Dangereusement douce

– Il entre dans une image, la voit dans la réalité et se libère.
– Il se libère même avant, précise Nathalia, il fait un choix. Il change de vie. Il prend une décision. – Et vous, Nathalia, quel choix avez-vous fait ?
– Celui de venir vous voir.

Je vécus cette disparition du plaisir de fumer comme si un pan entier de ma personnalité s'était effondré, impossible à reconstruire. Pire encore, comme si on m’avait amputé d’une jambe ou d’un bras, impossible à regreffer. On m’avait eu. On m’avait volé.

Le passé est toujours réinventé sous un jour meilleur, tamisé aux souvenirs, toutes les impuretés filtrées, il ne reste que quelques pépites que l'on voit plus brillantes qu'elles ne l'étaient.

"—  Pourquoi souriez-vous  ? me dit-elle.
—  Je pense à une phrase de Jung… Elle m’a toujours paru obscure  : le refoulé revient sous forme de destin.
Nathalia tire une bouffée de sa cigarette.
—  Je comprends, je suis votre destin."

"Inutile d’inventer le métavers, il existe déjà, tout se passe à travers un écran  : vos souvenirs sont dans votre dossier «  mes photos  » ou votre Instagram, votre mémoire dans votre cloud, les femmes que vous pouvez rencontrer sont dans une application numérique et un site, il faut leur envoyer un message. «  On tient plus à la vie qu’on n’a pas qu’à celle qu’on a  », a dit il y a longtemps un poète ou un écrivain dont j’ai oublié le nom  –   je dirais que, désormais, on tient plus à sa vie numérique qu’à sa vie tout court."

La relation patient-psy est constitué d’un tandem contre nature : deux êtres qui ne se connaissent pas vont se retrouver dans une pièce et ce qui sera dit dans ce lieu relève du plus intime, du plus enfoui de l’âme, c’est un exercice de haute précision et de confiance totale.

J’ai grandi dans le 7e arrondissement, avec des Charles-Édouard et des Marie-Bérangère. Leurs parents venaient les chercher à la sortie de l’école, les hommes avaient des pantalons framboise et des mocassins à glands, les femmes les cheveux en arrière avec des catogans – parfois même des serre-tête en velours – et des sacs Hermès.

"Comme je ne bois pas, c’est dans l’ivresse de l’ennui que j’ai sombré."

"«  Il faut savoir dévier  », disait Malevinsky  –   mon maître. Dévier de la parole, c’est aller vers l’autre forme de confession  : l’écrit. «  La parole écrite est pensée, donc elle est pensée, qu’elle sorte de la bouche ou du stylographe, elle est existence, le premier corps ne sert que de vecteur au deuxième corps, c’est celui-là qui nous occupe, l’invisible.  » "

"Plus les êtres sont dévoyés, plus ils sont naïfs."