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Critique de clesbibliofeel


Annie Perry, l'héroïne, raconte son abandon par sa famille gitane, trop pauvre pour l'élever dans cette fin du XIXe siècle. Elle est vendue à un champion de boxe à mains nues, William Perry dit Bill, un géant ne connaissant que le langage de la force, la chope de bière à la main quand il ne se bat pas, mais au coeur tendre avec les siens. Elle trouve là un foyer, s'initie à la boxe, côtoie les filles du révérend Warren, Esther et Judith, apprend à lire la Bible puis les poètes romantiques William Wordsworth et Burns. Quatrième de couverture : « Entre coups de poing et coups de coeur, fêtes foraines et matchs de boxes illégaux, une aventure réjouissante où l'art de l'esquive, la souplesse et la rapidité de poids plume d'une héroïne sauvage et attachante l'aideront à contourner la noirceur de la révolution industrielle et à partir à la découverte des États-Unis. »

Voici un récit à la Dickens, d'ailleurs le révérend se nomme Warren tout comme la manufacture où Charles Dickens, à douze ans, colle des étiquettes sur des pots de cirage. C'est un plaisir pour moi de voir revivre sous une nouvelle forme et des messages actuels, la mode des feuilletons hebdomadaires ou mensuels, publiés à cette époque dans les journaux, dont Dickens a été un des initiateurs. J'ai ressenti un plaisir de lecture comparable à celui de la trilogie de Pierre Lemaitre « Les enfants du désastre » ou au récit de Hwang Sok-yong, « Shim Chong, fille vendue ».

Les chapitres, assez longs au début, permettent d'installer le lecteur dans un contexte historique puissant – révolution industrielle, mines, manufactures de clous, forges, luttes pour les conditions de travail… Ils deviennent beaucoup plus courts à la fin, quand l'action atteint son paroxysme. Chaque épisode se termine par une phrase relançant l'action, ce qui m'a rendu impatient de lire la suite.
Les péripéties ne manquent pas, rythmées par des combats de boxe épiques, organisés pour gagner un peu d'argent, au départ avec Bill Perry, dit le Slasher de Tipton. On assiste ensuite à un superbe pseudo-combat de boxe entre Annie et un jeune boxeur professionnel, Jem Mason, se terminant par… une histoire d'amour, alors qu'Annie remplace à la dernière minute son père adoptif vieillissant. Commence une belle épopée avec le jeune couple, Bill et sa compagne Janey ainsi que leur manager Paddy. le récit enchaîne maintes épreuves à affronter avec la force de l'amitié, de la fidélité, du courage. le mystère surgit avec ce voleur détroussant les riches, connu sous le nom de « Black Cloak »- la Cape noire...

Le portrait de Bill est remarquable en vieux boxeur sans le sou, patron de bar à bière sur le port de Tipton, oubliant de faire payer les consommateurs, boxant tous ceux qui manquent de respect à la reine d'Angleterre – un portrait de la jeune reine est accroché au-dessus de la cheminée dans son bar The Champion of England – et aimant sa protégée, son Annie plus que lui-même.

La traduction me semble réussie, cela n'a pas dû être simple, l'auteur ayant placé le langage de chacun au centre du récit. Annie et Bill parlent avec des tournures orales et des incohérences liées à leur absence d'éducation. le texte à lui seul rend compte du fossé culturel entre une famille de roms et la bonne société anglaise. Par exemple avec des phrases aux négations jamais complètes : « Y avait jamais de paix ni d'air pur », les phrases se terminant par « et tout » : « … je vivais dans un bar à bière et tout. » Plus tard, le texte s'affine à mesure qu'Annie échappe à sa condition première. Maniant l'écrit, elle passe de l'autre côté et j'avais l'impression de l'accompagner dans ce long cheminement.

Ne pas se tromper, ce n'est pas du tout un livre sur la boxe ! Celle-ci est une toile de fond utile pour illustrer la ténacité dont doivent faire preuve les personnages principaux, surtout les femmes, très à l'honneur ici, « gazilles » et « fenottes »… Elle illustre le combat de survie des plus faibles, des pauvres, des manouches et particulièrement des femmes et des enfants au coeur du capitalisme naissant. La boxe est une chorégraphie, une friction de destins.

Mick Kitson est né au pays de Galles et a étudié l'anglais à l'université avant de lancer un groupe de rock The Senators dans les années 80, avec son frère Jim. Journaliste pendant plusieurs années, il est devenu professeur d'anglais. Il vit en Écosse. Il est l'auteur de Manuel de survie à l'usage des jeunes filles (Métailié, 2019) et d'analphabètes (Métailié, 2021).

J'étais plutôt dubitatif avec cette couverture "aux gants de boxe". Je donne l'auteur vainqueur avec ce dernier coup que je n'avais pas vu venir, lorsqu'il explique qu'Annie Perry était le nom de son arrière-grand-mère dont la fille, grand-mère de l'auteur, avait fabriqué une mythologie familiale comprenant une multitudes d'histoires dont aucune selon lui n'était vraie. Il écrit : « Je la remercie de m'avoir transmis l'envie et la capacité d'inventer des histoires. »
Dire que j'ai aimé ce livre serait en dessous de la réalité. Pour une fois je ne prends pas de gants pour dire que je conseille cette lecture, qui est de celles qui font du bien !
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Chronique complète avec illustration sur Bibliofeel, lien ci-dessous.
Lien : https://clesbibliofeel.blog/..
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