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Citations sur La langue de ma mère (20)

Avec la sonde dans l'estomac, elle aurait pu encore tenir des semaines, sinon des mois. C'est ce qu'on nous assurait. Je n'ai rien à faire de ces sortes d'assurances. On peut dire ce qu'on veut du Moyen-Age, avec sa Mort Noire et son hygiène défaillante, ses furies et ses bûchers, avec l'espérance de vie en rapport, mais quand il était temps de partir, on pouvait partir. La mort était une vieille connaissance, pas une raison de tomber dans l'hystérie. Le peu de science ne s'était pas encore transformé en un mal grotesque capable de maintenir en l'état tous les maux et de les augmenter au lieu de les combattre. Et en arrière-pensée n'existait pas encore cette méfiance lancinante: quand donc notre formidable sécurité sociale, consolatrice des faibles, s'est-elle convertie en un jackpot pour l'industrie pharmaceutique et ses filiales? Les patients qu'on prolonge rapportent plus qu'une vache laitière. Chaque jour supplémentaire est un jour de bénéfices. Cela rend les recommandations de résignation et de patience plus rentables que la vente de souffrance courte.
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[Lorsque l’auteur décide de refuser qu’on s’acharne à nourrir par sonde sa mère agonisante:]
Je ne lui ai jamais témoigné plus d’attachement et de respect qu’au moment où nous lui avons enfin permis de partir. Un homme n’a de véritable dette qu’envers une personne au monde. Je crois l’avoir apurée là. Peut-être l’amour ne peut-il accomplir véritablement qu’une seule chose. Tuer par amour.
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Mon frère n’était pas le seul à aimer contempler la fin de journée de travail dans le quartier. Beaucoup de ménagères plaçaient à côté de leur porte ouverte une chaise sur le trottoir, le dossier appuyé contre le mur, et regardaient la rue les bras croisés ou en tricotant paisiblement, certaines sirotant aussi un verre de trappiste, toutes bavardant sans discontinuer, s’interpellant d’un côté à l’autre, la main en porte-voix quand passait un bus ou un camion. Chez nous les commérages n’étaient pas chuchotés.
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Tant chez les connaisseurs que chez les non - initiés persiste opiniâtrement le malentendu selon lequel écrire signifierait ´ conserver ´ . Fixer ce qui a existé , tel que ça a existé . Il est évident que c'est exactement le contraire . Écrire , c'est détruire , faute de mieux . C'est seulement après cela et à cause de cela que ce que vous écrivez devient du passé . La litterature consiste à lâcher prise . Écrire , c'est chasser son souvenir .
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Car maintenant on veut faire des lofts de n’importe quoi, même d’anciennes bibliothèques dans lesquelles vous avez jadis lu à vous abîmer les yeux, sans en avoir jamais eu un moment de regret, et où à une certaine époque il ne restait plus un livre à lire en rapport avec votre catégorie d’âge, suite à quoi le bibliothécaire - que sa mémoire soit honorée, son nom loué et sa descendance bénie - vous autorisera à commencer la lecture des ouvrages de la catégorie supérieure à condition que vous n’en parliez à personne, et il en fut ainsi.
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Il n’était pas un père qu’on doive combattre. Pas un patriarche à assassiner, symboliquement ou avec une vraie hache.
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De son vivant, on pouvait sans exagérer dire de Liza que c'était un être déplaisant et grincheux. Elle était grasse comme une motte de beurre et elle était solitaire, même si elle ne vivait pas seule. Sa solitude était dans sa tête.
Son corps était tout aussi avenant. Il semblait vouloir combler tous les vides, ceux de son esprit et ceux de son entourage. Quand Liza prenait place sur une chaise, son séant informe débordait et pendait tout autour du siège. Le corps humain en tant qu'illustration de l'horreur du vide. Son visage aussi souffrait des lois de la pesanteur et de la propension à combler le vide. Les lèvres, les coins de la bouche, les joues, les sourcils, les paupières, les cernes sous les yeux, les lobes des oreilles, les mentons, tout en Liza était démesuré et tout pendouillait avec conviction. Sa poitrine ne faisait pas exception, naturellement.
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Tant chez les connaisseurs que chez les non-initiés persiste opiniâtrement le malentendu selon lequel écrire signifierait « conserver ». Fixer ce qui a existé, tel que cela a existé. Il est évident que c’est exactement le contraire. Écrire, c’est détruire faute de mieux. C’est seulement après cela et à cause de cela que ce que vous écrivez devient du passé. La littérature consiste à lâcher prise. Écrire, c’est chasser de son souvenir.
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Depuis ce jour-là moi aussi je suis frappé de mutisme, je peux écrire ce que je veux, tant que je veux, où je veux, mais comment pourrais-je jamais trouver des mots moins durs pour exprimer cette espèce de baragouin rageur? Quelle sorte de mot puis-je mettre en regard de ça, pour l'effacer, le retrancher de ma mémoire?
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´ Quand on t'embête , il faut que tu apprennes à ne pas répondre ( elle , souvent , l'air de quelqu'un qui parle d'expérience ) . La meilleure défense , c'est de mordre sur ta chique , même si ça te coûte un gros effort . C'est en te taisant que tu peux embêter le plus ceux qui t'embêtent . ´
J'aurais bien voulu la croire , seulement je la voyais elle - même mettre très peu son bon conseil en pratique . Elle répliquait à tout le monde . Ça sortait naturellement, ça lui réussissait bien et ça me rendait fier d'elle . Elle était forte en bec et exerçait ce talent contre n'importe qui et n'importe où , dans la rue , dans son magasin , et elle y donnait libre cours sur les planches du théâtre communal . Peu de gens possédaient autant qu'elle ce don de la langue bien pendue .
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