Citations sur Rivage de la colère (212)
Sauvage. Sagouin. Nègre-bois. Voleur. Crétin. Crevard.
Fils de rien.
Chagossien, ça voulait dire tout ça quand j’étais enfant. Notre accent? Différent de celui des Mauriciens. Notre peau? Plus noire que celle des Mauriciens. Notre bourse, vide. Nos maisons, inexistantes.
Méprise-les, oublie-les, me répétait ma mère. Mais comment oublier la honte?
Les musiciens commencèrent à battre les ravanes, doucement, pour se chauffer les poignets. Les corps se rapprochèrent des flammes. Josette et Christian prirent place au milieu du cercle et esquissèrent les premiers roulements de hanches, les bras levés, les poings comme des fleurs qui tombent.
(Chapitre I)
Je me souviens des couleurs.
Le reste, vidé, oublié.
Le soleil descendait dans la mer et la mer n'était plus bleue mais orange.
Le rouge des femmes.
Le noir de la cale. Nos peau tassées.
Le gris cendre d'un chien.
Je me souviens du vert, du beige et du kaki.
Et au milieu de tout ça, les pleurs de ma mère.
Il n'y a pas d'autre paradis que celui dont on vous donne le regret. De même l'enfance qui nous empêche de devenir grands vient à nous manquer le jour où elle s'éloigne.
L'espoir, c'est l'ordinaire tel qu'il devrait toujours être : tourné vers un ailleurs. Pas un but ni un objectif, non, un ailleurs.
On mangeait à notre faim, des choses saines, c'était simple. En plus de notre ration de riz, de sucre, de légumes, on avait droit de temps en temps à des bidons de vin. Le quotidien était paisible, on allait à notre rythme. Ce n'était pas une vie économique.
J'ai hurlé. Ce n'était pas un cri de joie, ni de soulagement, ni de victoire, ni de chagrin, ni de fierté, c'était tout ça à la fois, mêlé, fondu, un sentiment nouveau pour lequel le dictionnaire n'avait pas encore de mot.
La justice ne vient pas des lois ni des États. Elle vient seulement des hommes, parfois.
Tout n'est pas à vendre. On n'achète pas la dignité. On n'achète pas un pays. On n'achète pas l'âme ou la foi. Certaines choses sont sacrées et doivent le rester.
« Tu sais quel est le problème des morts, Gaby ? murmura-t-elle après un silence. C’est qu’ils ne meurent jamais. Leurs fantômes sont plus vivants que toi et moi. »
Chapitre IV