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Critique de karmax211


Grâce à Joseph Kessel et à son magnifique roman - Les mains du miracle -, j'ai découvert, sur le tard, l'existence de ce personnage fabuleux que fut, qu'est Felix Kersten.
L'histoire de celui qui fut le "médecin" personnel d'Himmler de 1939 à 1945, que le Reichsführer, le nazi qui a sur la conscience la mort de millions d'êtres humains à travers l'Europe, appelait son " bouddha magique", m'a d'emblée intrigué.
En effet, comment croire à cette histoire incroyable de Juste ayant sauvé tant de vies grâce à son emprise sur celui dont l'unique conscience avait pour nom Adolf Hitler ?
Comment expliquer cette relation quasi "amicale", elle semble l'avoir été pour le fanatique criminel SS, entre l'homme aux mains sales et celui grâce auxquelles ses mains aux nombreux pouvoirs de guérison, ont permis d'arracher à la mort tant de pauvres diables oubliés de Dieu et de trop d'hommes ?
J'étais donc resté sur une conviction kesselienne... qu'il me fallait conforter... voire démentir.
Quoi ou qui de mieux lorsqu'on est confronté à un questionnement relatif à L Histoire contemporaine, qu'un historien spécialisé en histoire contemporaine ?
François Kersaudy est justement un historien spécialiste de l'histoire contemporaine, qu'il a enseignée à Oxford.
Il est par ailleurs le seul biographe français de Göring, de Mountbatten et de MacArthur.
Ajoutons à cela qu'il est spécialiste de l'oeuvre du général De Gaulle et de celle de Winston Churchill, dont il a retraduit les Mémoires de guerre et qu'il parle couramment 9 langues...j'allais oublier : qu'il est internationalement reconnu... nous avons là un CV et un homme digne(s) de confiance.
Et le hasard ( c'est le mot qui me vient...) faisant, les quelques fois où l'envie lui prend, bien les choses, François Kersaudy a sorti le 17 février dernier... soit à peu près au moment même où je découvrais le livre de Kessel - Les mains du miracle -, un ouvrage traitant du "cas Kersten", non pas d'un point de vue romancé mais du point de vue du travail sérieux et sans complaisance de l'historien... étonnant, non ?
La confrontation entre les deux approches pouvait se faire... elle s'est faite.
Pour mémoire, une brève parenthèse.
Felix Kersten est né en 1898 à Tartu, aujourd'hui petite ville d'Estonie, alors sous occupation russe, de parents allemands.
Enfant dissipé, élève médiocre... il n'aura pas son bac... il fait des études d'agronomie en Allemagne, dont il sort diplômé en 1916.
En 1917, il est incorporé dans l'armée allemande et participera à la Grande Guerre... sans avoir combattu.
En 1919 il rejoint la Finlande pour combattre l'Armée rouge afin de libérer les pays baltes.
Il obtient la citoyenneté finlandaise.
Ayant contacté un RAA , il est hospitalisé dans un hôpital militaire d'Helsinki où il se découvre et où on (des médecins) lui découvre des talents de masseur guérisseur.
Durant deux ans il suit une formation intense en massage finlandais, et obtient en 1921 un diplôme de massage scientifique.
En 1922 il s'installe à Berlin pour y parfaire sa technique.
On lui présente le Dr Kô, lama tibétain « initié pendant quatorze ans au sciences médicales chinoises et tibétaines » puis diplômé de la faculté de médecine de Londres. Tout en poursuivant les cours à la faculté de médecine, Kersten devient le disciple du Dr Kô.
À son départ pour la Chine, ce dernier lui laisse sa patientèle.
S'ensuivent dix années durant lesquelles Kersten acquiert une grande notoriété dans son domaine, se constitue un carnet d'adresses international, un patrimoine, se marie.
1939, un de ses patients lui demande une faveur... rencontrer Heinrich Himmler qui souffre de violentes "crampes d'estomac"... que l'allopathie de l'époque ne parvient plus à soulager.
Hésitant dans un premier temps, Kersten finit par accepter.
Ses mains seules parviennent à soulager Himmler, qui en fait son médecin personnel.
Durant presque six ans "ce couple improbable" va constituer la paire la plus incroyable qui soit.
D'un côté le criminel fanatique SS génocidaire.
De l'autre le Juste, qui grâce à ses mains et au pouvoir qu'elles ont sur les maux de l'âme damnée d'Hitler, va obtenir d'innombrables faveurs... sous la forme de grâces, de libérations, de peines commuées...
Dans son ouvrage... que je vous laisse découvrir - Kersaudy nuance le tableau romancé qu'en a fait Kessel.
Il corrige les faits qui ont lieu de l'être, et vous verrez qu'il y en a quelques- uns... les dates, pour beaucoup d'entre elles, fausses... Kersaudy en donne la ou les raisons.
Mais le corpus de Kessel... à peu de chose près ... est corroboré par l'historien.
Là où Kessel arrête son roman... la fin de la guerre... Kersaudy joue les prolongations jusqu'à la mort de Kersten le 16 avril 1960.
Et c'est, à mon avis, une des parties les plus intéressantes de son travail.
Car après la guerre, pour le "bouddha magique" d'Himmler, réfugié en Suède et attendant d'obtenir la nationalité de son pays d'adoption, les choses tournent à l'aigre.
Le comte Bernadotte , qui n'a été que "le garçon de course" de Kersten, s'approprie le mérite d'une grande partie des actions humanitaires et héroïques du médecin.
Il écrit un livre qui devient un best-seller, est honoré dans le monde entier... menace Kersten, le fait chanter... il ne doit rien dire sous peine d'être expatrié en Finlande où les Russes le feraient disparaître à leur manière.
Intrigues politiques, campagnes de presse hostiles, menaces... Kersten traverse des années difficiles.
Le destin a plus d'un tour dans l'un de ses sacs.
En Hollande, le professeur Posthumus ( ça ne s'invente pas... !!! ), membre de l'Académie des sciences et fondateur du tout nouvel Institut néerlandais de documentation sur la guerre, s'intéresse au cas du "collaborateur nazi" Felix Kerten. Cette affaire pour lui n'est pas claire.
Il s'en ouvre au Premier ministre Willem Drees, qui le charge de nommer une commission restreinte et de faire la lumière sur le cas de cet étrange médecin.
Il faudra attendre le 12 janvier 1950 pour que cette commission d'enquête, la commission Snouck-Hurgronge "fasse justice de toutes les accusations portées contre Kersten, puis confirme la plupart de ses initiatives passées au prnavires de vivres suédois dans les ports néerlandais lors de l'épisode de famine de l'hiver 1944-1945 ; le transport à Stockholm de courriers importants de la Résistance néerlandaise pour transmission au gouvernement en exil à Londres ; la libération de femmes néerlandaises détenues à Ravensbrück ; le sauvetage de 2700 Juifs envoyés en Suisse, de 3700 Juifs transportés en Suède et de 63 000 autres juifs préservés de l'anéantissement " parmi lesquels se trouvait nécessairement un grand ofit des Pays-Bas : la libération de nombre de sujets néerlandais arrêtés pour faits de résistance ; la levée de l'interdiction de décharger des nombre de Hollandais" ; la non-exécution par Himmler d'un ordre du Führer de faire sauter les camps de concentration avec tous leurs prisonniers - hollandais compris - à l'approche des Alliés ; le contrordre obtenu d'Himmler concernant la destruction de Clingendael et le dynamitage des digues autour de la Haye. Pour tous ces éléments, les auteurs de la commission parlent de "témoignages fiables", "documents authentiques" et "preuves surabondantes".
Outre le rapport rendu par cette commission, il y a le Mémorandum de la section suédoise du Congrès juif Mondial, le Congrès juif mondial lui-même, les travaux des historiens... tous vont dans le même sens : Felix Kersten a profité de ses fonctions de médecin auprès d'Himmler pour, au péril de sa vie, sauver des dizaines de milliers de vies.
Il était important, comme j'en ai fait mention précédemment, d'avoir le regard d'un historien pour éclairer d'un oeil pour lequel ne comptent que les faits le beau récit romancé de Kessel.
L'un vous fera découvrir un héros... presque sans peur et sans reproches.
L'autre vous fera voir un homme confronté à L Histoire, qui fait face à son destin, avec ses forces et ses faiblesses, ses vérités et ses "mensonges", ses actes héroïques et ses faiblesses.
Mais au bout du compte, l'un et l'autre vous auront parlé d'un homme qui fait honneur à ce mot et que certains appellent un Juste.
Un livre d'histoire que je vous conseille de lire après ( ou avant...) la lecture du roman de Kessel.
Il est venu le temps de reconstruire les cathédrales et de changer le nom des héros dans ce monde où le plus beau reste à faire !
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