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Critique de mumuboc


Grâce  à cette biographie de Denise le Dantec, je pars pour Haworth, dans le Yorshire, dans le presbytère où furent élevés les soeurs Bronte, Maria et Elizabeth, Charlotte, Emily et Anne ainsi que Branwell, leur frère, dont j'avais lu il y a quelques temps la biographie écrite par Daphné du Maurier, le monde infernal de Branwell.

Une maison sans confort, froide dont les fenêtres donnant sur le cimetière ne pouvaient occulter les pierres tombales de la famille Brontë et dans laquelle les enfants vivaient repliés sur leurs jeux, leurs études et leur complicité. 

Je connais donc déjà beaucoup d'éléments de la vie de cette famille d'écrivains, mais je voulais en savoir plus sur la personnalité de l'auteure des Hauts de Hurlevent, roman qui avait enflammé mon esprit adolescente et que j'ai relu adulte et dont je garde le souvenir d'un amour puissant, dévastateur mais où se mêlent également quête d'identité, vengeance, violence, désespoir et destruction.

Denise le Dantec retrace la courte vie de cette jeune fille secrète, discrète, silencieuse, limite agoraphobe, éprise de nature entourée de ses animaux, très attachée aux tâches ménagères qui lui permettaient de rester dans le presbytère et de consacrer son temps disponible à la lecture et l'écriture.

Emily conservera toujours le goût des choses simples de la vie, refusant ce qui, à tort ou à raison, lui apparaîtra comme sophistication. (p119)

Et pourtant quelle femme étonnante : dyslexique, enfant précoce, s'enrichissant de tout ce qu'elle entend ou lit, les quatre enfants étant avides d'écouter toutes les histoires, si possibles effrayantes, que les domestiques pouvaient raconter se déroulant dans la lande balayée par le vent.

Les quatre enfants l'écoutaient, un peu effrayés, se cachant parfois les yeux pour ne pas voir se déplacer les grandes ombres animées lancées par les flammes de la cuisinière de fonte le long des murs ou d'autres ombres encore à travers les fenêtres sans rideaux de la maison, parmi les dalles du cimetière parcouru de feux follets. Ils écoutaient la servante jusqu'à ce que le sommeil eût alourdi leurs paupières et que, lasse elle-même, Taby (la servante) entonnât les mélancoliques chansons du pays. (p102)

Admiratrice des écrits de Byron, Shelley et marquée par les deuils successifs de sa mère qu'elle perd à 3 ans, puis de ses deux soeurs, Maria et Elizabeth, mortes de tuberculose et sûrement des difficiles conditions de vie dans le pensionnat où leur père, Patrick, les avait envoyées, Emily assista également à la longue et lente déchéance de son frère Branwell.

On comprend toujours mieux la genèse d'une oeuvre romanesque quand on se penche sur la vie de son auteur. Il est fascinant de découvrir tous ces petits événements qui ont concouru à sa création, les décors, les rencontres. Quelle imagination féconde pour cette jeune femme qui vivait presque en recluse au sein de cette famille où régnait une forte complicité entre les enfants, tous animés par le même amour de la littérature, de l'écriture et de la création.

Emily rêve de créer un univers qui soit sien et dont elle saint qu'il sera "une contrée  nordique aux landes couvertes de brouillard et de rosée" : Gondal. (p110)

J'ai trouvé cette biographie très agréable dans sa lecture, même si j'ai parfois ressenti des répétitions (insistantes et inutiles) sur la santé des différents membres ( sur la perte de la vue par son père par exemple). Denise le Dantec mêle biographie et roman en imaginant certains dialogues et l'influence qu'auront eu certains événements ou rencontres. Les notes en début de chaque chapitre me semblent inutiles, j'ai préféré les ignorer et découvrir par moi-même les événements relatés.

On se transpose dans le quotidien de cette famille où l'instruction et la culture étaient les priorités du père, poussant ses enfants, garçon et filles (même si Branwell fit l'objet d'une préférence de la part du révérend), on assiste aux joutes littéraires qui existaient entre les différents membres qui permirent à chacun d'écrire des références de la littérature anglaise, dans des styles différents, en particulier pour Charlotte avec Jane Eyre, Anne avec Agnes Grey et bien sûr les Hauts de Hurlevent pour Emily.

Denise le Dantec attire l'attente sur les rapprochements entre les différents membres de la famille mais aussi les affrontements, les distances parfois prises, à différentes époques en particulier entre Charlotte, assez dominatrice et Emily, rebelle :

Comme se plaisait à dire Branwell, si Charlotte représentait le jour, Emily était la nuit. D'où pouvait venir une telle antipathie entre elles ? Emily se le demandait souvent. Elle avait le sentiment que Charlotte en voulait à son corps, comme si leurs "jeux" d'autrefois avaient laissé sur elle des traces irréparables. Tel était l'amer constat d'Emily, et l'hostilité qu'elle ressentait à l'égard de Charlotte se manifestait par une angoisse dont elle ne savait comment se libérer. (p139)

La biographe a dressé le portrait d'Emily, avec les documents en sa possession, et de son univers de cette auteure dont il ne subsiste que peu d'écrits, témoignages, mais pour ma part j'ai pris plaisir à soulever le voile sur cette femme mystérieuse, qui n'a pas connu le succès à la sortie de son unique roman, paru un an avant sa mort et qui reste une référence dans la littérature anglaise.

Le péché, pour Emily Brontë, n'est pas une faute morale : c'est dans la démesure que l'être peut se connaître, car la déchéance contient une splendeur cachée. (p257)

Elle qui ne connut jamais, semble-t-il, l'amour, devait avoir une imagination et un univers romanesque immenses pour écrire une des plus belles histoires d'amour : celle de Cathy et Heathcliff.

Mes grandes souffrances en ce monde ont été les souffrances de Heathcliff, je les ai toutes observées et ressenties dès le début : ma grande pensée dans la vie, c'est lui-même. Si tout le reste périssait et qu'il demeurât, lui, je continuerais d'être, moi aussi, et si tout le reste demeurait et que lui fût anéanti, l'univers me deviendrait terriblement étranger : je ne semblerais plus en faire partie. Mon amour pour Heathcliff ressemble aux rocs éternels du sous-sol : source de peu de joie visible, mais nécessaires.... Je suis Heathcliff. (p160)

Merci aux Editions de l'Archipel et Babelio Masse Critique pour cette lecture
Lien : https://mumudanslebocage.wor..
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