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Critique de kuroineko


Livre lu dans le cadre de l'opération Masse Critique de janvier 2019. Un grand merci à Babelio et aux éditions JCLattès pour leur envoi.

Si l'on se fondait uniquement sur le titre et sur l'illustration en couverture, on pourrait croire qu'il s'agit d'une histoire sentimentale dans les milieux ouvriers de la fin du XIXème siècle. Didier le Pêcheur se charge de rectifier les choses dès les premières pages. Certes, l'intrigue se situe bien dans le Paris, à la charnière du siècle. Mais on est ici plus proche du naturalisme de Zola que du roman à l'eau de rose.
Comme son illustre prédécesseur, l'auteur dépeint avec brio le Paris du petit peuple, celui des cafetiers et des catins, des policiers de terrain et des marlous.
Les anarchistes, Ravachol en tête, mettent la capitale en émoi par des attentats à la bombe. Dans le même temps se font de plus en plus remarquer les apaches des quartiers est et nord, sortes de gangs avec ses codes et son honneur, ses batailles rangées et sa haine des "pandores". Souvent très jeunes - on y entre en "apprentissage" comme aujourd'hui à la maternelle, ou peu s'en faut, ils vivent contre les standards de la société, refusant la misère ouvrière ou le mariage avec grossesses à la chaîne pour les femmes. Milieu interlope où l'on vit sans penser au lendemain, où les jeunes filles et femmes n'hésitent pas à enchaîner les passes pour rapporter l'argent à l'homme qu'elles ont dans la peau. Chaque jour peut être le dernier, à cause d'une rixe pour un territoire, une femme, un regard de travers, à cause d'une descente de police, d'un client violent, de la phtisie et tellement d'autres dangers.

Dans ce cadre impeccablement retracé, on suit deux personnages en particulier qui vont se croiser et se recroiser. Il y a d'abord Zélie Élie, inspirée de la véritable Amélie Élie qui inspira le rôle flamboyant de Casque d'Or tenu par Simone Signoret. Didier le Pêcheur dresse un portrait incroyablement saisissant d'une fille d'ouvrier se refusant à la destinée miséreuse de l'atelier. Elle veut plus. N'ayant rien d'autres qu'elle-même, c'est par le trottoir et le désir des hommes qu'elle compte s'en sortir.
Et puis il y a Jules Lhérot, jeune cafetier innocent et naïf qui se retrouve sous les lumières pour avoir permis l'arrestation du fameux Ravachol. Menacé par les anarchistes, il s'engage dans la police avec des envies de revanche et de grands idéaux de justice. La réalité va se montrer à lui dans toute sa fange et sa noirceur. Deux options s'ouvrent à lui: sombrer ou s'endurcir. Son choix est fait. Pas question de tomber.

Deux personnages forts et bien incarnés qu'on voit avancer et évoluer avec grand intérêt et beaucoup de compassion. Autour d'eux gravitent d'autres protagonistes marquants, comme Émile Reynaud, commissaire aux idées bienveillantes et à l'âme de poète, inspiré du commissaire Ernest Reynaud; ou encore Milo, chef d'une bande apache, taiseux et charismatique.

J'ai pris beaucoup de plaisir dans cette lecture. le cadre contextuel m'a paru très bien campé et passionnant à découvrir. L'argot des guinguettes et du peuple des rues contribue beaucoup à la vraisemblance du récit. L'auteur donne en fin de volume quelques sources bibliographiques qui pourront me permettre d'en apprendre un peu plus sur le Paris de cette époque.
J'ai aimé suivre le parcours de Zélie et de Jules, malgré les épreuves et les champs d'amertume à traverser. Didier le Pêcheur donne à lire, avec Un bref désir d'éternité, une belle reconstitution socio-historique d'une période charnière et le destin de figures remarquables. A vous relire dès que possible, Monsieur le Pêcheur.
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