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Critique de Yvan_T


Du fond de sa maison de retraite, Harry se souvient des années 30 et du jour où, accompagné de sa petite soeur, il a découvert le cadavre mutilé d'une femme noire dans les marécages de Pearl Creek. Âgé d'une douzaine d'années à l'époque, il avait tout fait pour aider son père, constable du bled en question, à mener l'enquête concernant ce meurtre qui était vite devenu le premier d'une longue série. Pourtant, étant donné le contexte ségrégationniste de l'époque, en particulier dans ce coin reculé de l'East Texas, s'intéresser aux causes de la mort d'un noir n'était pas très bien vu, voire même assez risqué !

Avec « Les Marécages », Joe R. Lansdale plonge donc le lecteur au début des années 30, au coeur de la grande dépression, dans un coin des États-Unis où il ne faisait pas bon d'être noir. Là où le Ku Klux Klan faisait la pluie et le beau temps, la vie d'un noir n'avait pas vraiment de valeur, alors gaspiller son temps à enquêter sur la découverte d'un corps qui n'est pas blanc équivalait en quelque sorte à défier les valeurs fondamentales du Klan.

En partageant la vision d'un vieil homme de plus de quatre-vingt ans qui raconte ses souvenirs d'enfant, l'auteur parvient non seulement à restituer un contexte sombre et nauséabond à travers le regard innocent d'un gamin, tout en conservant le recul d'une narration certes empreinte de nostalgie, mais surtout capable de saisir et de cadrer les sensibilités de l'époque.

La base du récit est donc une enquête policière, mais celle-ci sert donc surtout d'excuse afin de pouvoir dépeindre une société gangrénée par le racisme. Les enquêteurs (un père agriculteur/coiffeur, deux enfants et une grand-mère) sont d'ailleurs loin d'être des professionnels et n'ont de surcroît pas les capacités, ni les instruments pour faire avancer les investigations comme elles le devraient, sans parler des autres protagonistes, pas vraiment enclins à s'intéresser à des victimes noires. Et même si Joe R. Lansdale parvient à entretenir le suspense tout au long du récit avec beaucoup de brio, la résolution de l'enquête s'avère finalement assez prévisible.

Non, l'intérêt principal de cet excellent roman est la restitution de l'ambiance moite et étouffante de l'époque, à l'aide d'une galerie de personnages bien campés auxquels on s'attache volontiers au fil des pages. Outre les conditions de vie particulièrement difficiles des Noirs, l'auteur parvient également à restituer ce racisme tellement ancré dans les traditions qu'il parvient même à changer l'attitude d'enfants blancs envers des Noirs qui les ont pourtant parfois élevés ou avec lesquels ils jouaient étant petits, pour finalement en avoir honte, voire même les haïr comme tout bon blanc qui se respectait durant ces années malsaines et nauséabondes dirigées et pourries par le KKK.
Lien : https://brusselsboy.wordpres..
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