« Ceux qui s’affrontèrent à Verdun représentaient une véritable élite. Comme de l’acier trempé juste le temps qu’il fallait, ils étaient durs, tendus, mais pas encore cassants », a prétendu l’historien Alistair Horne. Il avait tort. Il reprenait à son compte la littérature héroïque de l’arrière, celle qui sublimait l’horreur et taillait dans la boue des statues de marbre impavides. Il croyait rendre hommage aux combattants, mais en réalité il les déshumanisait.
Or, les défenseurs de Verdun, les seuls et vrais vainqueurs, ces poilus crottés que l’on vantait mais que l’on ne voulait pas recevoir à déjeuner dans les beaux établissements de Bar-le-Duc parce qu’ils étaient si sales, étaient simplement des hommes. Ils ne demandaient pas à devenir des légendes. Ils voulaient vivre, attendaient la paix, rêvaient d’embrasser leurs femmes, leurs enfants, leurs parents. Ils ne vibraient pas au chant de gloire pour leur calvaire ni au Te Deum flamboyant pour leur agonie solitaire, tout au contraire. Ils n’en sont pas moins admirables, ils le sont plus encore.
Pourtant, d'un côté comme de l'autre, tout le monde croit à la décision pour 1917.
Et c’est ainsi qu’une opération secondaire pour le GQG, mineure pour les Allemands, plus morale que militaire, ou préliminaire d’une action plus ambitieuse qui compte sur la nervosité de l’adversaire, s’est transformée en un affrontement implacable de trois cents jours et trois cents nuits qui allait symboliser à lui seul toute la guerre.
En 1916, on pense donc à la paix tout en faisant la guerre, tandis que d'autres songent à la guerre tout en défendant la paix, et chacun d'hésiter entre la détermination et le compromis... comme s'il était encore possible de choisir. (p317)