce qui est déjà nettement plus exotique. À mon goût, il manque clairement quelque chose et plus je lis les critiques élogieuses, plus je pense être passée à côté de l'essentiel. Il me manque ce petit twist tordu, vaguement malsain qui fait le charme de Brett Easton Ellis, par exemple. Ce minuscule éclat – de brio ? gouaille ? – qui fait exploser les systèmes de l'intérieur et/ ou rend toute chose cruciale.

Lien : http://luluoffthebridge.blog..
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