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Critique de boudicca


Depuis 2018, le collectif des Indés de l'Imaginaire rassemblant trois maisons d'édition publie en début d'année le roman d'un jeune auteur qu'ils considèrent comme prometteurs : les pépites de l'imaginaire. Cette initiative a permis l'année dernière de mettre en avant les romans d'Isabelle Bauthian pour ActuSF (le très bon « Grish-mère »), de Patrick Moran pour Mnémos (« La Crécerelle ») et de Nicolas Texier pour Les Moutons Électriques (le moyen « Opération Sabines »). La sélection 2019 propose quant à elle deux nouveaux auteurs (le roman mis en avant par Les Moutons étant à nouveau signé Nicolas Texier), dont Thibaud Latil-Nicolas pour « Chevauche-brumes ». Outre une couverture particulièrement attrayante, l'oeuvre bénéficie depuis plusieurs semaines de critiques fort élogieuses (et méritées) de la part de la blogosphère : autant d'éléments qui sont venus titiller ma curiosité. le roman met en scène une troupe de soldats aguerris dépêchés après une campagne militaire victorieuse à la frontière nord du royaume. Nulle troupe ennemie en approche pourtant, mais plutôt un phénomène d'ordre surnaturel : la mystérieuse brume noire qui délimitait jusqu'à présent la fin du Bleu-Royaume s'est récemment mise à se mouvoir et, dans son ombre, sont apparues d'horribles créatures qui menacent les habitants. Voilà donc le capitaine de la neuvième compagnie et ses hommes en route pour Crevet, bourgade la plus au nord du royaume et donc principale cible de ces créatures de cauchemar. le pitch n'a en lui-même rien de bien original, mais les partis pris adoptés par l'auteur ainsi que la qualité de sa plume permettent au roman de se démarquer et de prendre une ampleur qu'on ne lui soupçonnait pas.

Pour son premier roman, Thibaud Latil-Nicolas met en scène un univers qui s'inspire pour une fois sans doute davantage de la Renaissance que du Moyen-âge. C'est notamment le cas en ce qui concerne l'armement, car si les combats à l'épée sont toujours d'actualité, nos guerriers n'hésitent également pas à faire parler la poudre. Pièces d'artillerie, haquebutes et pistolets à rouet sont ainsi autant d'armes utilisées par les soldats de la neuvième, ce qui donne à l'auteur (et aux personnages) une marge de manoeuvre supplémentaire lors des scènes de bataille. Cela permet également de renforcer le contraste avec les doryactes, cette unité de femmes guerrières excellant dans le maniement de l'arc et cavalières hors-paires qui évoquent évidemment les fameuses Amazones antiques. Toutes ces images et références permettent à l'auteur d'instaurer une ambiance assez sombre : on est loin de la Renaissance lumineuse où tout ne serait qu'art et jeux de cours, bien au contraire. C'est sale, sanglant, sans fioritures, et c'est cette atmosphère un peu lourde qui donne une grande partie de son charme au roman. La magie y est également présente sous la forme de « sources » (des courants magiques traversant le royaume) que les personnes dotées de pouvoirs sont capables d'exploiter avec plus ou moins de succès. Si les quelques éléments que nous transmet l'auteur à leur sujet permettent au lecteur de se retrouver, on peut toutefois regretter que leur fonctionnement ne soit pas davantage explicité car cela donne parfois l'impression (surtout à la fin) que les magiciens sont un peu capables de tout et n'importe quoi, sans réelle limite. Cela dit, la fin restant très ouverte et laissant supposer la parution d'une suite, cet aspect sera peut-être développé dans le ou les texte(s) qui suivront la sortie de ce roman.

Son décor est toutefois loin d'être le seul atout de « Chevauche-brumes » qui séduit aussi et surtout par la plume et le ton employé par l'auteur. Les soldats de la neuvième ont tous un parler plutôt fleuri, et leurs échanges pleins de gouaille permettent de donner une touche d'humour bienvenue qui vient contraster avec la noirceur du décor. Les répliques bien senties des personnages et leurs expressions pleines de mordants ne sont ainsi pas sans rappeler le ton employé par Jaworski dans « Gagner la guerre » et permettent de donner naissance à un esprit de camaraderie entre les hommes. Cette complicité ne tarde pas à se communiquer au lecteur qui ne peut qu'être sensible la mise en scène de ces amitiés bourrues mais sincères. Les guerriers de la neuvième ne sont pourtant pas des enfants de choeur mais, pour leurs frères d'arme, ils sont capables de faire preuve d'une solidarité et d'un courage qu'on ne soupçonnait parfois pas (l'auteur explique dans une interview s'être beaucoup inspiré de la Première Guerre mondiale et des liens tissés par les soldats dans les tranchées et cet aspect de sa documentation est particulièrement bien utilisé). Alors certes, on ne développe pas le même attachement pour tous les personnages : pour ma part j'ai adoré détester le personnage d'Esquiche-Poussière (dont l'une des répliques finales m'a fait exploser de rire), j'ai été touchée par l'amour de Belon pour ses bêtes, amusée par les beuveries de Cagna, Tirelire et les autres, et émue par l'affection paternelle de Quintaine pour Murtion. Outre celle des dialogues, on peut également saluer la qualité des scènes de combat qui sont souvent portées par un véritable souffle épique. Les batailles ne sont jamais brouillonnes, et certains affrontements ont un côté très cinématographique, au point qu'on se prend à parfois à repenser à des scènes du « Seigneur des anneaux » (la bataille du Gouffre de Helm, bien sûr, mais aussi le siège de Minas Tirith).

Mnémos ne s'est pas trompé en attribuant le qualificatif de « pépite » à « Chevauche-brumes » qui séduit à la fois par son écriture, son cadre non médiéval et ses personnages hauts-en-couleur, unis par une camaraderie communicative. Thibaud Latil-Nicolas s'en sort donc remarquablement bien (surtout pour un premier roman !), et c'est avec attention que je suivrais les prochaines parutions de cet auteur dont j'espère retrouver un jour l'univers et les personnages.
Lien : https://lebibliocosme.fr/201..
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