L'ex-pion qui mimait
Voici la 7ème "aventure" de Bernie Gunther, l'ex-flic de la Kripo berlinoise.
Son parcours l'avait déjà conduit d'Allemagne à Cuba, en passant par l'Argentine, entraîné dans la tourmente de la débâcle allemande, tour à tour flic, soldat, SS, mafieux...
Cette fois ci, des circonstances imprévues l'éloignent des Mojitos et autres Cuba Libre et lui font reprendre contact avec le sol de l'amère patrie.
Là, il se retrouve entre les mains des différents réseaux d'espionnage qui se partagent les places dans la Gross Berlin. Chaque pays tour à tour, va essayer de le manipuler.
C'est mal connaître Gunther, qui ne se laisse pas facilement abuser et qui sait aussi, jouer à faire semblant.
Le roman est bâti sur une série d'histoires racontées lors des différents interrogatoir
es auxquels Gunther est soumis. On revient ainsi sur certaines étapes de son parcours, avec des détails pour la plupart ignorés jusque là du lecteur fidèle. Je pense notamment à ses excursions aux camps français de Gurs et du Vernet ou aux séjours avec ses collègues à l'air SS, en Russie.
Cette revue de détails, ces retours en arrière réservent sans doute ce livre à ceux qui sont déjà familiarisés avec le parcours du "héros".
Sous cette réserve, je trouve qu'il s'agit du meilleur roman de la saga Bernie Gunther entamée avec la "Trilogie berlinoise".
L'écriture est resserrée, le déroulement est clair, cohérent et le cynisme de Gunther, mieux canalisé, moins démonstratif que par le passé. Et bien sûr, Gunther conserve cet humour mordant qui agace tous ses interlocuteurs mais ravit le lecteur.
Reste cette personnalité complexe , tour à tour victime et coupable, détestant aussi bien les nazis que les communistes, les Français que les Américains.
Bernie est surtout las d'être considéré comme un pion : "je suis fatigué de tout ce foutu cirque. Pendant 20 ans, j'ai été forcé de travailler pour des gens que je ne pouvais pas sentir. Heydrich. le SD. Les nazis. le CIC. Les Peron. La mafia. La police secrète cubaine. Les Français. La CIA. La seule chose que j'ai envie de faire, c'est de lire le journal et de jouer aux échecs".
Philip Kerr dresse un constat aussi passionnant que lucide. C'est le SOS, d'un terrien en SS qui découvre le Berlin de l'après-guerre et les manoeuvres des puissances occupantes, l'incroyable clémence dont ont pu bénéficier les pires criminels, la survie dans un pays dévasté…
Environ 600 pages, sans gras superflu.
Très recommandable.