- Non, dit Emile, je surveille un voleur.
- Quoi ? J'ai bien entendu : un voleur ? Et qui a-t-il donc volé ?
- Moi ! dit Emile qui se sentit très fier. Dans le train. Pendant que je dormais. Cent quarante marks ... que je devais remettre à ma grand-mère à Berlin. Puis il a quitté le wagon après son mauvais coup et il est descendu à la gare du Zoo. Je l'ai suivi comme tu peux penser.
Une histoire, un roman, un conte ressemblent à des êtres humains, ils en sont peut-être. Ils ont des têtes, des jambes, des appareils circulatoires, des vêtements tout comme de véritables hommes.
On a coutume de dire que l'être humain est naturellement bon. C'est peut-être vrai. Ce n'est pas une raison pour lui manifester une confiance aveugle.
Emile savait depuis longtemps que certaines personnes répètent toujours : Mon dieu ! que tout allait mieux autrefois ! Il ne faisait même plus attention lorsque quelqu’un déclarait que jadis l’air était plus sain, ou que la tête des bœufs était plus grosse. Car en général cela n’était pas vrai ; seulement, ces gens-là n’étaient plus contents de rien.
Admettons que la malchance reste toujours la malchance. mais quand on a des amis qui spontanément vous viennent en aide, disons que ça fait du bien au moral.
Émile aurait voulu rattraper l'individu, se poster devant lui et lui crier "Rendez-moi mon argent!" Mais il n'imaginait pas l'homme lui répondre: "Très volontiers mon garçon. Tiens le voilà. Je te promet de plus recommencer." Non, les choses n'étaient pas aussi simple et tout ce qu'il pouvait faire dans l'immédiat c'était de ne pas le perdre de vue.
Vous jacassez pendant des heures sur des problèmes de nourriture, de téléphone, de nuits passées hors de chez nous. Par contre, sur la manière d’attraper le voleur, pas un mot. À vous écouter, on se croirait… on se croirait dans un conseil de prof !
Aucune injure plus forte ne lui était venue à l’esprit.