p.111.
Selon le magazine India Today du 15 avril 1989, plus de trois mille fillettes sont livrées chaque années à la prostitution à l'occasion de la fête de Makara Sankraūti dans le seul état du Karnataka.
Dix mille francs pour libérer l'autorité suprême d'une multinationale responsable de la mort de trois mille innocents et de l'empoisonnement de deux cents mille autre! que vaut donc une vie indienne!
cela faisait partie des nombreux mystères qui entouraient les opérations de Carbide à Bhopal
p.408.
Carbide n'ayant jamais révélé la composition exacte du nuage toxique, les autorités médicales n'ont pu à ce jour mettre au point un protocole de soins efficace. Tout traitement ne procure qu'un soulagement temporaire. L'injection abusive de stéroïdes, d'antibiotiques et d'anxiolytiques n'aboutit le plus souvent qu'à consolider les dégâts causés par les gaz. Bhopal possède aujourd'hui presque autant de lits d'hôpitaux qu'une ville de la taille de New York. Mais, faute de médecins qualifiés et de techniciens formés pour entretenir et réparer les équipements ultramodernes, les immenses établissements construits depuis la catastrophe sont largement inutilisés. Une enquête réalisée en juillet 2000 révèle qu'un quart des médicaments distribués par le tout récent Bhopal Memorial Hospital Trust construit par Carbide sont soit nocifs soit inefficaces, et que 7,6 pour cent sont à la fois nocifs et inefficaces.
p.406.
Plus d'un demi-million de Bhopalis subirent les effets du nuage toxique, c'est-à-dire trois habitants sur quatre de la capitale du Madhya Pradesh¹.
1. Exactement 521 262 personnes d'après le Conseil indien de la recherche médicale. Ce chiffre n'inclut pas les victimes qui n'étaient pas des résidents permanents de Bhopal, tous les " sans domicile fixe ", les membres des communautés nomades. Il n'inclut pas non plus les victimes affectées directement par la tragédie, tels les enfants qui se trouvaient dans le ventre de leur mère, ou ceux nés par la suite de parents contaminés par les gaz.
p.388.
Un mois plus tôt, Indira Gandhi a été assassinée pour avoir fait massacrer par son armée bien moins de gens qu'il n'en est mort à Bhopal.
p.160-1.
- Et l'eau de notre puits ? insista Ganga Ram.
- Rassurez-vous. Nous allons la faire analyser et nous prendrons des mesures adéquates.
Les résultats de ces analyses furent si catastrophiques que la direction de l'usine interdit la divulgation. Les échantillons de sol recueillis à l'extérieur du périmètre de l'unité de formulation du Sevin avaient par ailleurs révélé une présence élevée de mercure, de chrome, de cuivre, dr nickel et de plomb. Du chloroforme, du tétrachlorure de carbone et du benzène furent détectés dans l'eau des puits au sud et au sud-est de l'usine. Le rapport des experts était formel : il s'agissait d'une contamination potentiellement mortelle. Pourtant, contrairement aux promesses du représentant de Carbide, aucune mesure n'allait être prise pour supprimer cette pollution.
p.109.
Sans lui laisser le temps de répondre, l'homme souleva Padmini par les aisselles et la porta vers une voiture stationnée devant la gare. Comme tous les grands centres de pèlerinage, Bénarès était un terrain de prédilection pour bon nombre de commerces douteux. L'un des plus actifs était la prostitution des fillettes. La légende prétendait que déflorer une vierge restaurait la virilité des hommes et les protégeaient des maladies vénériennes. Les nombreuses maisons de plaisir de la ville de fournissaient en pensionnaires auprès de pourvoyeurs attitrés. Ceux-ci achetaient souvent les jeunes filles à des familles très pauvres, notamment au Népal, ou organisaient des mariages factices avec des prétendus conjoints. Parfois, ils se contentaient tout simplement d'enlever leurs victimes.
p.95-6.
La richesse de Bhopal avait été forgée tout d'abord par un Français puis par quatre souveraines novatrices, en dépit des burqas qui les dissimulaient à la vue des hommes. Général en chef des armées du nabab puis régent du pays, Balthazar Ier de Bourbon et, après lui, les bégums Sikandar, Shah Jahan, Sultan Jahan et Kudsia, avaient fait de leur royaume et de sa capitale un modèle admiré aussi bien par la puissance impériale britannique que par nombre de nations coloniales d'Afrique et d'Asie. Les quatre souveraines n'avaient pas seulement désenclavé leur État en finançant de leurs propres deniers la venue du chemin de fer. Elles avaient ouvert des routes et des marchés, construit des filatures, distribué de vastes territoires à leurs sujets sans terre, instauré un système postal sans équivalent en Asie, et installé l'eau courante dans la capitale. Soucieuses d'éduquer leur peuple, elles imposèrent l'instruction primaire gratuite pour tous et favorisèrent l'émancipation féminine en multipliant les écoles de filles.
Après des années à immortaliser les cadavres des faits divers sur papier glacé, Subash Godane découvre tout à coup une forme particulièrement hideuse de la mort, la mort industrielle, la mort en masse.