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Coup de coeur pour ce thriller qui se passe au début des années 30 au moment de la grande dépression dans l'East Texas gangrené par le racisme.
Deux femmes sont trouvées sauvagement assassinées et mutilées dans les marécages prés de la rivière Sabine et comme elles sont noires c'est pas bien grave pour les blancs du coin.
Une troisième femme, blanche cette fois, est retrouvée morte dans les mêmes conditions et cette fois c'est sérieux . Et bien sûr comme ça ne peut-être qu'un noir qui a commis ces crimes atroces le Klu Klu Klan, qui fait régner la terreur et se substitue souvent à la loi, intervient…
Le début de cette triste histoire qui dure 2 ans se déroule sous les yeux d'un garçon de 11 ans Harry, qui a trouvé la première victime en compagnie de sa soeur Thomasina dite Tom, 9 ans, alors qu'ils jouaient dans les marécages.
Harry, fils de Jacob, coiffeur, fermier et constable, chargé de représenter la loi si besoin est.
Jacob, pas toujours bien vu par certains, car considéré comme le copain des noirs parce qu'il traite ceux-ci avec respect mais qui reconnaît une part d'ombre en lui-même qui l'amènera involontairement à être à l'origine de la mort d'un innocent. Une tragédie dont il aura beaucoup de mal à se remettre.
Bouleversé par ce père qu'il ne reconnaît plus, Harry, aidé par sa mémé, une femme indépendante et pleine de fantaisie, essaye de retrouver le coupable qu'il ne trouvera finalement qu'incidemment et dans des circonstances dramatiques.
Un Harry émouvant, qui de nombreuses années après, âgé de plus de 80 ans et malade, attend la mort dans une maison de retraite et pour l'oublier un instant se remémore de douloureux souvenirs qui lui ont volé une partie de son enfance et fait perdre pas mal d'illusions.
Mais des souvenirs qui ,paradoxalement, lui réchauffent le coeur car il y retrouve toute sa famille qu'il aimait tant ainsi que son chien Tobby et cette nature devenue méconnaissable tellement elle a été défigurée.
Un roman sombre, sensible et puissant qui nous fait bien ressentir la pauvreté, le racisme et particulièrement la grande force des préjugés car comment expliquer autrement que dans leur jeunesse des gamins noirs et blancs jouent ensemble et pour certains même élevés par une femme noire qu'ils considèrent comme leur mère, puissent devenir racistes à l'âge adulte...
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Du fond de sa maison de retraite, Harry se souvient des années 30 et du jour où, accompagné de sa petite soeur, il a découvert le cadavre mutilé d'une femme noire dans les marécages de Pearl Creek. Âgé d'une douzaine d'années à l'époque, il avait tout fait pour aider son père, constable du bled en question, à mener l'enquête concernant ce meurtre qui était vite devenu le premier d'une longue série. Pourtant, étant donné le contexte ségrégationniste de l'époque, en particulier dans ce coin reculé de l'East Texas, s'intéresser aux causes de la mort d'un noir n'était pas très bien vu, voire même assez risqué !

Avec « Les Marécages », Joe R. Lansdale plonge donc le lecteur au début des années 30, au coeur de la grande dépression, dans un coin des États-Unis où il ne faisait pas bon d'être noir. Là où le Ku Klux Klan faisait la pluie et le beau temps, la vie d'un noir n'avait pas vraiment de valeur, alors gaspiller son temps à enquêter sur la découverte d'un corps qui n'est pas blanc équivalait en quelque sorte à défier les valeurs fondamentales du Klan.

En partageant la vision d'un vieil homme de plus de quatre-vingt ans qui raconte ses souvenirs d'enfant, l'auteur parvient non seulement à restituer un contexte sombre et nauséabond à travers le regard innocent d'un gamin, tout en conservant le recul d'une narration certes empreinte de nostalgie, mais surtout capable de saisir et de cadrer les sensibilités de l'époque.

La base du récit est donc une enquête policière, mais celle-ci sert donc surtout d'excuse afin de pouvoir dépeindre une société gangrénée par le racisme. Les enquêteurs (un père agriculteur/coiffeur, deux enfants et une grand-mère) sont d'ailleurs loin d'être des professionnels et n'ont de surcroît pas les capacités, ni les instruments pour faire avancer les investigations comme elles le devraient, sans parler des autres protagonistes, pas vraiment enclins à s'intéresser à des victimes noires. Et même si Joe R. Lansdale parvient à entretenir le suspense tout au long du récit avec beaucoup de brio, la résolution de l'enquête s'avère finalement assez prévisible.

Non, l'intérêt principal de cet excellent roman est la restitution de l'ambiance moite et étouffante de l'époque, à l'aide d'une galerie de personnages bien campés auxquels on s'attache volontiers au fil des pages. Outre les conditions de vie particulièrement difficiles des Noirs, l'auteur parvient également à restituer ce racisme tellement ancré dans les traditions qu'il parvient même à changer l'attitude d'enfants blancs envers des Noirs qui les ont pourtant parfois élevés ou avec lesquels ils jouaient étant petits, pour finalement en avoir honte, voire même les haïr comme tout bon blanc qui se respectait durant ces années malsaines et nauséabondes dirigées et pourries par le KKK.
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Allongé dans la chambre de cette maison de retraite, à plus de 80 ans, attendant qu'on lui serve un repas ou quelque chose qui y ressemble, il se rappelle sa jeunesse...
Au début des années 30, Harry et sa petite soeur, Thomasina surnommée Tom, vivent paisiblement dans ce coin reculé de l'East Texas, dans leur propriété entourée d'arbres et la Sabine qui s'écoulait tout près. Maman au foyer et papa coiffeur, cultivateur et, accessoirement, constable de la petite ville de Pearl Creek, faute de shérif. le jour où Toby, leur chien, se fait écraser par une branche et se trouve ainsi estropié, les deux enfants n'ont d'autre choix, le coeur dans l'âme, que d'achever la pauvre bête souffrante. Les enfants décident d'aller en forêt mais s'amusant et chassant l'écureuil, ils s'éloignent de chez eux et finissent par se perdre. C'est alors que, le long de la berge, Harry aperçoit une masse grisâtre accrochée dans un églantier. La clarté de la lune lui permet d'identifier un visage. le visage d'une femme noire, entièrement nue, le corps tout gonflé et déformé, bâillonnée avec des barbelés. Premier cadavre d'une série qui va bouleverser la petite bourgade...

Dans l'East Texas, là où le KKK est omniprésent et règne en maître, la mort d'une femme noire, qui plus est de petite vertu, ne semble guère ni inquiéter ni émouvoir les habitants de Pearl Creek. C'était sans compter sur certaines personnes qui jugent les actes et sentiments de ce groupuscule violents, inacceptables et condamnables notamment Harry et son père, Jacob. Joe R. Lansdale nous plonge au coeur d'un état dans lequel il ne fait pas bon être noir et décrit parfaitement l'ambiance étouffante et parfois malsaine qui règne dans cette petite de Pearl Creek ainsi que les conditions de vie difficiles des Noirs. Il donne la parole à Harry, jeune adolescent qui, du haut de ses 13 ans, va se rendre compte du malaise régnant et ainsi perdre un peu de son innocence. Avec ce roman profondément noir, l'auteur prend le temps d'installer une intrigue captivante et parfaitement huilée et dresse une galerie de personnages tantôt touchante tantôt inquiétante. Des personnages qui, au fil des pages, s'étoffent et se dévoilent. Un roman à la fois sombre et poisseux, aux dialogues travaillés et à l'écriture maîtrisée.
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Cela démarre puissamment. Deux enfants, Harry treize ans et sa petite soeur, perdus, errent dans les marécages de l'East Texas ; ils sentent la présence inquiétante de quelqu'un ou quelque chose qui les suit, transformant leur périple en terreur nocturne : est-ce le fameux Homme-Chèvre ? Un « ambulant » ( un mort maudit qui a vendu son âme au diable ) ?
La force de l'irruption du fantastique se heurte rapidement à la découverte très terre-à-terre du cadavre atrocement mutilé d'une femme noire dénudée.

Harry sera nos yeux durant toute le roman selon le principe de l'analepse : c'est un Harry âgé de plus de quatre-vingt ans qui livre aux lecteurs ces souvenirs d'enfant sur cette enquête menée par son père, constable local ( sorte d'officier de police ), durant la Grande Dépression des années 30.

Tout est passionnant dans ce grand roman d'apprentissage proche de Ne Tirez pas sur l'Oiseau moqueur de Harper Lee : un père, ce héros, progressiste, vacillant dans un Etat sudiste et raciste où le Ku Klux Klan sévit comme acteur omniprésent du quotidien. Vouloir la vérité et découvrir le coupable de ce meurtre, c'est considérer qu'une vie noir vaut autant qu'une vie blanche, c'est nier le ségrégationnisme, c'est défier le Klan. le père ne cédera rien et en assumera les conséquences sous les yeux de son fils qui cherche à se construire dans ce monde complexe et violent.

Si l'enquête en elle-même est somme toute assez prévisible dans sa résolution, le final est d'une rare intensité sur les traces de la Nuit du chasseur : un fleuve, la nuit, deux enfants, un tueur.
Un polar profond, poisseux, résolument sombre.
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Y en a qui trouvent des oeufs de Pâques et puis y en a qui trouvent des cadavres. Harry et sa petite soeur se situeraient plutôt dans la deuxième catégorie. Jamais bon d'aller trainer dans les marais. La mauvaise nouvelle, ce corps mutilé qui fait un peu tâche dans le paysage. La bonne, il est noir. Et dans cette région du Texas où le KKK sévit majoritairement, ce serait même plutôt Noël avant l'heure.
Le père de Harry est coiffeur de métier, constable à temps partiel. Pas de shérif à déclarer dans cette petite bourgade, trop de responsabilités.
Son défaut, vouloir faire la lumière sur ce qui apparaît être le crime d'un "ambulant " alors que n'importe quel nègre ferait l'affaire et occasionnerait ainsi une pendaison dans l'heure. C'est qu'on a placé très haut le niveau de marrade dans le coin.
La chance, ça va un temps. Aussi, dès que les macchabées commenceront à tirer sur le clair, les joyeux encagoulés et leur clique débilitante, paradoxalement, verront noir au point de réclamer enfin un coupable digne de ce nom !

Chacun connait l'univers impitoyable de Dallas, mais ça, c'était avant de percuter frontalement celui de Lansdale.
Un racisme pleinement reconnu et assumé, des crimes en série, des marais tout plein de gens qui font rarement marrer, amis de la gaudriole et de la dérision, bonsoir !

En ce début des années trente, Lansdale y décrit magistralement la délicate condition de noir perçu bien moins qu'une bête et tout juste bon à se balancer au bout d'une corde. Qu'y a t-il de plus détestable qu'un noir, un blanc qui épouse leur cause. Jacob, devenu shérif à temps plein et moderniste avant l'heure, s'y brûlera les ailes.
Le contexte est étouffant, la région n'incite pas au tourisme. L'auteur fait de ces marécages un personnage incontournable de ce grand roman, ajoutant encore un peu plus à ce sentiment d'oppression diffus au fil des pages.
Lansdale s'attache également à la perte de l'innocence. A ce virage de l'adolescence attaqué pleine bourre par un gamin insouciant qui vit là ses premières désillusions.

Attaquer Les Marécages, c'est se préparer à une sale apnée et une remontée sans paliers de décompression.
Quelques rares personnages viendront cependant apporter un peu de douceur dans ce monde de brutes mais de façon bien trop sporadique pour éprouver finalement la moindre empathie envers un genre humain en-dessous de tout.
Le constat est sans appel, noir c'est noir, il n'y a plus d'espoir...
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Les marécages, quand on est jeune adolescent ou enfant, c'est tentant et ça fait peur, les deux à la fois. C'est plein de boue et de mystères et on a donc envie de faire l'explorateur. C'est plein de boue et de mystères et donc quand on y est, on a finalement qu'une envie, c'est de s'enfuir.

C'est régulièrement cette double sensation que vous ressentirez à la lecture. L'envie de s'immerger suivie aussitôt de l'envie d'être ailleurs. Ce livre est un polar pas comme les autres. Parce que dans les années 30, comme le dit le narrateur, on ne s'intéresse qu'aux meurtres qui se passent juste à côté de chez soi. Parce que le FBI n'intervient pas quand on a une série de meurtres inexpliqués, parce qu'il faut déjà se rendre compte que c'est une série de meurtres, parce que quand les victimes sont noires, certains doivent déjà se convaincre qu'on peut vraiment qualifier ça de meurtre.

Vous comprenez progressivement que vous ne vous trouvez pas face à une affaire bien propre avec indices pertinents et des raisonnements logiques imparables... surtout quand vous constatez que les enquêteurs seront un père "constable" du village parce que personne d'autre voulait l'être , un frère et une soeur de respectivement 13 et 9 ans et une grand-mère un peu excentrique. Enquête il y aura, mais décousue et ne respectant que très peu les codes du genre : quand on voit par exemple qu'on est obligé de trimbaler le premier cadavre dans un autre village parce que le médecin blanc du coin ne veut pas autopsier une Noire dans son cabinet, on sait que la recherche du criminel ne sera pas le seul intérêt de l'histoire.

Il y a en effet tout le contexte de cet East Texas des années 30, le racisme, les légendes locales, le Ku Klux Klan, les progressistes qui se comptent sur les doigts de la main, la Grande Dépression, les routes principales qui ressemblent à nos chemins d'aujourd'hui, les ponts suspendus brinquebalant au dessus de la rivière. C'est un roman social, un roman d'atmosphère tout autant qu'un polar.

Mais c'est aussi un thriller et particulièrement dès les premières pages et dans tout le final. Parce que Joe R. Lansdale veut vraiment nous faire ressentir à la fois cette envie et ce dégoût, cette envie de tourner la page pour savoir ce qui va suivre et en même temps ce refus de la tourner de peur que ce qui se cache derrière soit plus affreux que ce qu'on craint. Alors équipez-vous et pénétrez dans ces marécages puisque je sens que vous en mourrez d'envie... mais ne venez pas vous plaindre ensuite et me dire que je ne vous avais pas prévenu...
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Une atmosphère moite où la ségrégation raciale bat son plein.
*
J'ai fait une lecture commune avec un autre challenger du Multi-défis 2019 , @juten-doji . Une discussion à mi-parcours sur notre ressenti, on a tout de suite adhéré à cette histoire sombre bien addictive. Certes , il est assez dense mais une fois passé les 100 pages, l'auteur nous a hameçonné !
*
Pour ma part, je le classifierais comme roman d'atmosphère, d'ambiance très bien rendue de terreur et de mystère. Un côté surnaturel aussi. Avec des croyances d'un autre âge, le vaudou et ses légendes.
Et puis roman noir bien sûr avec une intrigue bien linéaire et classique, avec une composante historique et sociologique (la ségrégation raciale des états sudistes dans la période de la Grande Dépression).
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Le narrateur se remémore ses souvenirs au couchant de sa longue vie. Des faits étranges et inoubliables se sont passés durant son adolescence. Dans ce Texas humide des années 30 , où le racisme envers les Noirs est encore très prégnant, il va découvrir un cadavre mutilé de femme Noire. Et à partir de ce moment bien précis, les ennuis arrivent pour lui et son père shérif.
*
J'ai beaucoup apprécié le décor authentique et bien décrit de cet environnement où la terreur est présente (le Ku Klux Klan sévit et laisse peu de place à la justice). J'ai de suite pensé à l'histoire de la ligne Verte de Stephen King où la loi punit John Caffey, un Noir innocent qui se trouvait sur le lieu d'un crime au mauvais moment et n'avait aucune défense.
Rien de plus émouvant quand cette histoire sordide et triste est racontée à travers les yeux d'un enfant.
Une galerie de personnages bien étoffés et dont la psychologie intime a été restituée au fur et à mesure du récit. On assiste aux débuts de la criminologie où le mot "sérial killer" n'a pas encore été évoqué. Où la justice se faisait à "la tête du client". Et c'est carrément flippant. C'est une fiction mais le récit bien maîtrisé m'a laissé une forte impression de réel.
*
J'ai encore deux romans de cet auteur dans ma bibliothèque, ils ne feront pas "long feu".
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Une fois de plus je ne peux que mesurer la chance que j'ai d‘être accro au site Babelio. Sans ce site, et surtout sans ses nombreux membres, leurs avis et les challenges qu'on y trouve, jamais je ne serais sortie de ma zone de confort, et j'avoue que découvrir de nouveaux auteurs, j'adore ! J'adore d'autant plus quand la lecture devient un véritable coup de coeur ! Cela a été le cas pour ma part pour Les marécages de Joe R. Lansdale, auteur, dont à ma grande honte (si si, je vous assure que j'ai honte !), je ne connaissais même pas le nom…
Et là, je suis entrée tranquillement dans un univers poisseux, humide et surtout noir de chez noir avec ces marécages de l'est du Texas. Alors que je pensais que cet état était particulièrement sec, il a fallu que je revoie ma géographie pour mieux planter le décor et favoriser ma compréhension de l'histoire, car des marécages, il va y en avoir.
Nous allons plonger dans le passé par le biais des souvenirs d'un vieil homme Harry. Il se rappelle son enfance, dans cette terrible période des années 30, aussi appelée la Grande Dépression. Nous faisons donc la connaissance de la famille de Harry qui a onze ans à l'époque, de sa petite soeur Tom et de ses parents. le père, Jacob, peine à joindre les deux bouts et en plus d'être agriculteur, travaille comme coiffeur et fait office de constable.
Les deux enfants vont bientôt faire une découverte macabre en trouvant un cadavre de femme dans la foret. La victime était une femme noire et nous sommes dans un coin paumé du Texas où le Klu Klux Klan est bien présent et où les conditions des noirs n'ont pas beaucoup évolué depuis la guerre de Sécession. le seul officier de justice est Jacob et le moins qu'on puisse dire c'est qu'il se trouve bien isolé au milieu d'une communauté blanche pour qui le coupable est tout désigné.
J'ai beaucoup aimé cette histoire vue à travers les yeux du jeune Harry et elle m'a tenue en haleine du début à la fin.
L'ambiance est sombre, je dirais même très noire, et l'auteur a restituer avec beaucoup de talent l'atmosphère de l'époque.
Une très belle découverte, et je ne rajouterais qu'une chose : j'ai bien l'intention de continuer ma découverte de l'oeuvre de Joe Lansdale, qui vient de se hisser sur le podium de mes auteurs favoris.



Lecture Commune Polar Mars 2019
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Dans la chambre de sa maison de retraite, un vieil homme se souvient...
Nous sommes dans un coin reculé de l'Est du Texas, en 1933, dans une Amérique où s'éternise la Grande Dépression.
Deux enfants, Harry Collins le frère qui a treize ans et Tom la soeur qui a neuf ans adorent jouer tout près de chez eux, par-delà la grande forêt qui jouxte la propriété des parents et leurs quelques arpents. Jacob le père est coiffeur, il exerce aussi la fonction de constable de la petite ville de Pearl Creek, c'est-à-dire qu'il est une sorte de shérif.
Le reste du temps, lui et sa femme tiennent une petite ferme. C'est un couple aimant, harmonieux, ils essaient d'élever leurs enfants avec amour, dignité et rigueur, dans les valeurs qui les animent.
La narration se fait à hauteur de cet enfant, Harry, qui longtemps après, se souvient des événements...
Les parents de Harry et Tom sont des progressistes, autant dire qu'ils déparent dans le paysage sociologique du comté. Cela ne leur viendrait pas à l'idée de pas traiter les Noirs d'égal à égal. Pourtant, Jacob sait que sa réputation qu'on lui colle d'être « l'ami des Noirs » pourrait un jour lui jouer un mauvais tour, et ce ne sera pas alors son statut de constable qui le protègera... Ici c'est souvent encore la loi du Ku Klux Klan qui a le dernier mot : au mieux c'est du goudron et des plumes, au pire c'est une corde balancée à une haute branche ou bien un pneu qu'on arrosera d'essence...
Les marécages forment une aire de jeu formidable, peuplés de rougets, de tiques, de serpents et d'endroits aussi inquiétants que fantasmagoriques pour les enfants. Ceux-ci aiment s'y perdre, inventer des histoires, des univers, imaginer que ce personnage de légende qu'on surnomme l'Homme-Chèvre et qui se cache parmi les ombres des bayous vient les terroriser...
C'est là qu'un jour le jeune Harry et la petite Tom vont découvrir l'horreur au fond des marais : le cadavre d'une femme noire mutilée sauvagement.
Plus tard, un second cadavre tout aussi mutilé que le premier, cette fois encore d'une femme noire, est retrouvée de nouveau dans les marécages, la scène de crime semble ressembler à s'y méprendre à la première. L'enquête avance, piétine dans l'indifférence générale de la communauté blanche de Pearl Creek. « Tant que ce sont des femmes noires, qui plus est, des prostituées... » Ce sont ces mots sinistres, glaçants qui viennent aux oreilles de Jacob.
Et si c'était l'Homme-Chèvre, l'assassin ?
Mais un jour, c'est une femme blanche qu'on retrouve égorgée au fond des marais. Là le ton change dans l'opinion publique de la petite bourgade et les membres du Ku Klux Klan ne vont pas tarder à reprendre du service...
Les marécages, c'est une plongée en apnée dans l'Amérique profonde et poisseuse gangrenée par la ségrégation ordinaire.
Si ce thriller aux allures de roman noir tient toutes ses promesses dans une intrigue haletante, le paysage glauque et nauséabond de ces marécages représente bien le personnage principal, figurant comme une allégorie la communauté des hommes de ce sud des États-Unis des années trente... La toile de fond du récit devient vite une caisse de résonance assourdissante...
J'ai trouvé ici une force d'évocation puissante dans la façon de raconter une histoire, de dépeindre des personnages qui s'étoffent, se dévoilent, s'unissent, s'opposent, entrent en scène dans une dramaturgie qui nous tient en haleine. Heureusement, dans cette atmosphère oppressante, il y a la tendresse innocente de deux enfants qui découvrent l'horreur du monde des adultes, ils ont le chic pour mettre les pieds là où il ne faut pas, ou bien encore laisser traîner leurs oreilles, entendre des choses qui ne sont pas de leur âge. Mais surtout, il y a Mémé qui débarque inopinément et va donner un sérieux tour de force à cette enquête qui s'enlisait dans les sables mouvants du paysage environnant. Ah ! Comme j'ai adoré ce personnage aussi attachant que décoiffant... Et attention ! Il ne faut pas pousser Mémé dans les orties du bayou !
Les marécages, c'est ma première incursion dans l'univers romanesque d'un certain Joe R. Lansdale autour duquel je rôdais déjà depuis pas mal de temps. Inutile de vous dire que je reviendrai vite découvrir d'autres récits de cet écrivain qui m'a totalement séduit.

Southern trees bear strange fruit,
Blood on the leaves and blood at the root,
Black bodies swinging in the southern breeze,
Strange fruit hanging from the poplar trees.

Pastoral scene of the gallant south,
The bulging eyes and the twisted mouth,
Scent of magnolias, sweet and fresh,
Then the sudden smell of burning flesh.

Here is the fruit for the crows to pluck,
For the rain to gather, for the wind to suck,
For the sun to rot, for the trees to drop,
Here is a strange and bitter crop.

[Billie Holiday - Strange Fruit]

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Un roman noir addictif qui m'a plongée, pour ne pas dire engluée (c'est que ce ne sont pas des marécages pour rien!) dans une petite bourgade de l'East Texas des années 30 ; des années qui charrient leur lot de pauvreté, de croyances, de ségrégation raciale, de cagoules blanches. Il faut dire que le Ku Klux Klan a de sérieux adeptes dans le coin. Alors quand des cadavres de femmes commencent à être découverts, il n'en faut pas plus pour que certains hommes se vautrent dans la fange.

Il règne un je ne sais quoi de : je te hais un peu, beaucoup, passionnément, à la folie…
L'atmosphère vous prend au coeur et aux tripes et vous pousse à aller toujours plus loin. Addictif, vous dis-je ! Mais pas nécessairement dans le sens où l'on pourrait traditionnellement l'entendre, avec plein de rebondissements, de suspens, de fausses pistes, et tout ça, non, juste humainement addictif. L'auteur prend son temps pour poser les personnages, les dévoiler par touches de plus en plus amples, et nous harponner au passage.

Comme dans « Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur » de Harper Lee (dont le contexte est d'ailleurs similaire), c'est à travers le regard de l'enfance que nous découvrons les habitants de ce village. Harry le narrateur, a 11 ans. Enfin, en réalité il en a 80, mais son état de santé est tel que pour s'évader de son triste quotidien, il retourne dans ses souvenirs de jeunesse et revit cette année où tout a changé, où sa perception du monde, des hommes, de son père a changé, où son innocence et ses illusions en ont pris un coup , quand sa soeur Tom et lui ont découvert le cadavre atrocement mutilé d'une femme noire, le premier d'une série.

En tant que constable, c'est le père de Harry, Jacob, qui est chargé de mener l'enquête. Jacob est un peu tout ce qui lui permet de joindre les deux bouts : coiffeur, agriculteur, et constable donc. Contrairement aux usages de l'époque, il est très ouvert d'esprit. C'est probablement le seul à vouloir trouver le coupable, avec son fils. Il faut entendre bien sur le véritable coupable, et non pas un coupable désigné par défaut (un noir par exemple) qui arrangerait tout le monde. Mais il a aussi ses faiblesses. Et il ne fait pas bon d'être « l'amoureux des nègres » dans les parages…

Ceci dit, même s'il y a un meurtrier qui sévit, l'enquête policière n'est pas au centre de l'histoire. D'ailleurs, faute d'indices, elle piétine sec, et est plus basée sur des suppositions et des rumeurs que sur des faits. de mon point de vue, elle sert surtout de catalyseur pour dépeindre un contexte social, les relations entre les noirs les blancs dans une société gangrénée par des traditions ancrées dans le racisme et la violence, et un contexte familial avec la relation père-fils, la transmission de valeurs, et une sortie de l'enfance brutale pour Harry. Un livre sombre certes, à l'atmosphère lourde, mais qui n'est pas exempt de tendresse et de tolérance. le regard du Harry de 80 ans et l'affection qu'il porte à sa famille, sa mémé, son chien Toby (ah! génial le chien!) ne sont jamais très loin.

Un grand merci à Siabelle pour cette bonne pioche et surtout pour l'excellent moment de lecture que nous avons partagé.
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