La narration s'ouvre étrangement puisque, dès les premières lignes, Kuntara (le narrateur) nous annonce qu'il va mourir. Et cette prévision nous accompagne durant toute notre lecture, nous ôtant tout espoir d'assister à une quelconque amélioration du sort de son peuple. Plus qu'un roman, il s'agit davantage d'une lettre, lettre dans laquelle Kuntara relate à un mystérieux jeune homme (le lecteur lui-même ?) la fin tragique de son peuple, à travers sa propre vie. Il apostrophe donc régulièrement le lecteur, qui fait ainsi office de témoin.
Nous suivons le personnage de Kuntara à travers toutes les étapes de sa vie, celui-ci revenant sur l'homme qu'il était avec un oeil critique et acéré. On ne peut d'ailleurs pas dire qu'il soit particulièrement tendre envers lui-même, ce qui provoque une réaction ambivalente chez le lecteur : il est impossible de ne pas le juger, et ce n'est pas toujours à son avantage. Fils de chef, il aspire à être lui-même un grand homme... sans en avoir, à mon sens, l'étoffe. Sa position hiérarchique est telle qu'il n'a pas à faire grand chose pour que tout lui tombe tout cuit dans le bec. Et son ascension sociale est bien souvent due à un concours heureux de circonstances. Il est donc difficile de s'y attacher sans réserves, même si l'honnêteté de ses propos le réhabilite un tant soit peu. J'ai davantage apprécié le personnage de Karm qui, lui, a dû apprendre à se battre pour obtenir ce qu'il désirait. Et encore, les lauriers de ses exploits se perdent bien souvent en route.
On ne sait pas quand ni où se situe l'action. J'aurais tendance à l'imaginer dans des temps moyenâgeux (rapport aux armes utilisées durant la guerre), mais quand il s'agit de la situer... non pas que cela ait une grande importance, mais j'aurais voulu que la frontière entre fantastique (à part ce mystérieux pays, aucun élément ne permet de rapprocher ce roman de ce genre-ci) et réalité soit plus nette. Mais, comme je l'ai dit, cela importe peu. Car
Testament d'une race est avant tout le récit cruel d'une guerre sanglante, n'épargnant rien ni personne. Une guerre pour conquérir, quitte à en payer le prix. Pourquoi cruel ? Car le peuple de Kuntara est, dans l'ensemble, plutôt pacifique. Les enfants jouent à la guerre, et les adultes ne l'imaginent pas autrement que ces passes d'armes puériles. Et quand l'ennemi se présente, ce peuple qui ne craint rien ni personne - car il n'a jamais dû le faire - réagit d'une façon unanime : avec orgueil et dédain. Et signe par là sa propre perte. Dès lors, tout n'est question que de batailles, de manigances, de sang et d'horreurs. Et Kuntara, au milieu, qui essaye tant bien que mal de tirer son épingle du jeu, tout en se rendant compte, au final, que l'essentiel n'était peut être pas là.
Je ne sais pas si je peux dire que j'ai pris plaisir à lire cet ouvrage, dans le sens où cela relèverait sans doute du sadisme. Disons que j'ai apprécié, car j'ai trouvé la plume de l'auteur très poétique, quoique rendant la lecture un tantinet laborieuse. Si je peux vous conseiller une méthode de lecture, il s'agirait peut être de le lire en une seule fois, pour rester immergé et ne pas se déconcentrer. C'est un très beau roman que m'a offert là l'auteur, et je l'en remercie. Je ne saurais donc que vous le conseiller.