Les victimes, en matière de couple, ne sont des victimes que pour les bourreaux qu'elles se sont choisis.
A force d'avoir habitué Drifter à un rôle d'égoïste indifférent, toujours absent, sourd et aveugle à ses tragédies, donc toujours coupable, Patricia s'était créé les conditions idéales pour lui mentir, le tromper et le bafouer sans qu'il puisse y voir clair.
En réalité, je vois bien que Lescrabes, fou-curieux de la vie et des êtres, cherchait et trouvait en chacun, homme ou femme, belle plante ou avorton, minuscule porteuse de jupe ou gigantesque athlète en blouson, vieux couloiriste rabougri débordant de tuyaux sur la chambre des députés ou théâtreuse truffée de secrets des coulisses et des arrières-loges, la même satisfaction incessante dans sa faim du monde.
J'ai vu Drifter tressaillir, un léger mouvement sous la peau du visage.
L'amitié, ça consiste à pouvoir réveiller un copain au téléphone au milieu de la nuit et lui dire : prends ton flingue, et le copain ne répond pas : qu'est-ce qu'il se passe, ou bien : tu sais j'ai ma femme et les enfants, ou bien : t'es gentil mon p'tit vieux, mais je suis malade, ou encore : t'as vu l'heure qu'il est ? Non ! Le copain dit simplement : j'arrive. Et il raccroche. Et il arrive. C'est ça, l'amitié.