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Critique de Aquilon62


Le postulat de cette collection "Le roman d'un chef-d'oeuvre" selon Henry Dougier est que :
- Certains tableaux ont cette étonnante capacité de nous réenchanter, corps et âme, de mobiliser notre mémoire, notre imaginaire, nos émotions. Mais comment sont-ils nés ? Dans quelles circonstances et à quel moment de la vie de l'artiste ? ;
- Chaque auteur de cette collection raconte la véritable saga d'un tableau en le mettant en scène à l'époque et dans le lieu où il a vu le jour ;
- Ces fragments de notre patrimoine universel sont une source inépuisable d'émerveillement et d'empathie.
Et que face aux violences du monde, à nos peurs, à nos tentations de repli sur soi, la voix des artistes réconcilie, réveille et rassemble. Résonne alors en nous cette quête éperdue du beau. La beauté. Simplement.

Et bien c'est encore le cas avec le volume de cette collection consacré à Caravage et un tableau charnière dans son oeuvre La Mort de la Vierge.
Ouvrage que j'attendais avec encore plus d'impatience depuis un récent séjour à Rome, pendant lequel j'ai suivi "l'itinéraire Caravage" de Dominique Fernandez dans "Le piéton de Rome"

Alain le Ninèze, nous emmène avec Francesco "Cecco" Buoneri, plus connu sous le nom de Cecco de Caravaggio, qui fut l'assistant le modèle et l'ami de Caravage, "à un moment où la vie du peintre bascule dans une "course à l'abîme" titre donné à Dominique Fernandez à sa magnifique et somptueuse biographie romancée.

Ce tableau est une commande passée à Caravage en 1601 pour orner la chapelle de Laërte Cherubini, dans l'église Santa Maria della Scala in Trastevere à Rome.
Les moines souhaitent une représentation de l'épisode de la Mort de la Vierge ou plutôt une dormition. Mais une fois terminé, le tableau est refusé par les moines qui se tourneront vers le peintre Carlo Saraceni pour une nouvelle la Mort de la Vierge plus "académique".

Les moines auraient motivé leur refus du fait du "non-respect" de l'iconographie traditionnelle de ce sujet.
En effet le Maître, se serait inspiré, pour représenter Marie, d'une prostituée qui avait été sa maîtresse et qui se serait noyée dans le Tibre.
Représentée comme une femme du peuple, Marie a un visage d'une telle blancheur qui révèle sa mort, son corsage légèrement dénoué comme un ultime appel d'air mais vain, sa main gauche pend sans grâce dans le vide, tandis que l'autre repose sur son ventre gonflé.
Ses pieds sont nus et sales comme souvent chez Caravage (comme par exemple dans la crucifixion De Saint-Pierre à Santa Maria del Popolo) .
Les objets ont aussi leur importance comme la couverture marron qui évoque le froid mortel, la bassine au premier plan comme pour signifier toute absence d'aspect divin et que le corps de la Vierge subira la toilette mortuaire, et enfin le rideau présent comme un obstacle à l'Assomption.
Marie comme une simple humaine... Et ancrant le tableau dans une réalité, tout sauf sacrée.

Avant que Caravage ne propose cette version du récit de la mort de la Vierge, il était d'usage de figurer ses derniers moments sur terre au travers d'une assomption ou d'une dormition.
Les peintres la représentaient donc soit bien vivante dans une éclatante assomption la conduisant au ciel par des anges, soit comme paisiblement endormie.
Quoiqu'il en soit il fallait bannir les traces ou les marques de la mort. Caravage s'affranchit de ces codes en introduisant une dimension profane à cette scène sacrée. 

De plus il fallait que dans ces représentations classiques soient présentes des personnalités bibliques.
La version de Caravage n'y déroge pas : en effet, Jean est bien présent sous les traits du fils de la maison, en pleurs, au chevet de la mère mourante, un autre apôtre se morfond de chagrin, un troisième a le souffle coupé, tandis que d'autres préfèrent détourner les yeux de cette scène. Au premier plan, une jeune femme semble faire la toilette mortuaire de la Vierge, comme le relate Jacques de Voragine dans "La Légende Dorée".

En résumé, dans la vie de Caravage, il y aura un avant et un après, mais ça c'est une autre histoire, d'autres histoires, d'autres tableaux... D'autres histoires de tableaux...

Le dernier mot de ma critique reviendra à Cecco :
"je suis toujours surpris de la vitesse à laquelle il travaille. Pas d'esquisse préparatoire, il dessine en passant directement les couleurs sur la toile. Jamais non plus de repentir. L'oeuvre naît sous son pinceau comme par miracle, telle qu'elle sera pour les années et les siècles futurs."
Et j'ajouterai pour notre émerveillement
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