Au coeur du brasier

Elle considérait qu’il n’était pas correct d’aider ceux qui avaient les moyens et de laisser les autres livrés à eux-mêmes.

Il noyait sa cible sous un flot de questions, sans attendre les réponses. C’était une manie, chez les journalistes. Des questions, des questions, pour venir à bout de la patience des flics épuisés, avec l’espoir de leur arracher des bribes d’informations. Elle connaissait bien le procédé pour l’avoir souvent employé avec des suspects, mais elle n’avait pas l’habitude qu’on l’utilise avec elle.

Pour le sang, elle n’éprouvait aucune répugnance. Elle en avait été éclaboussée, recouverte. Elle s’était roulée dans le sang, vidée de son sang. Elle avait affronté des assassins, des tueurs, des terroristes. Elle s’était longuement interrogée sur leurs mobiles — le pouvoir, la cupidité, la vengeance, la satisfaction sexuelle.
Mais les incendies criminels n’étaient pas son rayon. Elle avait du mal à cerner les motivations de quelqu’un qui prenait plaisir à mettre le feu.

Le feu évoquait toujours pour elle la fureur, une sorte d’entité déchaînée et furieuse. Elle songea aux livres de catéchisme de son enfance et aux illustrations de l’enfer. Le feu, c’était l’enfer. Le territoire réservé aux tueurs, aux monstres, aux violeurs. Le territoire où l’on punissait ceux qui étaient habités par le mal.

La nourriture, bien que délicieuse, lui avait ravagé l’estomac. Le whisky lui ferait du bien. Il lui en faisait toujours. C’était pour lui un remède universel contre ce qu’il ne voulait plus ressentir, contre tout ce qu’il voulait oublier ou ne pas être.

Quelques années plus tôt, il aurait pu rivaliser avec ce salaud pour embarquer la belle nana. Mais à présent, il n’était plus qu’un clochard, un parasite. Il n’inspirait plus que la pitié ou le dégoût, c’était selon. Il parvint tout de même à se convaincre que la femme n’était pas restée tout à fait indifférente à son irrésistible charme.

Quand on empruntait un livre, il fallait le rendre dans les délais.

Quand on perdait tout du jour au lendemain, on comprenait brusquement la valeur d’un grand carton en bon état et d’une couverture chaude.