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EAN : 9791091365819
431 pages
Le Realgar (28/09/2019)
4.38/5   8 notes
Résumé :
« Aurelia Kreit » s’ouvre en Russie au début du XXe et s’achève en France, à l’aube de la 1ère guerre mondiale. Il suit le destin de deux familles qui fuient les pogroms, traversant le Continent, de Iekaterinoslav à Odessa, puis Constantinople, Vienne, Paris, Lyon, Saint-Étienne… S’y mêlent l’histoire de la sidérurgie, la question de l’identité ukrainienne écrasée par la grande Nation voisine, celle de la judéité, de la fatalité, aussi : la chance et son corollaire,... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Quelle belle fresque, bien construite !
Pas de longueur. Des articulations bien huilées. J'ai tout lu sans rien sauter, ce qui ne m'était pas arrivé depuis longtemps. A la fin, je trainais même pour ne pas finir !
Soulagée de passer du statut de voyeuse, au cours du monstrueux assassinat de Nicolaï, à celui de témoin attentif à Istambul, d'une histoire vieille de trois ans et qui continue dans une insécurité permanente mais gérable pour les protagonistes, même lorsque les alertes sont rouges. Choix très intelligent de tout de suite panser les peurs extrêmes qu'on éprouve pour les personnages en nous projetant dans le futur sans transition.

On se prend d'estime pour Anton qui se débrouille toujours pour s'en sortir quelque soit la situation, et pour répondre aux attentes des gens qu'il affectionne. Pourtant, dès la première phrase, on sait qu'Anton va vivre des moments pénibles : il est satisfait de sa situation, la suite va le déstabiliser jusqu'à lui faire connaître le dés-espoir à la toute fin.
La vanité des dix années passées à fuir, à essayer de sauver l'idée qu'il se fait de ce qu'il doit être, à essayer de sauver une famille qui somme toute, se débrouille sans lui, lui saute à la figure au travers du message laissé par Aurélia. C'est à mon avis pour lui que l'aventure est la plus cruelle. Il prend énormément de risques et in fine se rend compte que le bonheur qu'il imaginait pour les autres, les autres n'en veulent pas… En arrivant à Lyon, il en oublie presque Igor qui a choisi la séparation. Cette position le rend très humain et plus attachant. On voit bien qu'il ne sait pas gérer, qu'il est démuni devant les questions posées par le choix de son fils.

La triangulation des relations entre les personnages est toujours parfaite, et le croisement des triangles génère des étoiles relationnelles à 5 ou 6 branches dans lesquelles Aurélia est partout présente, même en filigrane. Je l'ai trouvée d'ailleurs parfois un peu estompée par la présence de sa famille alors que c'est elle qui est porteuse d'avenir.
Je me demande si le grand malaise d'Anton, à la fin, ne vient pas du fait qu'au départ de sa fille, il se retrouve dans un huis clos à deux « qu'il n'avait pas envisagé (sic) ». Anton est bien quand il est dans un triangle et quand il doit se battre pour les autres.
Varvara est capable de s'en sortir seule. Elle s'est révélée un personnage magnifique au fil du livre qui affronte la vie avec tellement de classe après l'horrible expérience de l'assassinat de son mari. Passage vers la réalité, fut-elle dure, qui lui convient beaucoup mieux que le monde de rêve que lui proposait Nicolaï : elle a bien compris que le rêve peut générer des décalages tels, qu'elle ne retrouve pas sa jumelle dès leur première rencontre, mais seulement de longs mois après.

La capacité d'Olga à donner de soi est le juste reflet de la personnalité d'Anton moins évidemment généreux, mais qui ne sait se bouger que pour les autres. Cette femme a un beau profil qui sait hiérarchiser les urgences. Structurée, organisée, équilibrée, elle m'a beaucoup plu, mais elle m'a laissé une impression d'inconfort. Son rôle de « mère juive » qu'elle pousse à l'extrême en s'occupant de Varvara en dépression comme si c'était un enfant y est peut-être pour quelque chose. Elle s'oublie dans le bonheur des autres comme Anton ne sait se motiver que pour le bonheur des autres, réel ou supposé.
Au-delà de tous les triangles relationnels (Anton-Nicolaï-Olga (Varvara est à ce moment « évanescente » ) ; Varvara-Olga-Vladislav ; Anton-Vladislav-Hemann ; Olga-Vogt-Aurélia ; Pavline-Vladislav-Varvara ; Anton-Varvara-Aurelia, etc.), j'ai aimé le duo Varvara-Aurélia à Vienne et leur relation silencieuse et si forte, parfaitement décrite. On vit en connivence avec elles autour du canapé.

Aurélia assure avec une belle maturité la synthèse Olga-Anton. Elle fait des choix généreux et raisonnés, alors que ses parents sont dans la réaction aux événements extérieurs. On quitte Iekatarinoslav pour qu'elle ne vive pas l'horreur qu'on pressent pour elle et le livre se termine sur l'horreur qu'elle a choisi sciemment d'affronter. Belle fermeture de l'anneau ce choix engagé !

le racisme anti-juif par moments poussé à l'extrême renvoie sans fard à des réalités qui me paralysent. On peut être né quelque part, s'y plaire et finir sa vie en étant de nulle part. La tragédie du juif errant est très présente, même quand le groupe s'implante vraiment et crée des liens, la vie pleine d'ironie mordante, les ramène à la réalité. On les accueille, mais on ne les aime pas, voire on s'en méfie comme s'ils étaient capables de trahir leur propre mère.

J'éprouve une certaine jalousie devant la culture que l'auteur a dû acquérir pour écrire une histoire crédible. Je suis absolument admirative du travail produit.
Il faut posséder cet ouvrage dans sa bibliothèque. Il fera date.

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Un grand roman russe… français ! Un livre aux relents XIXe siècle façon TOLSTOÏ, une grande fresque historique épaulée par des personnages inventés et magnifiques. Attardons-nous sur ce texte…

Une genèse bien singulière pour ce roman ambitieux : un groupe de new-wave du côté de Lyon entre 1983 et 1988, le futur romancier Laurent CACHARD est ado et accroc. le nom du groupe ? Aurelia Kreit. Vous savez, tous ces groupes des 80's qui se reforment, bon an mal, inspirés ou non. le XXIe siècle est un terreau de résurrections en tout genre. Pour Laurent CACHARD, OK pour reformer Aurelia, mais pas en musique, en mots plutôt.

L'auteur aura souffert pour Aurelia, 10 ans de travail, d'abandons, de reprises, de démotivations, de volonté, d'acharnement. Fin 2019, le voici enfin le bouquin, et le public n'a pas attendu en vain !

Aurelia Kreit, c'est un peu la personnification de l'Ukraine, pays dont vient sa famille. Aurelia est née au tout début du XXe siècle, et avec ses parents Olga et Anton, avec son frère Igor, elle va traverser les épreuves comme les pays. La famille Kreit est très liée avec les Bolotkine, juifs comme eux, le « chef » de famille Nikolaï, sa femme Varvara, elle-même jumelle de Pavline, la soeur restée en France, mariée au mystérieux Oskar. Et le fils de Varvara et Nikolaï, Vladislav, qui s'avèrera d'un caractère volcanique et inflammable. Pour l'heure, vers 1904, c'est la survie qui est en jeu, pour des juifs victimes de pogromes en Ukraine, Russie tsariste. Les deux familles vont faire front, voyager ensemble, fuir les persécutions, notamment celles des ouvriers comme Dachkovitch. Nous allons les suivre pendant une dizaine d'années, en divers pays d'Europe, eux aussi théâtres de violences antisémites.

La particularité de ce roman est que l'on voit peu l'héroïne qui lui a pourtant donné son nom. Elle reste dans l'ombre, en filigrane, comme absente, et pourtant elle hante le récit du début à la fin. À moins de 15 ans, elle possède déjà un impressionnant capital souffrance, frappée notamment d'aphasie. Je ne dévoilerai rien de l'intrigue, sauf que dans cette fuite, pas mal de protagonistes vont y laisser des plumes voire la vie. L'antisémitisme s'étend de manière inquiétante sur tout l'Europe alors que le siècle numéro vingt vient tout juste de s'amorcer.

Dans ce roman, le chemin de fer prend une place prépondérante, d'une part car certains personnages gagnent leur vie au sein de fonderies qui, entre autres, fabriquent des rails, mais aussi parce que ces mêmes familles utilisent le train pour s'enfuir au plus vite de la folie antisémite. Odessa sera la ville témoin d'une première tragédie qui, malheureusement, ne sera que le point de départ d'une longue dramaturgie. « C'est la bêtise qui fait l'opinion, et l'opinion qui fait les guerres ».

Certes, les personnages de CACHARD sont fictifs, mais ils vivent en ses pages, ils souffrent, ils réfléchissent, ils appréhendent, ils espèrent, ils ne sont pas faits tout d'un bloc, non, ils sont tout en nuances, parfois paradoxaux, humains quoi ! Les femmes sont fortes, déterminées, les hommes parfois faibles : « Les hommes qui aiment ont toujours peur qu'on ne les aime pas assez, alors ils occupent le terrain. Même la maladresse est touchante quand c'est l'amour qui la dicte ». Quant au peuple, est-il prêt à tous ces changements qu'il peut pourtant lui-même réaliser ? « le problème de l'ouvrier, c'est qu'il refuse les changements brutaux, alors que les opprimés attendent que les choses changent, même violemment. Nous les femmes, faisons partie des exploitées, mais les partis qui veulent réformer la classe ouvrière ne parlent que des hommes ! Il faudra bien qu'on revendique, au plus vite, le salaire égal, qu'on ne se contente pas de l'inscrire dans un programme électoral, ça bousculerait tous les privilèges ! (…) On crée une aristocratie ouvrière alors que l'aristocratie devrait ne plus exister ! ».

Voilà un roman passionnant, dans lequel on a du mal à lâcher les héros, charpentés, magnifiquement dépeints. Son format de près de 450 pages est très loin de celui généralement choisi par les éditions le Réalgar, qui ont pris un vrai risque en publiant ce livre, et nous ne pouvons que les en remercier, car tant fictionnellement qu'historiquement il est prenant. Documenté aussi, puisque c'est une sorte de petite encyclopédie de l'antisémitisme en Europe dans les deux premières décennies du XXe siècle. L'histoire se déplacera, atteignant Paris puis Lyon et même Saint Étienne, comme pour aller géographiquement chercher un espoir de vie meilleure, d'est en ouest. Un récit qui fait vibrer, qui fait écho. Il est à lire, à offrir et à conseiller, paru fin 2019 chez le Réalgar, il vaut le déplacement. En train ou pas.

Pour la sortie du roman, le groupe Aurelia Kreit s'est reformé pour un concert, c'est aussi cela la magie des mots, lorsque la réalité rejoint la fiction.

https://deslivresrances.blogspot.fr/

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Avec la parution d'« Aurelia Kreit », l'écrivain Laurent Cachard signe son 18e ouvrage tous genres confondus.

Son « roman russe », comme il l'appelle, relate par le biais d'un narrateur omniscient la fuite d'Ukraine de deux couples de juifs et de leurs enfants à travers l'Europe de l'aube du XXe siècle jusqu'au début de la Première Guerre mondiale. Des bords du Dniepr à Lyon en passant par Constantinople, Vienne et Paris. Pour connaître la genèse de ce roman que l'auteur a mis dix ans à écrire, il faut se tourner vers le groupe mythique de musique « new-cold wave » de la scène lyonnaise des années 1980 : Aurelia Kreit, la vie de l'héroïne composait alors le répertoire du groupe éponyme.

Plusieurs niveaux de lecture pour ce pavé de 430 pages. L'épopée romanesque d'abord. Et là, on est face à un véritable « page turner » avec, en particulier, des portraits de femmes tout en nuances qui déclenchent une émotion intense. L' histoire est bien construite, on y adhère du début à la fin.

Au-delà, on côtoie l'histoire de la sidérurgie, la question de l'identité ukrainienne et celle de la judéité et on assiste aux premiers pas de la psychanalyse. Çà et là en cours de lecture, on relève aussi quelques références littéraires, essentiellement nizanniennes, privilège de l'auteur qui sème ainsi dans chacun de ses romans.

L'ouvrage n'a pas prétention à être historique, toutefois la grande Histoire est en toile de fond : les pogroms dans ces villes où les anciens serfs ukrainiens étaient venus chercher du travail dans des manufactures à la pointe souvent dirigées par des juifs. L'incapacité ou la réticence des autorités russes à contrôler la violence des cosaques ou des civils. La lutte entre mencheviks et bolcheviks, l'émergence du sionisme politique, les innovations industrielles... tout y est jusqu'à la déclaration de cette guerre qui devait durer quelques semaines et qui ensanglanta le monde pendant quatre ans.

Un seul bémol pour ma part : la partie consacrée à Constantinople traitée presque en totalité en analespse à partir du séjour à Vienne m'a laissé sur ma faim…
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La saine curiosité que j'avais de lire Aurélia Kreit, LE roman, auto-proclamé russe, de Laurent Cachard n'aura d'égale que l'immense plaisir que j'ai eu à le dévorer, littéralement.
Aurélia Kreit, Aurelia ou même AK pour les intimes est une belle réussite. le pavé peut impressionner mais la traditionnelle difficulté des premières pages passée (ébauche des personnages, décor planté), c'est parti. Et là, tant par la qualité de l'écriture, jamais lourde, que par la destinée de ces personnages magnifiquement dépeints qui nous font traverser l'Europe du début du siècle d'Est en Ouest, il n'est pas possible de ne pas se presser de poursuivre la lecture passionnément.
Peut-être avais-je un trop-plein ces derniers temps d'histoires contemporaines, sans relief. Ici le romanesque nous emporte et c'est bon. Bien évidemment les sujets abordés, c'est à dire, l'identité ukrainienne, ou russe, mais surtout la judéité et tout ce qui s'y rattache et qui semble éternel comme l'antisémitisme, mais encore l'âme slave ou, la Grande Histoire sont traités avec finesse et précision.
Et Aurélia est la résilience personnifiée.
En attendant que ces tribulations deviennent un road movie, qui sait ? après le musical (Aurelia Kreit est aussi un groupe de rock luonnais des années 80) et le littéraire, une AK de cinéma ça aurait de la gueule...
Longue et belle vie à Aurélia...
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Si vous voulez comprendre ce qu'est l'identité ukrainienne, c'est vraiment le moment de lire ce magnifique roman de Laurent Cachard !

Digne des plus grandes sagas familiales, on découvre avec bonheur ces personnages qui n'ont commis qu'un seul crime : être Juifs dans une Ukraine en proie à la misère... Ils n'ont qu'une solution, fuir avant d'être massacrés comme tant d'autres avant eux.
Je suis fascinée par ce livre, par la documentation énorme dont Laurent Cachard s'est servi pour nous permettre d'être aux côtés de ces deux familles en fuite. Que de découvertes !
Je découvre un pan de l'histoire, celle de l'Ukraine, que je ne connaissais pas. Une seule envie : découvrir ce pays et ces artistes (peintres, écrivains...)...
Et puis cette immense tristesse, une fois encore, à propos du sort des Juifs accusés par des plus pauvres qu'eux d'être à l'origine de tous leurs maux... accusés jusqu'à la torture et la mort et toujours voués à l'exil.
On suit deux familles, qui, à chaque installation, quand tout semble aller bien, sont obligées de repartir pour échapper au destin que d'autres veulent pour eux : la mort.
On découvre les balbutiements de la psychanalyse et des femmes admirables et inoubliables.
De la grande littérature, facile à lire cependant. J'ai retrouvé ce bonheur oublié de lire avec un dictionnaire pour vérifier certains termes et avec Internet pour visualiser des lieux, des personnages...
Personne n'oubliera Aurelia, ni Olga, ni Anton. Et tout le monde aura, souvent, les larmes aux yeux en découvrant ce magistral roman.
Un immense coup de coeur !
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