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Critique de MarcelineBodier


Je lis avec curiosité les romans et les nouvelles de Patrick Kurtkowiak depuis quelque temps. En effet, j'ai déjà eu l'occasion de l'écrire à propos de ses autres livres : il écrit en faisant passer les messages venus du corps avant ceux de leur interprétation, sans les passer par un filtre de censure, donc en laissant libres toutes les réflexions intérieures sur la sexualité des personnages, contrairement à moi. Cette distance m'intéresse et m'interroge.

Mais dans le recueil Secouer puis verser, son écriture a changé.

Bien sûr, il reste, mêlées à la narration, des généralités sur la vie sexuelle des personnages : j'imagine que c'est parce que pour l'auteur, c'est un baromètre puissant du couple et que cela lui permet de caractériser les couples qui vont bien et ceux qui ne dureront pas. Pourquoi pas. Mais il ne s'agit plus de s'arrêter aux détails et de les insérer systématiquement dans la narration : c'est plutôt une caractéristique parmi d'autres, qui est donnée une fois ou deux parmi d'autres caractéristiques de la vie et du couple. Elle n'est plus dominante.

Quelles sont les conséquences, pour l'écriture, de pareille évolution ? Il me semble que si le corps est moins important, alors cela laisse la place à deux choses.

D'abord, si la clé des relations entre les êtres n'est plus à chercher uniquement dans leur vie sexuelle, c'est qu'elle est aussi ailleurs, dans tout ce qui n'est pas déterminé de manière immédiate par le corps : les relations parents-enfants, les relations amicales, la nostalgie, deviennent déterminantes. La nouvelle « Amicalement vôtre » est à cet égard intéressante, un peu comme si elle était à la frontière entre les deux mondes : son thème central est celui de l'amitié, mais cette amitié est gâché par la sexualité. Dans la dernière du recueil, « Rade nostalgie », c'est carrément l'inverse : amitié et parentalité rendent dérisoires les motivations sexuelles du héros.

Et ensuite, les émotions deviennent beaucoup plus cruciales. Non pas qu'elles étaient absentes de ce qu'écrivait l'auteur auparavant. Mais il était beaucoup question de rivalité, d'amours tarifées, de rapports de force ou de manipulation, qui cristallisaient les rapports entre les personnages et finissaient par résumer leurs rapports et leurs sentiments. Dans Secouer puis verser, les émotions guident les décisions des personnages et conditionnent le dénouement de chaque nouvelle : c'est particulièrement visible dans « La Complainte du Vieux Beau ». Au début, ce personnage est résumé d'un « vieillir vaut mieux que mourir mais quelle tristesse de voir le temps passer ». Au fil de la nouvelle, le personnage « se [découvre] une âme de père envers un fils qu'il n'avait jamais eu, le transfigurant ». Avec une conséquence inattendue en conclusion...

C'est peut-être ce mot qui résume le mieux le processus à l'oeuvre dans ce recueil : une transfiguration des personnages qui fait écho à celle que je décèle dans l'écriture de l'auteur. Au final, j'ai passé un très bon moment à la lecture de ces nouvelles qui, grâce à l'importance donnée aux émotions des personnages, peuvent s'affirmer comme de vraies nouvelles à chute.
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