NUIT BIENHEUREUSE
... Plus la nuit s’épaissit, plus apparaît la diaphanie du songe ; non pas révélation, mais espace musical des tréfonds de l’être, déployé comme l’algue dans ses mouvances de mer. Affluence liquide comme fontaine à la bouche de la soif ; suspens de cristal audible, comme ces bruissements d’eau descendus du débris des vagues…
L’arbre ne retient pas son ombre à sa hanche haute, il la retourne à son coeur de géant, et c’est elle le noyau de sa force silencieuse.
L’homme, lui, veut s’envelopper de son double, à la fois feutré et discordant, pour que cesse ce discord entre la voix de jour et le regard de nuit. La voix s’impose pendant que le regard s’exile au sombre des paupières ; la voix trompe plus parce qu’elle longe le sang tandis que la petite eau de l’oeil remire le dedans sauvage.
La nuit, l’homme renonce à toute feintise, à tout prestige ; rien n’insiste, rien ne le persuade, mais cette nudité le nappe d’une joie anonyme.
La nuit, la lune vieillit tandis que l’homme rajeunit.
La lune pâlit la suée de son feu enfoui, la fissure de sa peau croûtée, la lapidation de ses soeurs-planètes.
La lune, pressentiment de toute beauté. Le soleil, accomplissement de toute bonté.
*
Sans précaution autour de son coeur farouche, l’homme anuité soutient les retards du Secret, comme les étoiles soutiennent l’étirement de la nuit.
Ainsi, sans parole, la foi tranquille moissonne les silences oubliés du Verbe.
pp. 2-3.
Extraits du DVD "Lorsque j'étais une petite fille"
Parcours de la vie de la poète Rina Lasnier en photos et en poésie, de son enfance à ses débuts littéraires, par l'auteure Marie Lasnier et le musicien Robert Len.