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Critique de Nastie92


À sa sortie en 1928, Belle de jour fit scandale.
Un scandale qu'en 2019 on a du mal à comprendre.
Que de changements intervenus dans les mentalités en moins d'un siècle ! Nous ne vivons plus dans le même monde.
Le sujet est périlleux et le roman aurait pu basculer à tout moment dans le vulgaire ou le mauvais goût.
Or, grâce à la finesse de l'auteur, grâce à son immense habileté à manier la langue, il n'en est absolument rien.
Joseph Kessel sait dire beaucoup avec des mots innocents, et n'a pas besoin d'obscénités pour suggérer des choses plutôt osées.
Il s'est pourtant cru obligé de s'expliquer un peu dans une préface très bien tournée et qui commence ainsi :
"Je n'aime guère les préfaces qui expliquent les livres et il me déplairait singulièrement de paraître m'excuser d'avoir fait celui-ci. Je n'en ai pas écrit qui me soit plus cher et je crois y avoir mis l'accent le plus humain. Ce langage peut-il n'être pas compris ?"
Ayant lu Les mains du miracle, je savais que Joseph Kessel écrivait magnifiquement bien ; Belle de jour me conforte dans cette opinion.
Quel plaisir de lire une si belle langue ! Quand elle est, en plus, au service d'une histoire forte, c'est un régal. Joseph Kessel, par la subtilité de son écriture décrit au plus près les sentiments humains et fouille au plus profond les psychologies.
Le thème est simple sur le papier, l'auteur le dévoile dans sa préface :
"Ce que j'ai tenté avec Belle de jour, c'est de montrer le divorce terrible entre le coeur et la chair, entre un vrai, immense et tendre amour et l'exigence implacable des sens."
Joseph Kessel dit avoir "tenté", je fais partie des lecteurs pensant qu'il a réussi.
Séverine, le personnage principal, est parfaitement tiraillée "entre le coeur et la chair", comme le souhaitait son créateur et la lutte permanente qui a lieu en elle entre ces deux aspects de sa vie va la mener très loin. Trop loin.
Le roman achevé, j'ai relu le prologue qui m'avait fait une forte impression en début de livre. Je lui ai trouvé encore plus de force, sachant quelles allaient en être les conséquences.
L'image de Catherine Deneuve en couverture du livre m'a poursuivie pendant toute ma lecture : la beauté froide et distante qui était la sienne lorsqu'elle était jeune lui permet parfaitement d'incarner physiquement Séverine.
Alors, ce roman est-il choquant ?
Absolument pas !
Mais il est troublant, assurément.
Le texte a vieilli, mais garde tout de même ses qualités littéraires. Il témoigne d'une époque où le respect était de mise entre les personnes, même entre personnes peu fréquentables, même entre la tenancière d'une maison close et ses pensionnaires.
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