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Citations sur Ma vie palpitante (58)

– Il m’arrive de penser que quand mon père sera vieux, il me ressemblera. Je n’ai qu’à me regarder dans une glace et je le vois tel qu’il sera plus tard.
– Il sera peut-être différent.
– Pourquoi ?
– Parce que l’âge n’est pas le seul à faire vieillir le corps. Il y a aussi l’esprit qui change.
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Mais mon père ne l’écouta pas. Il me serra contre lui. Il vacilla, comme
sous un lourd fardeau, alors que j’étais léger comme une plume. Ses mains
tremblantes semblaient dire que rien au monde n’était plus lourd qu’un
enfant malade. Son cœur battait très fort. Tchoupoum… boum…
tchoupoum… boum… tchoupoum… boum…
Le mien était faible, mais il était là. Nous sommes restés sans rien dire,
entourés des ondes émises par nos cœurs, comme Saturne de ses anneaux.
J’avais cru ne plus jamais revivre cette harmonie des battements de cœur
que j’avais connue dans le ventre de ma mère, ce sentiment de ne faire
qu’un avec l’autre. Mais là, j’avais l’impression d’avoir enfin découvert un
moyen de retrouver cette sensation. Il nous suffisait de nous serrer l’un
contre l’autre pour superposer nos deux cœurs. Des larmes me montèrent
aux yeux. Je me cramponnai à mon père de toutes mes forces. Puis il
m’étendit de nouveau dans mon lit.
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Je m’étiolais de jour en jour, comme un poisson mis à sécher au vent
marin. Je me ratatinais de l’intérieur, mon enveloppe corporelle gardait à
peine forme humaine. Jusqu’où devrais-je encore me réduire pour devenir
aussi léger qu’un air de musique ? Je n’aurais su le dire. Je ne pouvais pas
non plus affirmer avec certitude que le rétrécissement de mon corps faisait
de la place pour les autres. Tout ce que je pouvais faire, c’était rester en vie.
Je me demandais parfois si ça en valait la peine. Cette question me
tourmentait. Mes parents avaient signé un papier stipulant qu’ils
refuseraient toute tentative de réanimation cardio-pulmonaire sur moi. Cette
décision, ils l’avaient prise avec moi après mûre réflexion.
Les journées se succédaient, sombres et interminables. Je supportais sans
rien dire la monotonie quotidienne : je me levais, je mangeais, je recevais
des soins, je me couchais… Je savais ce qui m’attendait.
Je passais le plus clair de mon temps au lit. Mon état de santé s’aggravait
rapidement. J’avais maintenant du mal à bouger mes membres, même à
ouvrir et fermer les paupières. Parfois, j’avais envie de savoir à quoi je
ressemblais, mais je ne demandais à personne de me décrire. Quand je
fermais les yeux, des mots que je n’avais pas utilisés depuis longtemps
s’éparpillaient en moi. Ils me faisaient penser à un lugubre jardin
abandonné. Je ramassais l’un d’eux pour l’examiner. Je pensais aux mots
que je ne connaîtrais jamais, j’essayais de les imaginer. Un terrible désir de
les rencontrer me prenait. Depuis mon enfance, je révisais sans relâche mon
vocabulaire pour l’adapter à mon âge et à mon expérience. Je voulais
disposer de plusieurs dictionnaires. Mais à présent, il me devenait difficile
d’entretenir les mots que je connaissais déjà. Certains jours, j’avais du mal à
me rappeler les termes les plus courants. Je devais faire plusieurs détours
pour les retrouver. Maman, tu sais, ce qui est blanc et carré… J’avais
conscience que les mots me désertaient peu à peu.
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C’était toujours le même paysage hivernal. Je ne pouvais le voir, mais je
le devinais au travers du vent froid chargé des odeurs de la végétation
amaigrie. Les arbres dénudés inspiraient profondément la lumière solaire.
En les entendant respirer, je sentis tous les pores de ma peau s’ouvrir,
comme pour absorber ce dont ils s’imprégnaient. Chaque cellule de mon
corps se réveillait. Je me sentais bien. J’exhalai une bouffée de vapeur
blanche – ça ne m’était pas arrivé depuis longtemps – et éprouvai le
brusque désir de la voir se former et se dissiper devant mes yeux. Le Vieux
Jang nous fit faire plusieurs tours de jardin avant de s’asseoir dans un coin
tranquille. Il me tira hors de mon fauteuil et m’installa à côté de lui sur un
banc. Dans ses bras, je me sentis aussi léger qu’une feuille de papier. Il
murmura entre ses dents : « Tous les sièges ne sont pas aussi
confortables. » Puis il se mit à fredonner : « Cent mètres de corde de paille,
c’est utile, mais cent mètres de cheveux blancs, ça ne sert à rien… » Il
recouvrit mes genoux d’une couverture, ôta son écharpe et me l’enroula
autour du cou. Le soleil tiède de l’hiver baignait le sommet de ma tête.
J’entendais des enfants jouer, des voitures rouler, des oiseaux chanter, le
vent souffler. Tous ces bruits semblaient venir d’un autre monde. Nous
écoutions en silence
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Chère Seo-ha,
A mon tour de te faire rire.
Il y avait un homme qui venait de temps en temps dans mon hôpital. Comme mon
père, il prenait une douche et regardait la télé dans le hall d’accueil. Il acceptait les
boissons et les biscuits que lui donnaient les familles des malades. Quand on lui
demandait qui il était, il répondait tranquillement qu’il venait voir tel ou tel patient. Le
patient en question changeait chaque fois. Un coup, c’était le malade de la chambre 201,
une autre fois celui de la 406, ou encore de la 703. Au bout de quelques mois, on a
finalement découvert le pot aux roses. C’était un SDF.
Il ne vient plus.
Il dort peut-être dans un autre hôpital, ratatiné comme une crevette dans un coin.
Si ça se trouve, tu l’as déjà croisé.
Si tu rencontres quelqu’un qui lui ressemble, dis-lui bonjour de ma part.
Et chuchote-lui à l’oreille : « Ne vous faites pas pincer. »
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J’eus un étrange pressentiment : quelque chose allait commencer,
quelque chose que j’avais voulu fuir et qui revenait sur mon chemin. J’en
éprouvai à la fois crainte et excitation. En même temps, je me dis que je
devais me protéger. Pourquoi Dieu se montrait-il tout à coup si gentil avec
moi ? Avait-il encore quelque chose à m’enlever ? L’inquiétude m’envahit.
Moi seul pourrais savoir s’il s’agissait d’un cadeau ou d’une épreuve. Et
pour cela, je devais agir. Quelques jours plus tard, j’envoyai mon deuxième
message. Ecrire une lettre de plus, ce n’était pas la mer à boire. Et je décidai
de ne pas en être perturbé outre mesure.
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Qu’écrivaient les garçons de mon âge dans ces circonstances ? Se
contentaient-ils d’envoyer des SMS, sans plus se compliquer la vie ? Non, ils
ne devaient pas être tous comme ça. Les ados étaient très timides. Mais eux
au moins, ils avaient d’autres moyens de plaire aux filles. Ils pouvaient
porter leur cartable, s’inscrire dans les mêmes institutions privées, faire
partie du même club de musique ou exécuter un saut spectaculaire au cours
d’un match de basket… Tout ce que je pouvais faire, c’était lui écrire. Je
devais donc m’appliquer. Je posai le curseur de la souris sur Envoyer et
respirai un grand coup. Comme je m’apprêtais à cliquer, une sombre pensée
surgit en moi. Mais qu’est-ce que j’étais en train de faire ? Qu’est-ce que
j’espérais ? Une soudaine tristesse m’envahit.
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Je crus entendre une vieille plaque métallique pivoter avec un
grincement. Je suivis la phrase du regard et vis un vieux platane – un arbre
solitaire et touffu dont les milliers de feuilles s’agitaient doucement –
envoyer des œillades charmeuses à un arbre voisin, lequel faisait de même
à l’adresse d’un autre arbre, et ainsi de suite. En fin de compte, la séduction
n’était pas réservée aux hommes.
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Assis sur des bancs, quelques malades en pyjama et gilet prenaient le
soleil. Une nuée de libellules voletaient au-dessus du plan d’eau bordé d’un
parterre de fleurs. Dans un coin du jardin, un homme se disputait avec
quelqu’un au téléphone. Une femme en deuil fumait, accroupie près d’une
poubelle. En face d’elle, un homme regardait d’un air catastrophé une liasse
de papiers à en-tête de l’hôpital. Des vendeurs à la sauvette – facilement
repérables – attendaient une occasion de pénétrer dans le bâtiment avec
leurs valises pleines de faux amadouviers, de fruits de raisinier de Chine et
de tapis chauffants. Une scène comme on en voyait dans n’importe quel
établissement de soins. Sauf que la vraie vie de l’hôpital, on la trouvait
entre les murs de béton : un adolescent criait à sa mère qui tentait de le
calmer : « Tu ne vois pas comme j’ai mal ? Tu ne te rends pas compte ! » ;
un enfant refusait de s’endormir par peur de la douleur qui allait revenir ;
une vieille dame au visage jauni était transportée comme un paquet sur son
lit roulant ; du lait à la banane, du jus de cerise, des flacons d’urine couleur
pêche, des poches d’excréments, des comas hépatiques… Les malades
vivaient entre eux, parqués comme des êtres d’une race à part. Face à la
maladie, les gens réagissent souvent par le déni, la colère ou la tristesse. Ils
s’efforcent de réprimer leurs sentiments, de crainte d’aggraver les choses,
mais malgré leurs efforts, ils ne peuvent empêcher leurs réactions de
plomber l’atmosphère de l’hôpital.
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— Pas le temps ! L’émission va commencer. Tu ne veux pas la voir ?
— Déjà ?
— Oui, juste après la pub. Dépêche-toi !
J’avais déjà consulté le site Web de l’émission et vu la bande-annonce.
Elle avait éveillé en moi des sentiments mêlés : crainte, gêne, curiosité,
honte. Mais la première pensée qui m’était venue, c’était : Je ne suis quand
même pas si moche que ça !
Je regrettais de ne pas être télégénique, je trouvais ça injuste. Mais tout
compte fait, si même les vedettes de cinéma sont deux fois plus belles et
charmantes dans la réalité qu’à l’écran, c’est normal qu’une personne
ordinaire passe moins bien à la télé. L’idée de me voir à l’écran, ne serait-ce
qu’une fois, me perturbait ; je me disais qu’il devait falloir s’aimer vraiment
beaucoup pour devenir une star.
Sur le seuil, ma mère ajouta :
— Au fait, pourquoi as-tu sursauté comme ça ? Tu regardais quelque
chose qu’il ne fallait pas ?
— Je ne suis pas comme papa, grommelai-je.
— Papa ? répéta-t-elle, les yeux écarquillés. Il fait ça ?
Je bougonnai que ce n’était pas ce que j’avais dit, que j’arrivais tout de
suite, et je lui demandai de refermer la porte. L’air soupçonneux, elle
s’éloigna. Je fermai le journal en ligne et regardai de nouveau la bande-
annonce : « Il a seize ans, mais son corps en a quatre-vingts. Areum est
atteint d’une maladie qui le fait vieillir plus vite que la normale. Malgré ses
souffrances, il ne se départit jamais de son sourire. Pourtant, une épreuve
encore plus grande l’attend… » Je n’arrivais pas à m’habituer à cette image
de moi. Seize ans, quatre-vingts, souffrances, sourire… Tout était vrai, mais
me voir présenté dans cet ordre me paraissait irréel. Je n’aurais pas dû
accepter, regrettai-je. L’idée que ce reportage serait diffusé dans tout le pays
m’effrayait. C’était horrible de me mettre ainsi à nu devant des inconnus.
Mais bon, je devrais attendre d’avoir vu l’émission en entier pour savoir ce
que j’éprouverais réellement.
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