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Critique de gerardmuller


Kim / Rudyard Kipling (1865-1936) Prix Nobel 1907
Quand tourne la Roue de la Vie…
le héros de ce roman de 500 pages publié en 1901 dont l'action se déroule en Inde du nord, s'appelle Kim, de son vrai nom Kimball O'Hara. Il a 14 ans. Il est orphelin de mère et d'un soldat irlandais de l'armée des Indes du régiment des Mavericks.
Son seul héritage, qu'il conserve précieusement, est un porte-amulette contenant trois documents : son certificat de naissance, une recommandation auprès de l'armée britannique et une autre auprès d'une loge maçonnique dont son père faisait partie.
C'est sur fond de conflit larvé opposant la Russie et la Grande Bretagne en Asie centrale que l'aventure de Kim se déroule.
Kim survit en rendant de petits services aux commerçants en matière de surveillance et de messagerie. Il est le roi des rues de Lahore et tout le monde le connait quel que soit la caste ou la religion : il est l'ami de tout le monde. Parfois, il y a à manger à la maison, plus souvent, il n'y a rien, et Kim repart manger avec ses amis indigènes.
Lorsqu'il fait la rencontre d'un lama tibétain, un sage érudit venu consulter des manuscrits anciens au musée de la ville, il ne sait pas encore que sa vie va totalement changer. Il vient alors en aide au vieil homme et décide de le suivre comme une ombre dans sa recherche d'une rivière sacrée qui lave de tous les péchés, espérant en chemin trouver le taureau rouge dans un pré vert qu'il sait devoir rencontrer un jour comme le lui a prédit une voyante. Kim est persuadé qu'un destin l'a envoyé en mission vers le lama pour le conduire au terme de son pèlerinage.
Commence alors une longue route à pied puis et en train, puis en char à boeufs jusqu'aux contreforts de l'Himalaya. Ils rencontrent en chemin le régiment des Mavericks dont l'emblème est un taureau rouge sur fond vert, dirigé par un colonel qui va persuader le jeune garçon d'aller à l'école des blancs où il apprendra enfin à lire et écrire l'anglais, lui promettant une belle situation dès ses 17 ans s'il accepte.
Kim accepte et se sépare temporairement de son ami lama. Son nouvel entourage veut faire de lui un homme et Kim se sent un objet de considération particulière aux yeux des hommes blancs présents. Et pourtant, l'école et la discipline étaient ce qu'il avait passé les deux tiers de sa courte vie à éviter ! Mais quand on est un sahib lui dit-on, et qu'un jour on a réussi ses examens, on est appelé à commander aux indigènes. Ce n'est pas la vision que Kim a de son avenir.
C'est à distance que le colonel exerce sa tutelle et la vivacité d'esprit jointe à son aptitude à se fondre dans le décor, ajoutée à sa parfaite connaissance des us et coutumes locales font de Kim un personnage unique qui à 17 ans devient à son insu une sorte d'agent de renseignements au service de la couronne britannique dans le grand jeu qui oppose la Russie et le Royaume Uni dans cette partie du monde. C'est en se faisant passer pour le page de son ami lama retrouvé qu'il va exercer sa fonction.
La suite va nous révéler au cours de multiples péripéties, une fois encore les capacités extraordinaires du jeune homme malicieux et avide de liberté, qui sait déjouer tous les pièges inhérents à l'aventure pour retrouver la rivière chère à son ami lama. Devenu disciple de Sakyamuni (Bouddha) selon le lama, mais aussi faisant profession de médecin, Kim en bon chela (page) va accompagner son ami vers le Ladakh, tout au nord du pays.
Écrit dans un style très particulier au rythme haché et quelque peu capricant qui fait par moment au cours de la lecture se relâcher l'attention et donc l'intérêt, ce livre teinté de nostalgie et de tendresse résume toute l'oeuvre de Kipling, et c'est selon les exégètes son chef d'oeuvre. Son enfance passée en Inde et sa double culture anglo-indienne lui ont inspiré les plus belles pages de ce roman où l'amour de l'enfance est porté haut.
Roman initiatique et de formation, roman souvent picaresque, ce livre d'aventure dans une Inde pluriculturelle est riche d'une philosophie appliquée et d'un romanesque plein d'humour, de sensibilité et de poésie. le cadre somptueux de l'Inde victorienne avec ses foules, ses gares immenses, ses trains surpeuplés et ses routes poussiéreuses nous entraine à découvrir le racisme latent, la ségrégation et le colonialisme brutal d'un empire britannique au paroxysme de sa puissance.
Dans ce roman complexe, à la lecture parfois délicate, de l'errance et de la quête initiatique au coeur d'un pays fascinant, Kim incarne en quelque sorte l'homme indien nouveau, synthèse de deux cultures qu'il a apprises par l'expérience. Au-delà du coté romanesque et parfois ésotérique du récit, on peut déceler le rôle important qu'a joué la loge maçonnique dans la colonisation pour édifier les Indes britanniques.
Et Kim souvent en pleine crise identitaire de se demander plusieurs fois : « Qui est Kim ? ».
Extraits : «Pour ceux qui suivent la Voie , il n'y a ni Noir ni Blanc , ni Hind , ni Bhotiyal . Nous sommes tous des âmes à la recherche d'une issue. »
« L'un après l'autre , les jours , longs et parfaits , s'amoncelaient derrière Kim , comme une barrière , pour le retrancher de sa race et de sa langue maternelle . Il se remettait insensiblement à penser et à rêver en indigène,
en s'abstenant , comme le demande la Règle , de paroles mauvaises et de désirs immodérés , sans trop manger , sans s'étendre sur des lits élevés , sans porter de riches vêtements . »
« Chaque jour ils entraient plus avant dans le chaos des monts , et chaque jour Kim regardait le lama reprendre une vigueur virile grâce aux brises aiguisées qui avaient retranché de ses épaules le poids des années … Il ne faut pas toujours trouver son seul plaisir aux lits moelleux et aux riches nourritures … Ils méditaient souvent sur la Roue de Vie — et plus encore , comme le disait le lama , depuis qu'ils étaient affranchis de ses visibles tentations… ils étaient seuls avec les vents et l'herbe chantante au vent au coeur du Ladakh .… ». Magnifique dernière partie de ce roman foisonnant où l'on peut parfois se perdre …





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