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Critique de Bunee


Excellent ouvrage, très drôle, vivant et documenté que ce roman !

Berlin, 1828.

Alexander von Humboldt a déjà parcouru les terres inconnues, découvert des canaux et des voies de navigation au coeur des forêts vierges, répertorié des centaines d'espèces de fleurs, plantes, animaux … Assoiffé de voyages et de découvertes, ses multiples pérégrinations l'ont rendu célèbre bien au-delà des frontières de l'Europe.

Il parvient, grâce à un harcèlement épistolaire acharné, à inviter à une conférence d'éminents savants (et faire venir !) Carl Friedrich Gauss, grand génie des mathématiques égocentrique et aigri se vantant d'avoir sauvé Göttingen de la canonnade Napoléonienne, et ayant une quasi phobie des voyages.

Clin d'oeil, parmi d'autres, nombreux dans ce livre, à l'histoire : Gauss est accueilli par Daguerre, ami de Humboldt, qui tente de fixer cet instant mémorable sur une plaque de cuivre … Mais malheureusement le procédé n'est pas très au point (C'est d'ailleurs Gauss qui suggèrera à Daguerre l'emploi d'une solution saline afin de fixer l'image), et tout vire à la catastrophe lorsqu'un gendarme vient disperser ce curieux attroupement non autorisé (id est : trois personnes réunies en un même endroit).

La première scène est donc celle-ci: deux personnages au caractère si particulier, ayant chacun parcouru et arpenté, classé, répertorié, cartographié le monde … Deux êtres humains frôlant du bout de l'âme l'infini (Gauss) comme le Fini (Humboldt) et tentant de le mesurer de leur hauteur d'homme.

Après cette scène, flash-back sur la vie de chacun de ces protagonistes. L'un et l'autre tour à tour chapitre par chapitre, voit son histoire relatée. Au départ ce sont deux personnages que tout amènerait à opposer :

Le milieu social d'origine (Humboldt est issu d'une famille aisée, contrairement à Gauss), le rapport au monde (Humboldt est avide de voyages et d'expéditions tandis que Gauss reste entre ses quatre murs – enfin pas tant que cela puisqu'il est devenu arpenteur pour fuir son épouse qu'il ne supporte pas) et aux autres (Humoldt est bien plus sociable, voire mondain, que Gauss).

Et pourtant.. Au fil de leur existence réciproque, chacun entend parler de l'autre ou s'y intéresse vaguement, et on retrouve un échos. Entre celui qui parcourt le monde pour le cartographier et celui qui mesure les lois terrestres et céleste à l'aulne des principes mathématiques, il y a au final peu de différences. Tant et si bien que l'existence de chacun suit une courbe ascendante (révélation du génie, célébrité, même si pas énormément de richesses) puis descendante (Les succès se raréfient, leurs prouesses s'affadissent dans le temps, déclin physique et intellectuel) et au final chacun éprouve de la pitié pour l'autre. Chacun de ces deux être est décalé par rapport à la société, et est marqué par une éducation particulière.

Ces génies sont avant tout hommes, et on est reconnaissant à Kehlmann d'émailler le parcours de ces mythes de quelques bassesses et défauts infâmes. Car tous deux ont un ego surdéveloppé, une sorte de cynisme et d'ironie lancinants, ce qui donne lieu à des épisodes d'un humour d'une noirceur savoureuse.

Ces deux personnages sont à la fois admirables, attachants, parfois ridicules et mesquins, mais Toujours campés avec une certaine tendresse. le style narratif, qui est très marqué par le dialogue au style indirect à l'imparfait, m'a beaucoup plus, mais je conçois que certains puissent en être lassés rapidement.

Bref, je conseille vraiment ce livre, je l'ai trouvé très vivant et original.
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