Citations sur Poèmes antiques (35)
HYPATIE . (pêle-mêle)
Au déclin des grandeurs qui dominent la terre
Quand les cultes divins, sous les siècles ployés
Reprenant de l'oubli le sentier volontaire
Regardent s'écrouler leurs autels foudroyés;
Pour un destin meilleur qu'un autre siècle naisse
Et d'un monde épuisé s'éloigne sans remords
Fidèle au songe heureux ou fleurit sa jeunesse
Il entend tressaillir la poussière des morts;
Mais le siècle emportait ces âmes insoumises
qu'un lien trop fragile enchainait à tes pas,
Et tu les voyais fuir vers les terres promises
Mais toi qui savait tout, tu ne les suivis pas !
DIES IRAE. (extrait) :
Consolez nous enfin des espérances vaines,
La route infructueuse a blessé nos pieds nus,
Du sommet des grands caps, loin des rumeurs humaines,
O vents ! emportez nous vers les dieux inconnus !
Mais si rien ne répond dans l'immense étendue,
Que le stérile écho de l'éternel désir,
Adieu, déserts, ou l'âme ouvre une aile éperdue !
Adieu, songe sublime, impossible à saisir !
Et toi, divine Mort, ou tout rentre et s'efface,
Accueille tes enfants dans ton sein étoilé,
Affranchis nous du temps, du nombre et de l'espace,
Et rends nous le repos que la vie a troublé !
"ni les soupirs secrets, ni l'attente incertaine et ses pleurs indiscrets, ni les baisers promis, ni les voix de syrène, n'ont troublé de mon coeur la profondeur sereine."
Ainsi, divin Orphée, ô chanteur inspiré,
Tu déroules ton cœur sur un mode sacré.
Comme un écroulement de foudres rugissantes,
La colère descend de tes lèvres puissantes ;
Puis le calme succède à l’orage du ciel ;
Un chant majestueux, qu’on dirait éternel
Enveloppe la lyre entre tes bras vibrante ;
Et l’oreille, attachée à cette âme mourante,
Poursuit dans un écho décroissant et perdu
Le chant qui n’étant plus est toujours entendu.
(Khirôn)
Mais le festin s’achève, et sur sa large main
Le Centaure pensif pose un front surhumain.
Un long rêve surgit dans son âme profonde.
Son oeil semble chercher un invisible monde ;
Son oreille, attentive aux bruits qui ne sont plus,
Entend passer l’essaim des siècles révolus :
Il s’enflamme aux reflets de leur antique gloire,
Comme au vivant soleil luit une tombe noire !
Tels qu’un écho lointain qui meurt au fond des bois,
Des sons interrompus expirent dans sa voix,
Et de son cœur troublé l’élan involontaire
Fait qu’il frappe soudain des quatre pieds la terre.
Comme pour embrasser des êtres bien aimés,
Il ouvre à son insu des bras accoutumés ;
Il remonte les temps, il s’écrie, il appelle,
Et sur son front la joie à la douleur se mêle.
Enfin sa voix résonne et s’exhale en ces mots,
Comme le vent sonore émeut les noirs rameaux :
Le Destin sait, voit, juge ! Et tous lui sont soumis,
Et jamais il ne tient que ce qu'il a promis.
Sagesse et passions, vertus, vices des hommes,
Désirs, haines, amours, maux et félicité,
Tout rugit et chanta dans son cœur agité :
Il ne dit plus : Je suis! mais il pensa : Nous sommes!
Adieu. Je vais rentrer dans l'éternel silence,
Comme une goutte d'eau dans l'Océan immense.
Les étoiles mortelles.
Un soir d'été, dans l'air harmonieux et doux,
Dorait les épaisses ramures ;
Et vous alliez, les doigts rougis du sang des mûres,
Le long des frênes et des houx.
O rêveurs innocents, fiers de vos premiers songes,
Coeurs d'or rendant le même son,
Vous écoutiez en vous la divine chanson
Que la vie emplit de mensonges.
Ravis, la joue en fleur, l'oeil brillant, les pieds nus,
Parmi les bruyères mouillées
Vous alliez, sous l'arome attiédi des feuillées,
Vers les paradis inconnus.
Et de riches lueurs, comme des bandelettes,
Palpitaient sur le brouillard bleu,
Et le souffle du soir berçait leurs bouts en feu
Dans l'arbre aux masses violettes.
Puis, en un vol muet, sous les bois recueillis,
Insensiblement la nuit douce
Enveloppa, vêtus de leur gaine de mousse,
Les chênes au fond des taillis.
Hormis cette rumeur confuse et familière
Qui monte de l'herbe et de l'eau,
Tout s'endormit, le vent, le feuillage, l'oiseau,
Le ciel, le vallon, la clairière.
Dans le calme des bois, comme un collier divin
Qui se rompt, les étoiles blanches,
Du faîte de l'azur, entre les lourdes branches,
Glissaient, fluides et sans fin.
Un étang solitaire, en sa nappe profonde
Et noire, amoncelait sans bruit
Ce trésor ruisselant des perles de la nuit
Qui se posaient, claires, sous l'onde.
Mais un souffle furtif, troublant ces feux épars
Dans leur ondulation lente,
Fit pétiller comme une averse étincelante
Autour des sombres nénuphars.
Chaque jet s'épandit en courbes radieuses,
Dont les orbes multipliés
Allumaient dans les joncs d'un cercle d'or liés
Des prunelles mystérieuses.
Le désir vous plongea dans l'abîme enchanté
Vers ces yeux pleins de douces flammes ;
Et le bois entendit les ailes de vos âmes
Frémir au ciel des nuits d'été !
Nox.
Sur la pente des monts les brises apaisées
Inclinent au sommeil les arbres onduleux ;
L'oiseau silencieux s'endort dans les rosées,
Et l'étoile a doré l'écume des flots bleus.
Au contour des ravins, sur les hauteurs sauvages,
Une molle vapeur efface les chemins ;
La lune tristement baigne les noirs feuillages ;
L'oreille n'entend plus les murmures humains.
Mais sur le sable au loin chante la Mer divine,
Et des hautes forêts gémit la grande voix,
Et l'air sonore, aux cieux que la nuit illumine,
Porte le chant des mers et le soupir des bois.
Montez, saintes rumeurs, paroles surhumaines
Entretien lent et doux de la Terre et du Ciel !
Montez, et demandez aux étoiles sereines
S'il est pour les atteindre un chemin éternel.
O mers, ô bois songeurs, voix pieuses du monde,
Vous m'avez répondu durant mes jours mauvais ;
Vous avez apaisé ma tristesse inféconde,
Et dans mon coeur aussi vous chantez à jamais !