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EAN : 9782262033903
280 pages
Perrin (17/02/2011)
3.98/5   32 notes
Résumé :
Ils ne sont pas morts et pourtant ils ne sont jamais rentrés du Front où la Grande Guerre les avait envoyés. Le baptême du feu, l’horreur, la tragédie, ils n’ont pas tenu et sont devenus fous ou paralysés. Jean-Yves Le Naour revient sur l’histoire méconnue de ces soldats qu’on estime aujourd’hui au moins à 100.000… Un livre émouvant qui a touché le grand public et reçu le prix du grand livre d'histoire 2011.

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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
La première guerre a-t-elle favorisé des progrès en psychiatrie, comme cela a été le cas en chirurgie réparatrice ? On estime pourtant à 100 000, les soldats français restés hagards à vie, hurlant sans raison apparente, pliés en deux et incapables de se relever.
On prenait leurs symptômes si singuliers pour une invention, une hystérie masculine ou une simulation pour ne pas retourner au front.
Ils étaient les trembleurs, les paralysés, les sourds, les muets, les aveugles, les hystériques, les plicaturés, les neurasthéniques, les apathiques, les hallucinés…
“De ces héros-là, on en avait honte. S'il était difficile de soutenir le regard des “gueules cassées”, au moins le pays s'inclinait devant eux, mais les fous, les hystériques, les déments, il fallait les cacher, les dissimuler parce qu'ils renvoyaient une image terrible de la guerre en complète contradiction avec les lauriers de l'héroïsme dont la société d'après guerre couvrait les poilus et les anciens combattants.”

Jean-Yves le Naour analyse en historien comment la médecine a servi la politique favorable à la guerre.
Car il fallait bien soigner ces blessés sans blessures. Deux méthodes se sont opposées : la méthode douce à base de repos, de balnéothérapie, d'héliothérapie, de massages et de nourriture abondante ou la méthode “brusquée” consistant en un traitement électrique plus ou moins agressif.
Les tenants de la seconde méthode prônaient que la souffrance par l'électricité était plus prompte à renvoyer les soldats au front.
La fin était juste, alors qu'importaient les moyens, “qu'importait la douleur momentanée de quelques malades de la volonté ?”

L'historien montre que la psychanalyse émergeante n'a pas été prise en compte car elle était “austro-boche” et ne pouvait être acceptée à ce titre comme méthode car “la haine nationaliste était trop forte pour que la communauté médicale française puisse s'ouvrir au vent nouveau qui soufflait d'Autriche.”

“Non, la guerre n'a pas seulement meurtri et lacéré les chairs, elle a entaillé les âmes, elle a rendu fou. Dire cela, évoquer la figure des aliénés que l'on a toujours dissimulés, par honte et par désespoir, ce n'est pas offenser les poilus mais ramener les héros à leur dimension humaine, de chair et de sang. Les héros étaient des hommes, rien que des hommes et ce qu'ils ont vécu allaient au-delà de l'inhumanité.”

Il faudra attendre la guerre du Viêt Nam pour que l'on reconnaisse la survenance de troubles du stress post-traumatique.
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Ce livre parle de la prise en charge des soldats français traumatisés psychologiquement pendant la Première Guerre mondiale. C'est un livre très émouvant et très poignant.

Parce que c'étaient des soldats sans blessures physiques, sans blessures apparentes, ils étaient incompris et soupçonnés d'être des simulateurs. Parce que c'était la guerre et qu'il fallait renvoyer le plus rapidement possible les hommes sur le front, on les torturait en pensant les guérir ou pour les obliger à arrêter leur cinéma.

Le raisonnement par l'absurde. Ne t'inquiètes pas, la guerre t'a traumatisé ? Un bon traitement à l'électricité, et hop, on te renvoie au front. Rien de tel qu'une bonne torture morale et physique pour retaper un homme. Si la guerre ne vous avait pas complètement détruit psychologiquement, les médecins censés vous soigner vous achevaient psychologiquement.

C'est certain qu'il se pose la question des soldats qui tiennent comme ils peuvent au front, qui sont épuisés et qui auraient bien besoin d'être relevés. Je comprends très bien qu'en temps de guerre on ne puisse pas faire trop d'états d'âme et qu'on ne puisse pas sortir des tranchées en réclamant une pause le pouce en l'air. La guerre est une chose horrible et compliquée, mais quoi qu'il en soit la terreur n'a jamais guéri de la terreur.

Ce livre est choquant, hallucinant même, mais malheureusement ce n'est qu'un témoignage de plus sur toutes les atrocités qui ont lieu depuis que les guerres existent. Comme il est écrit dans le livre  « En rapportant qu'un Athénien fut subitement frappé de cécité en pleine bataille de Marathon, Hérodote est le premier à se faire l'écho d'une névrose traumatique du combattant. » Je n'ose même pas imaginer comment ces « lâches », comment ces « demi-portions » devaient être traités et considérés. Car comme il est écrit dans ce livre, encore en 14-18, un homme, un vrai, ne pouvait pas être hystérique, l'hystérie était réservée au femme. Un homme viril, un vrai, un poilu, ne peut pas être une « femmelette ».

Parfois je me dis, mais pourquoi tu lis des choses pareilles ? Mais c'est plus fort que moi, j'ai besoin de savoir, et quelque part c'est leur rendre hommage que de s'intéresser à ce qu'ils ont subi.

Avec tout ce qui se passe dans le monde, j'estime être un privilégié sur cette terre. Je suis persuadé qu'en 14-18 j'aurais été un soldat de la honte et je n'ai pas honte de le dire. Je prie pour que jamais cela ne m'arrive.

Qui peut supporter une horreur pareille. ? Qui peut endurer ça ? Dans le livre il est écrit « Ces quatre ans d'horreur, l'écrivain Maurice Genevoix les a résumés par cette formule : « Ce que nous avons fait, c'est plus que l'on pouvait demander à des hommes et nous l'avons fait. » »

Alors honte de quoi ? Que peut-on leur reprocher ? D'être humains ? On leur a fait vivre des choses qu'un homme ne peut pas humainement et psychologiquement supporter.

Puisque ces pauvres soldats passent pour des simulateurs, vous aurez même droit à un passage du « Malade imaginaire » de Molière. Passage qui, en passant, apporte une petite bouffée d'oxygène très appréciable dans ce livre.

Pour finir, je dirais que le titre de ce livre peut être interprété de deux manières différentes. C'est la réflexion que l'on se fait tout le long de cette lecture. On les appelait les soldats de la honte. Mais qui devait avoir honte ? Les soldats ou leurs bourreaux ? Les soldats ou bien ceux qui, restés bien au chaud à l'arrière, les faisaient culpabiliser et les torturaient physiquement et psychologiquement ?

Oui, le titre de ce livre peut être interprété de deux manières différentes. Les soldats de la honte parce qu'ils ne sont pas capables de défendre le pays ? Parce que ce sont des lâches ? Des fragiles ? Des moitiés d'hommes ?  Parce qu'ils ne peuvent pas supporter l'insupportable ? Ou bien alors les soldats de la honte du système dont ils sont victimes. de quelle honte parle-t-on au juste ? Qui porte réellement cette honte ? Et en fin de compte, qui sont les hommes de la honte ? Et c'est bien cette deuxième interprétation que je retiendrai.

 

 

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Les soldats de la honte? Ou bien les praticiens de la honte? Enquête édifiante sur une médecine hasardeuse, à l'image de son temps, d'une indescriptible cruauté. Mais, après tout, moralement, quelle distingo entre le médecin qui veut à toute force renvoyer le "psychotique" vers le front, l'officier supérieur qui ordonne l'assaut inutile, le mobilisateur qui arrache la vie des villes et campagnes?
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L'ouvrage revient sur un aspect peu connu de la Grande Guerre, les troubles post traumatique liés au conflit.
L'auteur nous apprend comment les maux des poilus était perçus et compris par les médecins de l'époque dont l'objectif premier était de renvoyer de la chair à canon sur le front.
Il ne s'agit pas là de récits détaillés sur l'expérience de tel ou tel soldat, mais de l'évolution de la compréhension et du traitement des malades par les médecins. Un patriotisme acharné prévalant souvent sur l'étique.

Je conseille cette lecture aux amateurs de la période qui en découvriront un nouvel aspect.

Bonne lecture!
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Encore une facette terrible de cette grande guerre; une facette horrible, injustifiable : qui peut être assez insensé pour infliger de nouvelles tortures à des hommes qui avaient enduré de telles souffrances qu'ils en étaient devenus meurtris à vie dans leur esprit, en plus des stigmates que portait leur corps ? La guerre est cruelle, souvent injuste, provoquée par des puissants et subies par des innocents, et là on atteint une nouvelle dimension dans l'insoutenable. Pourquoi faut-il que l'Humain soit aussi sauvage ? Je me suis lancée dans une lecture ( voire relecture) d'ouvrages ayant pour sujet la 1ère guerre mondiale... J'espère n'y pas laisser ce qui me reste de foi en l'Homme.C'est pas gagné si je continue à croiser de tels écrits!
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Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
« Au soldat des tranchées qui venait à moi avec un pied gelé me demandant à être évacué, je répondais : Non, je n’évacue pas pour si peu de chose. Ici il faut avoir les deux pieds gelés pour être évacué. Aux hommes de mon secteur qui venaient à moi souffrant d’une entérite aiguë, affaiblis, délabrés, et qui pour ne pas crever sur place demandaient à être évacués, je répondais : Non. Ici l’on n’évacue que lorsqu’on fait du sang. » 
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Avec les muets, Babinski procède de la même façon, électrisant le fond de leur gorge, une opération peu agréable qui leur fait pousser quelques plaintes. Ils s’aperçoivent alors qu’ils peuvent parler et quittent bientôt leur état pithiatique. Voilà des malades faciles à soigner pour Georges Dumas qui passe systématiquement les muets à l’électricité. Après qu’il a poussé un « Ah ! », cri de douleur et de surprise », le sujet est invité à prononcer les autres voyelles, puis des mots et enfin des phrases. Au besoin, le médecin appuie ses ordres avec force : « Tu viens de dire : Ah ! Dis : E, tu le peux. Allons, dépêche-toi, tu ne fais pas ce que tu peux. Dis : I, nom de D… ! »
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Surtout, que les bonnes âmes ne viennent pas s’émouvoir et faire la leçon aux spécialistes qui savent ce qu’ils font. […] Et puis, l’heure n’est pas à la faiblesse. Patrie oblige, en France comme ailleurs. […] ; quant à l’Allemand Fritz Kaufmann, ses méthodes « persuasives » sont si douloureuses que plusieurs de ses patients préféreront se suicider plutôt que de subir à nouveau une séance d’électrochocs. Quand l’objectif patriotique prend le pas sur l’éthique, l’efficacité sur l’humanité, alors il n’y a rien d’étonnant à ce que les médecins se comportent comme des bourreaux en blouses blanches. 
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Il faut bien venir en aide aux malheureux poilus et soigner les malades du mieux que l'on peut. Deux méthodes s'imposent alors qui reflètent l'ambiguïté du corps médical face à la guerre, entre secours à l'humanité en souffrance et exigence patriotique de la guérison la plus prompte pour renvoyer des soldats au front. Au service des hommes, les spécialistes préconisent la méthode douce, le repos, la balnéothérapie, l'héliotherapie, les massages, la nourriture abondante. Au service de la patrie, ne voyant dans les malades que des soldats défaillants que l'on doit rapidement remettre sur pied au nom de la défense nationale, ils utilisent des méthodes dites «brusquées», consistant essentiellement en traitement électrique plus ou moins agressif. La douleur, pour ne pas dire la torture électrique, devient alors un élément thérapeutique de premier ordre qui, en faisant mal au patient, l'amène à quitter son état hystérique, sorte de nid douillet où le soldat s'est réfugié pour quitter la réalité trop déprimante des tranchées. Le médecin aide-major André Gilles, qui l'emploie sur ses malades, ne voit pas le problème et nie même la question de la douleur: «Pour pénible qu'elle soit, elle est très supportable» Ceux qui oseraient refuser un tel traitement que l'on baptise du doux nom de «torpillage» sont aussitôt perçus comme des suspects, du gibier de conseil de guerre...
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C’est un cimetière oublié. Près de 900 tombes à moitié écroulées sur elles-mêmes, souvent anonymes, avec, au milieu, un carré militaire et une simple plaque : « Les anciens combattants de la Gironde à leurs camarades mutilés du cerveau. » Un journaliste de L’Humanité qui, en 2005, parcourt les allées du cimetière des fous de Cadillac, remarque avec écœurement que des mâchoires, des fémurs et des éclats de crâne se mêlent au gravier et aux herbes folles. Voilà ce qui reste de ces poilus qui ne sont pas morts au front. Ce sont des morts oubliés dont personne ne se soucie. Annexé à l’asile psychiatrique de Cadillac, ce cimetière en jachère témoigne du peu de cas que l’on a fait des « blessés nerveux » et autres commotionnés de la Grande Guerre qui n’ont jamais eu droit à la reconnaissance publique parce qu’ils n’étaient pas tout à fait des blessés comme les autres.  « Honneur aux poilus, ils nous ont fait cette victoire », avait lancé Clemenceau du haut de la tribune parlementaire, le 11 novembre 1918, mais ces psycho-névrosés, avec leurs yeux hallucinés, leurs délires, leurs cauchemars et leurs cris terrifiants, ces blessés sans blessures, personne ne voulait les voir. De ces héros-là, on en avait honte. S’il était difficile de soutenir le regard des « gueules cassées », au moins le pays s’inclinait devant eux, mais les fous, les hystériques, les déments, il fallait les cacher, les dissimuler parce qu’ils renvoyaient une image terrible de la guerre en complète contradiction avec les lauriers de l’héroïsme dont la société d’après-guerre couvrait les poilus et les anciens combattants. La guerre, pourtant, il faut avoir le courage de la regarder dans les yeux.  
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