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Critique de larmordbm


Une route sépare la maison des Santoire, le frère et la soeur, quatrième génération, de celles des Lavigne, famille nombreuse et élargie, en fermage sur les terres des premiers.
Ce décor binaire et stylisé, véritable découpage, structure la trame du récit. Deux mondes cohabitent le long de cette route, ne se parlent pas, s'ignorent, enfin pas tout-à-fait car Marie, la soeur, désoeuvrée, à la retraite, passe son temps à observer et à épier, avec une fascination mêlée de dégoût, les faits et gestes de ces originaux voisins dont les modes de vie n'ont rien en commun avec les leurs.
Marie-Hélène Lafon, se concentre sur la famille Santoire, au travers du personnage de Marie, la tribu de l'autre côté n'étant là qu'en contrepoint, de l'autre côté du miroir, pour mieux souligner les traits et les failles de ce qui reste de la lignée des vieux indiens.
Il n'en reste donc plus que deux, isolés, vieillissants, sans enfants, enfermés dans une routine stérile, au ras des objets du quotidien, sans projet, ni vitalité, ignorés de leur mère qui avait jeté son dévolu sur le frère aîné, mort prématurément du cancer.
Ils sont cernés par les morts dans une maison hantée dont les pièces se ferment progressivement. La mère défunte règne toujours dans cet univers. Monstre autoritaire, pétrie de bien-pensance et de préjugés, elle s'accroche à ses principes, rejette toute forme de modernité, et enferme ses enfants dans une vision passéiste et archaïque. Inscrits dans des lignées d'aïeuls qui tournent en boucle dans les têtes et qui reviennent comme des mantras, Marie et Jean ont oublié de vivre.
Et de l'autre côté de la rue, les autres ont fait le contraire. Ils sont tonitruants, entreprenants, exubérants, vivant en meute, avec des enfants partout. L'autrice nous enchante avec des descriptions colorées, charnelles, au plus près de la sensualité des personnages.
Et puis, traversant le livre, en fond de décor, le drame de l'Alice, jeune handicapée recueillie par les Lavigne, dont le corps dénudé sera retrouvé dans la forêt.
Avec son style unique, ramassé, ciselé, percutant, succession de phrases martelées et de litanies enveloppantes, Marie-Hélène Lafon nous offre, encore une fois, un magnifique livre, où elle conjugue ouverture sociologique sur la fin d'un monde et d'une génération dans le Cantal, et plongée dans les entrailles d'âmes perdues.
Comment donne-t-elle autant à voir et à percevoir avec une telle économie de moyens ? Je suis bluffée.


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