Tous ceux qui naguère dépréciaient, condamnaient, censuraient la bande-dessinée au nom de leur mission intellectuelle s'émerveillent aujourd'hui de la profusion de sujets de thèses qu'elle offre à leurs intelligences éberluées.
C'est oublier ou méconnaître que la BD n'est qu'un avatar - une version adaptée à la civilisation audiovisuelle - du vieux roman-feuilleton.
Toutes les caractéristiques qu'on lui reconnaît, toutes les observations qu'elle suggère auraient pu être devinés d'une façon à peine moins précise à travers des personnages à l'univers installé dans la durée tels que Fantômas, Arsène Lupin ou Sherlock Holmes ...
Tout le monde a dévoré "les mystères de Paris", même les gens qui ne savent pas lire : ceux-là se les font réciter par quelque portier érudit et de bonne volonté ; les êtres les plus étrangers à toute espèce de littérature connaissent la Goualeuse, le Chourineur, la Chouette, Tortillard et le Maître d'école ...
(Théophile Gautier)
De même qu'il avait opposé "splendeurs et splendeurs des courtisanes" aux "mystères de Paris", Balzac opposera "madame de la Chanterie" au "juif errant".
Mais il perd son pari de créer "deux ou trois œuvres capitales qui renversent les faux dieux de cette littérature bâtarde".
Il se reconnaît vaincu, sinon distancé.
"Chez Sue, il y a un plat qui permet au public de l'aborder et je suis de votre avis sur lui. Mais il n'en est pas moins vrai que les trois cent dix mille francs que lui valent les mystères et le juif errant eussent été aussi bien chez moi pour me mettre à flot, tandis qu'il n'en avait pas besoin" ...