Citations sur Les derniers Indiens (23)
Il n'aime pas le nouveau, il ne veut rien changer, rien ajouter, il veut que tout reste comme avant, avant quoi, avant toute la vie, avant.
Le temps passait pour eux. Elle se sentait à côté d’eux comme un insecte. Elle ne leur disait pas bonjour, elle n’en avait pas envie, et elle ne se cachait pas pour les regarder, ils servaient à ça, au spectacle.
Ne pas croire en Dieu séparait Marie des gens, parce qu'elle ne pouvait pas se consoler avec l'Eglise et les prières. Elle sentait que la messe était un endroit pour se consoler, se faire du bien, même si on n'y pensait pas. Les gens n'y pensaient pas, ils répétaient les gestes et les mots, debout, assis, à genoux (...) (p. 39)
L’Alice bramait étrangement, la bouche ouverte, rose, le visage enduit de larmes luisantes. La mère avait dit, elle pleure ça connaît pas le vrai malheur, ça pleure pour un chien la vie lui apprendra.
Le père et Jean restaient assis à la table de la cuisine quand ils ne s'occupaient pas des bêtes et des choses de la ferme qui réclament toujours et toujours continuent, même quand on se marie, même quand on meurt. (p. 28)
Longtemps avant la mort de la mère, quand elle ne choisissait rien, elle avait compris que personne ne pouvait l’empêcher de suivre ses pensées. A condition de se taire, tout était possible : on pouvait écarter ce qui ne faisait pas plaisir, ou qui donnait envie de pleurer, ou qui coupait le goût et la force pour le travail. Quand elle était occupée, quand la mère parlait sans poser de questions, elle pouvait décider, ça ne se voyait pas sur sa figure, de penser à ceci ou cela, aux colchiques, au fils de la tante Léontine, aux voisins, à l’affaire de l’Alice, ou à Jeanne cette fille du pensionnat.
Le dossier de ces chaises est arrondi, cintré, disait la mère qui les avait reçues en cadeau de mariage de son oncle et parrain, Albert. Ces chaises pourraient aller dans la cuisine maintenant.Il ne veut pas, il n'aime pas le nouveau, il ne veut rien changer, rien ajouter, il veut que tout reste comme avant, avant quoi, avant toute la vie, avant.(...)
Changer est inutile.
(Folio- Gallimard, 2013, p.15)
Après l'enterrement, pendant l'automne et l'hiver qui avait suivi, alors que tout le pays bruissait de l'Alice, de cette affaire grasse et lourde, aux silences de la mère aux brèves paroles qu'elle leur jetait, à sa nuque raide à la ligne noire de tout son corps sanglé, Marie avait senti que l'ordre ancien était restauré, et que la mère, par la mort éclatante du fils prodigue et vaincu, avait recouvré son trône et son royaume.
Ne pas croire en Dieu séparait Marie des gens, parce qu'elle ne pouvait pas se consoler avec l'Église et les prières. Elle sentait que la messe était un endroit pour se consoler, se faire du bien, même si on n'y pensait pas.Les gens n'y pensaient pas, ils répétaient les gestes et les mots, debout, assis, à genoux (...)
Les gens sortaient de leur vie pendant la messe.
( Folio, Gallimard, 2013, p.39)
Elle comprenait que les voisins ne les voyaient pas, eux, le frère et la sœur, parce qu'ils étaient vieux, lents et minuscules. Les voisins allaient vite, ils savaient qu'ils auraient des terres, en fermage d'abord, ensuite elles se vendraient, ils les achèteraient, et la maison aussi [...]. (P91)