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Critique de PG35


Georges Kiejman, que la modestie n'étouffe pas, pense avoir été « un avocat talentueux, peut-être l'un des plus doués de mon temps ». Il a probablement raison. Au soir de sa vie, il publie cet intéressant petit livre de souvenirs, avec la journaliste Vanessa Schneider.
On regrette qu'il se soit limité à une pagination aussi réduite, alors qu'il a certainement beaucoup d'autres choses à raconter. Né en 1932 de parents juifs polonais, il a traversé l'occupation en échappant avec sa mère aux rafles et à la déportation. Son père est arrêté en 1943, déporté à Auschwitz et aussitôt assassiné. Kiejman survit dans un bourg du Berry et un profond dénuement. Il est un brillant élève, soutenu par ses professeurs.
À Paris il entame des études de droit tout en logeant avec sa mère dans une seule pièce sans confort. Débutant dans la carrière juridique avec l'aide de confrères, il devient un professionnel prestigieux. Il plaide en correctionnelle, aux assises, devient l'avocat de Gallimard et de Carlo Ponti, du monde de l'édition et de celui du cinéma. Il a des clients célèbres : Mohamed-Al-Fayed, Liliane Bettencourt, Lucie et Raymond Aubrac, Roman Polanski, Chirac…
Son engagement politique date des années soixante. Il admire Pierre Mendès-France, devient son collaborateur, puis s'attache à Mitterrand qui le fera ministre. Il dit curieusement de lui qu'« il pouvait se montrer généreux » au prétexte qu'il lui a offert deux livres dont il est douteux qu'il les ait payés de sa poche. Il dépeint benoîtement l'entourage du président comme des gens qui se détestent. Il se vante d'avoir été convié par son démiurge à l'escalade de la Roche de Solutré avec d'autres courtisans. Kiejman passe rapidement sur sa défense maladroite de René Bousquet et n'évoque pas ses accusations ineptes contre le juge Thierry Jean-Pierre dans l'affaire Urba, alors qu'il était au Ministère de la justice.
C'est également au titre de l'engagement politique qu'il défend Pierre Goldman lors de son deuxième procès et obtient son acquittement pour le meurtre des deux pharmaciennes du boulevard Richard Lenoir. du coup il ressent « un énorme malaise » à la lecture du livre écrit quelques mois plus tard par Goldman, dans lequel celui-ci avoue implicitement et avec l'alibi de la fiction, sa culpabilité…
Kiejman le revendique : il est « amoureusement instable et l'exclusivité ne fait pas partie de ses valeurs ». Trois mariages, quantité de liaisons dont certaines avec des dames célèbres : Françoise Giroud, la productrice Albina du Boisrouvray, Marlène Jobert, Fanny Ardant, Marie-France Pisier (qu'il épousera) ainsi que de nombreuses autres. Mari infidèle revendiqué, il n'est pas sûr d'avoir été un bon père ; cependant il adore ses enfants et ceux-ci le lui rendent bien.
En revanche, il culpabilise à l'idée de n'avoir pas été un « bon fils », de n'avoir pas témoigné une affection suffisante à une mère analphabète dont la vie a été faite « d'humiliations et de difficultés matérielles atroces ».
Le portrait qui se dégage de ce livre n'est pas forcément sympathique. Kiejman, pas peu fier de ses réussites amoureuses et professionnelles, est un pur produit de la gauche-caviar et affiche un certain snobisme. Par ailleurs il se dit « intraitable avec la notion de consentement » et affirme condamner fermement la pédophilie. C'est ainsi qu'il mentionne les révélations que lui a faites Marie-France Pisier (décédée en 2011) à propos des agissements abjects d'Olivier Duhamel contre son beau-fils ; sur ce sujet, il n'indique pas la suite qu'il a donnée à ces accusations. Pouvait-il faire quelque chose ? On ne sait. A-t-il fait quelque chose ? Il ne le dit pas.
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