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Critique de michfred


Le syndrome de Stockholm, tout le monde connaît : la victime d'un enlèvement, généralement féminine – encore que, le baron Empain, de son propre aveu, était à…un doigt de l'éprouver lui aussi !- s'entiche de son ravisseur, adopte ses idées et se met même à les professer avec force, reniant un passé de nanti , une vie de bourge, un confort de nabab…

On appelle cela aussi un lavage de cerveau. Ou un processus de radicalisation, dans une perspective plus actualisée..

Au cinéma, Cassavetes dirait- puisqu'il s'agit de femmes- « Femme(s) sous influence »

Femmes sous influence….ce serait la meilleure façon de résumer le livre de Lola Lafon construit autour du procès de Patricia Hearst, fille de milliardaire enlevée en 1972 par le groupe d'extrême gauche S.L.A. , qui épousa si bien la cause de ses ravisseurs qu'elle participa-dirigea ?- un braquage de banque avec eux.

Tous furent massacrés – et brûlés vifs- par le FBI à l'exception de deux d'entre eux, dont Patty dont le procès défraya la chronique. Elle avait pour la circonstance retrouvé son collier de perle et sa coiffure à barrettes, trainaillait élégamment sur les syllabes façon gentry, bref on ne retrouvait plus la pétulante chef de bande au verbe haut qui accusait les siens d'être des affameurs du peuple.

Mais où était le lavage de cerveau ? Avant, après ou pendant son enlèvement ? Où était la vraie Patty ?

Chargée par la famille de préparer un rapport sur la presse et l'abondante littérature portant sur le sujet, Gene Neveva, prof de fac américaine en congé sabbatique sur la côte landaise, embauche pour l'aider une petite gourde anorexique de bonne famille dont le regard neuf sur cette affaire américaine et l'évidente envie de bien faire lui seront d'un grand secours. Elle s'appelle Violette mais elle n'aime pas son nom : qu'on l'appelle Violaine, comme l'héroïne claudélienne, ce sera parfait. Tiens, tiens...Patty Hearst non plus n'aimait pas son nom et s'était rebaptisée Tania…

Gene comme Violaine vont se prendre au jeu de cette enquête et devenir les…otages de leur sujet. La petite gourde va rompre les amarres familiales, la prof de fac prendra elle aussi ses distances avec la famille Hearst et le système de défense qu'ils ont choisi…


Une troisième femme entre dans la danse, 40 ans après, qui se passionne pour le cas Patty : c'est la narratrice (Lola Lafon ou son alias) .

De Gene à Violaine, de Violaine à Lola, femmes en quête d'une vérité sur l'influence négative , le lavage de cerveau, l'embrigadement, la radicalisation …qui, sous un autre angle, peuvent aussi devenir l'influence positive : la formation, l'émancipation, la prise de conscience, la révolte…

Femmes en mouvement, femmes en voie d'émancipation, femmes d'influence sous influence...

Vaste problème, enquête nourrie, débat d'une brûlante actualité.

Mais, mais, mais….

Mais ….à trop embrasser, on étreint mal. J'ai peiné, souffert même sur un début où les pronoms narratifs – le vous, à Gene, le elle, pour Violaine, le je pour la narratrice - m'ont pris la tête au point d'avoir envie de lâcher un livre pourtant passionnant. Puis soudain, le sujet prenant son envol j'ai cessé de me crisper sur ces afféteries formelles, et dévoré d'un coup le reste du bouquin.

Mais… le titre est trompeur : Mercy, Mary sont de jeunes colons ( colones ?) américaines enlevées par les Indiens au XVIII siècle et ayant refusé de réintégrer leur famille…Elles viennent plomber encore le sujet et embrouiller la trame… mais Lola Lafon - sans doute bien occupée à gérer ses pronoms personnels et sa chaîne de femmes en voie d'émancipation- n'a pas trop insisté sur ces visages pâles qui ont choisi de rester squaws , archétypes emplumées du syndrome de Stockholm. Heureusement, sinon je crois que j'aurais rendu mon calumet !

Restent un joli titre , Mercy, Mary, Patty, une documentation très fouillée sur une affaire passionnante, et une furieuse envie de débattre la question. Ce n'est déjà pas si mal !


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