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Critique de Tapagenocturne


Courants noirs retrace l'oeuvre poétique complète de Nikos Kavvadias, constituée par trois recueils : Marabout, Brume et Traverso.
Des poèmes divers, inédits, en font partie également.
L'ouvrage est incroyablement travaillé et peaufiné par le traducteur Pierre Guéry, dont chaque poème grec est traduit en français sur la page à côté.

Il est à la fois marin, télégraphiste, poète et écrivain .

Cet homme qui couche ses maux sur le papier, le fait comme on jette une bouteille à la mer, avec force et détresse, attendant un signe, tout en sachant pertinemment que personne ne viendra le repêcher. Ses écrits transpirent la mélancolie, les ténèbres, le désespoir, tout en y distillant malgré tout des pointes de beauté, de lumière, de chaleur.

Si son oeuvre parle autant de navigation, c'est que ses pieds ont foulé le sol des navires bien plus que le sol terrestre. La mer est pour lui sa maison principale, les cargos sont ses nombreuses demeures, son refuge, son échappatoire, et nombreux sont les mots qu'il a pensés et écrits en mer.

Les rencontres du poète-marin y sont variées et fascinantes, et toutes retranscrites en poèmes.
L'impression grisante d'accoster sur les différents ports en même temps que lui, et de découvrir les richesses ou la culture d'un pays. Certains thèmes cependant reviennent régulièrement : la navigation, les prostitués, les amours perdus, l'exil, l'alcool, la drogue, les légendes…

Entre prose et poésie, ce qu'il conte est imprégnée d'histoires exotiques, d'aventures, de départs enivrants, et de retours impatients.
Une langue parfois lyrique, parfois rustre, teintée d'un entre-deux mélancolique où perdition et espoir se côtoient.

*

[…] Je contemplais longtemps ses yeux brumeux,
il me semblait que tout au fond je pouvais voir
des mers d'orage, des grappes d'îles dans l'océan
et des petits bateaux blancs, toutes voiles dehors. […]
[Marabout, Gabrielle Didot]

*

[…] Il est minuit et tu navigues tous feux éteints !
Tu crains que les lumières ne révèlent ta présence,
mais tu es bel et bien seul à rôder sur le pont, pensif,
avec entre tes mains la lampe d'Aladin.
[Brume, Lampe d'Aladin]

*

« Aujourd'hui comme toujours était un triste jour.
Le soir tombe et sur l'horloge les heures courent à l'envers.
Et nous, que tout le temps qui passe éloigne de la jeunesse,
On égrène le chapelet des innombrables erreurs.

On attend une dame qui a promis de venir, un soir,
Nous offrir une joie, ne serait-ce qu'éphémère.
On l'attend… mais elle ne viendra pas car on n'est plus un enfant
Et qu'une nuit profonde a tout recouvert. »
[ Poèmes épars et inédits, Pour une dame]

*

[…] Moi, je suis un homme amer, sans morale, mon âme est noire,
je l'ai gaspillée dans l'ivresse des mers.
Auprès de toi j'ai retrouvé mon petit coeur d'enfant,
qu'étrangement j'entends agonir lentement. […]
[ Poèmes épars et inédits, À Fevronia]
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