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Critique de chrysalde


« Vous êtes les compatriotes d'un pays non cartographié, personne ne vous connait, personne ne parle de vous. Quand vous quittez cette allée, quand vous rejoignez votre bus, quand vous remontez sur votre vélo, quand vos mains se retrouvent par-dessus le trottoir de la honte, plus personne ne vous reconnait, vous n'existez plus, la frontière elle est là, tracée autour du troupeau, là où l'écorce terrestre a craqué en profondeur, vous isolant définitivement de ceux qui ne vivent pas ça.

Le schéma de narration est original, c'est un narrateur qui s'adresse à des personnes qui font le même chemin régulièrement, elles vont d'un parking, d'un arrêt de bus jusqu'à l'hôpital psychiatrique où un de leurs enfants, grand adolescent ou adulte est hospitalisé. Ils sont ces compatriotes faisant partie du troupeau .

Il ne s'agit pas d'un roman autobiographique mais malgré tout nettement inspiré de son histoire personnelle, de son coeur blessé. Sa fille a passé du temps dans cet univers, et l'autrice est une de ces mamans, parents, proches, qui font les aller-retour vers l'établissement, qui viennent rendre visite à leur enfant en souffrance.

Qui sont ces baleines engravées sur la plage ? Ce sont ces jeunes en pleine décompensation, en souffrance psychique, en pleine dépression, qui souvent sous l'effet des médicaments, des neuroleptiques, des anti-dépresseurs, des psychotropes, marchent et vivent au ralenti, prennent énormément de poids, trouvent refuge dans la nourriture, le chocolat, les chips.

Ils n'arrivent pas à fonctionner dans la norme, la société leur enjoint à être beaux, performants, intelligents, … Tous ne sont pas à même de faire face à une telle pression.

Les tranches de vie relatée par le narrateur ne sont pas nominatives, on ne sait jamais vraiment de quel jeune il s'agit, mais les récits s'enchaînent et par un fait, une action, un prénom parfois, on fini par reconstituer les différents cercles familiaux qui évoluent autour de ces jeunes.

Chaque chapitre est constitué de quelques pages relatant un aller et un retour et entre ces pages l'autrice insère une page blanche ne comprenant qu'une ou deux phrases, souvent dénuées d'affect, sentences lapidaires prononcées par un médecin, un soignant aux parents. Non pas qu'ils soient sans empathie ou sans coeur, mais ils ont plus de recul que les parents directement affectés, et puis ils en côtoient tellement, ils sont dans le factuel alors que les parents sont dans l'émotionnel, évidemment.

Les parents se croisent, s'observent, certains se font parfois un sourire, mais ne nouent pas de sympathie particulière. Pourtant ils sont tous, seuls, face au désarrois, voire au désespoir de leur enfant. de semaine en semaine, les jeunes quittent le centre hospitalier, parfois pour un simple séjour dans leur famille, parfois pour plus longtemps. Parfois aussi parce qu'ils ont réussi à mettre fin à leur jour.

C'est un texte, roman, qui est empreint d'une humanité folle, de souffrance et de questionnement. J'ai beaucoup pensé en le lisant à une jeune de mon entourage, amenée à effectuer régulièrement des séjours dans un centre de ce type.
Au texte de Stromae « l'enfer ».
Et à quelques jeunes dont j'ai appris le geste fatidique.

J'ai aussi beaucoup pensé à moi en tant que maman, qui heureusement, jusqu'à présent, n'est pas confrontée à ce genre de situation, mais ces pathologies peuvent arriver à toustes et à tout moment. Il y a énormément d'amour dans ce livre, j'ai été tellement émue par ce jeune qui demande l'euthanasie pour qu'enfin son mal-être cesse, et par cette maman qui comprend que cette fois ci la grosse bêtise de sa fille est plus qu'un appel au secours …

Ce n'est pourtant pas un texte qui ne tombe ni dans le misérabilisme ni dans le pathos, il y a aussi des jeunes qui arrivent à s'en sortir, et ce sont ces victoires là dont on veut se souvenir.
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