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Critique de donaldguertin


Ouf! 175 pages sans chapitre, sans section, sans titre et sous-titre; juste, une enfilade de paragraphes. Ouf!, car à la fin de l'essai, j'avais la nette impression d'avoir dans les mains des feuilles de papier froissées les unes aux autres et, tout au cours de la lecture, en dépliant chaque feuille, je découvrais la complexité des relations humaines, particulièrement quand des personnages s'abandonnent à leurs imaginaires perturbés ou « toxique ». Lorsque l'auteur en découd avec ses personnages et l'arrière-pays de son existence émerge la création littéraire, en voici un bel exemple. Dans ce récit intimiste, Linda Lê guide le lecteur dans le labyrinthe de l'écriture, c'est la grêle des gestes et des mots qui jouxtent l'acte humain d'exister.

L. a subi une rupture d'anévrisme, mais a échappé à la mort. Dans une démarche de rétroaction sur un passé récent, L., qui a publié récemment un essai sur des « amantes inouïes », Taos, Karin et Camille, retrace les ficelles de sa raison et de ses relations. Un hymne, un hommage à l'écriture littéraire et à l'art, à ce qui les alimente, à ceux et celles qui jettent les fruits de leur imaginaire pour les partager avec des invisibles. C'est le cas de la relation de L. avec Roman, un de ses lecteurs, qui lui écrit de façon soutenue. Ils entretiennent d'abord une relation épistolaire qui, au cours des mois, devient presque « toxique ». La relation entre L. et Roman est platonique; pour ce faire, il faut saisir et comprendre ce qui meut et anime l'autre; c'est le plaisir des mots qui pénètrent le sens du réel, et le dévoilent. À travers la quête des liens qui ont uni des amantes « inouïes » à leur amant, dont Camille C. à Rodin, Karin P. à Valéry, Taos A. à Giono, L. fait l'autopsie de ces relations « inouïes » afin, non pas de juger ce qu'elles furent, mais de comprendre ce qui les alimentaient. Parallèlement, le récit est aussi l'autopsie de l'attachement de L. à Roman, maniaco-dépressif et un traumatisé; il fait régulièrement des séjours en institution psychiatrique, un être « marqué par la déglingue » selon B., le conjoint de L. B. veut la protéger contre l'envahissement de Roman et tout ce qu'il représente au regard de son arrière-pays mental, « le frère jumeau qui habite son imaginaire ». Roman était devenu, dès les premières lettres, « un correspondant dont elle guettait avec impatience les confidences » (125). B., s'inquiète de la relation que L. entretient avec ce personnage presque imaginaire. En rétroaction, il craint que L. entretienne les phantasmes du frère mort jeune, qu'elle projette chez Roman, jeune littéraire cartésien. Malgré elle, L. se retrouve tirailler entre son conjoint B., un artiste, et Roman avec qui elle s'investit.

Un texte dans lequel il faut s'abandonner sans trop raisonner; il faut éliminer les filtres. Il faut capter les mots comme des censeurs d'un sens en construction, d'un processus en devenir, celui de la créativité puisée dans l'imaginaire de l'auteure. Bravo!
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