Mary Mallon a un don pour la cuisine. Arrivée seule à New York à la fin du XIXe siècle, elle s'est fait un nom dans la haute société qui apprécie ses services, à défaut de son caractère. Mais là où Mary passe, des cas de typhoïde se déclarent mystérieusement... Pour Mary, c'est le simple fait du hasard. Mais pour le Dr Soper, il est clair que
la cuisinière y est pour quelque chose. Aussi, quand la petite fille des Bowen tombe malade à son tour, il fait arrêter Mary et la place en quarantaine, pour observation. Mary se défend, proteste : elle ne voit pas comme elle pourrait transmettre une maladie qu'elle n'a jamais eue ! Pourtant, elle est transférée contre son gré sur une île accueillant les tuberculeux et autres malades contagieux. Commence alors pour Mary un combat pour retrouver la liberté et prouver son innocence.
Ce roman m'a beaucoup intéressée, d'abord car il aborde un sujet dont j'ignorais tout : l'existence de porteurs « sains » de la typhoïde, qui n'en présentent aucun symptôme mais peuvent transmettre le virus. Comment traiter ces « malades bien-portants » ? Faut-il les enfermer, les surveiller, les soigner ?
J'ai été surprise par la personnalité de Mary, qui n'est pas aimable et pour laquelle on a donc du mal d'éprouver de la sympathie. Mary est sûre d'elle-même, n'aime pas particulièrement la compagnie des autres et peut être très rude. Sa relation avec son compagnon, alcoolique et fuyant, est mystérieuse : pourquoi supporte-t-elle ses absences et ses mensonges ? Mais à la fois, n'est-il pas devenu comme cela à cause de la personnalité écrasante de Mary ?
Écrire un livre sur un tel personnage est un choix courageux, car on a du mal à avoir de l'empathie pour cette femme qui ne se questionne presque jamais sur sa possible responsabilité dans la mort de plusieurs personnes. C'est très intéressant, car ce manque d'empathie explique sans doute beaucoup le fait que personne ne s'est intéressé à l'époque à son cas ou n'a cherché à l'aider à sortir de sa « prison », où elle était gardée en toute impunité.
Mais au-delà de ces questions, l'histoire de Mary Mallon est surtout l'occasion de dresser un portrait de New York au début du XXe siècle, à travers les yeux d'une domestique. Dans le décor sordide d'un Manhattan boueux, on découvre les vies dans les Tenements, ces immeubles exigus où règne la misère ordinaire des travailleurs modestes.
Un roman étonnant, dont je salue la belle traduction et, comme souvent chez 10-18, la superbe couverture !