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Critique de berni_29


Bonsoir chers amis, une question comme cela me vient ce soir à l'esprit, au bord du crépuscule, où J'ai vu le soleil bas, taché d'horreurs mystiques : connaissez-vous Rimbaud ?
- Rimbaud ? Bien sûr, quelle question ?
- Certes, mais quel Rimbaud connaissez-vous ?
- Rimbaud, le seul, l'unique, le poète... Arthur Rimbaud !
- Ah oui je vois... Mais je vous parlais de l'autre Rimbaud, son frère, Frédéric, ainé d'un an. L'inconnu.
- ... ?
- Bon je vois. Alors je vais vous en parler car moi non plus je ne connaissais pas le fin mot de cette histoire avant de découvrir cette passionnante biographie romanesque proposée par David le Bailly...
L'autre Rimbaud, c'est justement l'inconnu qui figure à l'âge d'enfant sur une photo au côté de son frère au moment de leur communion. Ils s'appellent Frédéric et Arthur. Un an seulement les sépare. D'ailleurs, peu de choses les sépare encore, ils sont complices sur bien des terrains, à commencer par la peur de leur mère et presque la haine à son égard, l'envie de fuir ensemble son autorité matriarcale, une mère déjà castratrice, mais aussi l'amour des fugues alentours.
Ah ! Cette fameuse photo !... Rien que l'histoire de cette photo, retouchée plusieurs fois par la famille pour qu'elle entre dans le cadre idéal de l'image parfaite, qu'elle corresponde à ce que la famille prône comme valeurs.
L'autre, dès lors, n'existe plus.
" C'est bien vous l'autre Rimbaud ? le frère du poète ? "
Tandis que je descends les fleuves impassibles, je suis entré dans ce livre comme dans une enquête policière. Je savais déjà qu'Arthur Rimbaud avait seulement existé entre l'âge de quatorze et de dix-huit ans en tant que poète, qu'il avait renié plus tard ce parcours d'artiste, lors de son expérience africaine dans son engagement dans les affaires commerciales. Je savais qu'il n'avait publié de son vivant qu'une seule oeuvre, et laquelle ! Une saison en enfer... Sa célébrité en tant que poète vint longtemps après sa mort...
Voilà pour le décor...
Les Fleuves m'ont laissé descendre où je voulais. Je suis entré en terre inconnue lorsqu'il s'est agi de poser le doigt sur l'autre, celui qui reste toujours dans l'ombre, le poids d'un frère ou d'une soeur célèbre, que devient l'autre alors. C'est le propos de David le Bailly, au ton parfois personnel que j'ai trouvé juste, sensible, qui n'enlève rien au génie d'Arthur Rimbaud, j'ai presque envie ici de désigner ce dernier comme l'autre, tant le personnage principal du récit ici n'est peut-être pas l'autre, celui qu'on croit l'autre, celui qui n'était pas l'autre devient peu à peu l'autre sous les mots justes de David le Bailly, enfin vous me suivez toujours j'espère...
Une mère castratrice, une fille qui le devint sous sa coupe, on fait dire ce qu'on veut à un mort, en plus lorsqu'il est célèbre et ne peut plus s'exprimer. On retouche sa statue tant qu'à faire. Arthur Rimbaud, poète maudit, devient pendant quelques années, par la manipulation d'une caste familiale effroyable, presque un saint, un dévot, un monarchiste, un garant de l'ordre et du respect. Certains y ont cru un instant...
La tragédie dans cette histoire est celle d'un homme bafoué, banni, oublié, effacé, au sens propre comme au sens figuré.
Le propos de l'auteur ainsi que sa démarche sont emplis d'humilité, c'est ce qui m'a touché. Pourquoi tant de gens célèbres, Paul Claudel, André Gide, Victor Segalen, plus tard Yves Bonnefoy que j'apprécie tant, ont eu tant de mots pour dire l'idiotie de ce frère qui ne méritait pas de figurer sur la photo.
Certes Frédéric était moins doué qu'Arthur à l'école, certes Frédéric exerça un métier peu considéré au regard de sa mère, domestique, conducteur d'omnibus (entendez là chers amis avec des chevaux !).
Frédéric eut cependant le cran de résister à cette tyrannie familiale...
Alors, il y a quelque chose de sidérant que j'ai découvert dans la mort d'Arthur Rimbaud et de son frère Frédéric... Je n'en dirai pas plus, mais pour ceux qui seraient un peu attentifs aux choses un peu irrationnels et sensibles aux malédictions, cela vaut l'étonnement tout de même...
Dans les clapotements furieux des marées, ce récit est une réhabilitation d'un être effacé à tort, un laissé pour compte, pas forcément l'idiot de famille, plutôt écrasé par un poids énorme, il était une tâche et on voulait l'effacer...
D'ailleurs pendant longtemps Arthur Rimbaud était aussi une tâche dans la façon bien-pensante et conformiste de la famille, jusqu'au jour où, mort, puis devenant célèbre, la famille au travers de cette satanée soeur Isabelle, sentit l'intérêt financier qu'il y avait à réveiller le mort et sut s'en servir au détriment de son frère, qui lui demeura toujours sincère vis-à-vis de lui et des autres, ce fut cette sincérité qui le perdit...
La tempête a béni mes éveils maritimes. J'ai aimé ici cette tirade de Ruy Blas à Don Salluste cité par l'auteur et qui porte le sens du récit : « J'ai l'habit d'un laquais, vous en avez l'âme ! »
Bref ! Au-delà du cas Rimbaud, l'auteur nous propulse dans une véritable réflexion sur le poids de la célébrité et les déflagrations collatérales parfois tragiques. Génial !
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