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EAN : 9782251360416
Les Belles Lettres (02/01/1986)
3.88/5   8 notes
Résumé :
Publiée en 1884, Poèmes tragiques est une œuvre poétique de Charles Marie René Leconte de Lisle.
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Ces poèmes de Leconte de Lisle sont tragiques, non dans le sens théâtral, mais dans le sens de grandeur des personnages ; l'adjectif renvoie à la hauteur des enjeux, et s'inscrit dans une filiation avec l'Antiquité et la mythologie. La muse de la tragédie est Melpomène, associée à la Terreur et à la Pitié, d'un maintien grave, elle chante les héros de hautes lignées. Les poèmes de ce recueil renvoient donc pour la majorité d'entre eux à des temps lointains, des exploits passés avec des héros anciens : Celtes, califes, croisés, mais aussi roi des loups, grand sachem... C'est beau, c'est épique, c'est assez froid. On passe d'une époque à l'autre, d'un paysage luxuriant de Malaisie aux steppes d'Asie ou au désert d'Arabie ; j'aurais aimé un classement thématique. Comme souvent chez les Parnassiens, la beauté formelle est assurée par des vers millimétrés, des rimes bien sculptées, mais sans fantaisie formelle, sans provoquer de grande émotion, sans implication lyrique du poète. Ainsi, lorsqu'il est question d'une femme aimée, celle-ci n'est qu'un corps non nommé et indistinct. le poète n'apparaît pas en tant qu'individu. Ainsi, à cet égard, le poème "l'Albatros" est révélateur : écrit après celui de Baudelaire, il décrit de la même façon un albatros luttant face au vent. Les vents sont d'ailleurs décrits avec grande précision. Mais c'est tout : ce spectacle grandiose n'est observé par aucun oeil humain, et, surtout, l'Albatros n'est pas une métaphore du génie incompris. Il me faut un peu plus de coeur et de chair pour que j'apprécie pleinement un recueil de poésie...
Je mets à part le poème "Le Sacre de Paris" qui évoque le siège de 1870 : ce poème a des accents hugoliens, un hymne à la Liberté et à la Ville en cette année terrible pour reprendre l'expression de Victor Hugo.
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
C'est l'an de grâce mil six cent dix-neuf, le seize

de juillet, en un vaste et riche diocèse

primatial. Le ciel est pur et rayonnant.

Bourdons et cloches vont sonnant et bourdonnant.

La ville en fête rit au clair soleil qui dore

ses pignons, ses hauts toits et son fleuve sonore,

ses noirs couvents hantés de spectres anxieux,

ses masures, ses ponts bossus, abrupts et vieux,

et le massif des tours aux assises obliques

sous qui hurlaient jadis les hordes catholiques.

Pareil au grondement de l'eau hors de son lit,

un long murmure, fait de mille bruits, emplit

berges et carrefours et culs-de-sac et rue ;

et la foule y tournoie et s'y heurte et s'y rue

pêle-mêle, les yeux écarquillés, les bras

en l'air : moines blancs, gris ou bruns, barbus ou ras,

chaux ou déchaux, ayant capes, frocs ou cagoules,

vieilles femmes grinçant des dents comme des goules,

cavaliers de sang noble, empanachés, pattus,

rogues, caracolant sur les pavés pointus,

dames à jupe roide en carrosses et chaises,

gras citadins bouffis dans la neige des fraises,

avec la rouge fleur des bons vins à la peau,

estafiers et soudards, et le confus troupeau

des manants et des gueux et des prostituées.

Plein de clameurs, de chants d'église, de huées,

de rires, de jurons obscènes, tout cela

vient pour voir brûler vif cet homme que voilà.

Debout sur le bûcher, contre un poteau de chêne,

les poings liés, la gorge et le ventre à la chaîne,

dans sa gravité sombre et son mépris amer

il regardait d'en haut cette mouvante mer

de faces, d'yeux dardés, de gestes frénétiques ;

il écoutait ces cris de haine, ces cantiques

funèbres d'hommes noirs qui venaient, deux à deux,

enfiévrés de leur rêve imbécile et hideux,

maudire et conspuer par delà l'agonie

et de leurs sales mains souffleter son génie,

tandis que de leurs yeux sinistres et jaloux

ils le mangeaient déjà, comme eussent fait des loups.

Et la honte d'être homme aussi lui poignait l'âme.

Soudainement, le bois sec et léger prit flamme,

une langue écarlate en sortit, et, rampant

jusqu'au ventre, entoura l'homme, comme un serpent.

Et la peau grésilla, puis se fendit, de même

qu'un fruit mûr ; et le sang, mêlé de graisse blême,

jaillit ; et lui, sentant mordre l'horrible feu,

les cheveux hérissés, cria : - mon dieu ! Mon Dieu ! -

un moine, alors, riant d'une joie effroyable,

glapit : - ah ! Chien maudit, bon pour les dents du diable !

Tu crois en ce dieu que tu niais hier ?

Va ! Cuis, flambe et recuis dans l'éternel enfer ! -

mais l'autre, redressant par-dessus la fumée

sa dédaigneuse face à demi consumée

qui de sueur bouillante et rouge ruisselait,

regarda l'être abject, ignare, lâche et laid,

et dit, menant à bout son héroïque lutte :

- ce n'est qu'une façon de parler, vile brute ! -

et ce fut tout. Le feu le dévora vivant,

et sa chair et ses os furent vannés au vent.
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Sacra fames

L'immense mer sommeille. Elle hausse et balance
Ses houles où le ciel met d'éclatants îlots.
Une nuit d'or emplit d'un magique silence
La merveilleuse horreur de l'espace et des flots.
Les deux gouffres ne font qu'un abîme sans borne
De tristesse, de paix et d'éblouissement,
Sanctuaire et tombeau, désert splendide et morne
Où des millions d'yeux regardent fixement.
Tels, le ciel magnifique et les eaux vénérables
Dorment dans la lumière et dans la majesté,
Comme si la rumeur des vivants misérables
N'avait troublé jamais leur rêve illimité.

Cependant, plein de faim dans sa peau flasque et rude,
Le sinistre rôdeur des steppes de la mer
Vient, va, tourne, et, flairant au loin la solitude,
Entre-bâille d'ennui ses mâchoires de fer.
Certes, il n'a souci de l'immensité bleue,
Des trois rois, du triangle ou du long scorpion
Qui tord dans l'infini sa flamboyante queue,
Ni de l'ourse qui plonge au clair septentrion.
Il ne sait que la chair qu'on broie et qu'on dépèce,
Et, toujours absorbé dans son désir sanglant,
Au fond des masses d'eau lourdes d'une ombre épaisse
Il laisse errer son oeil terne, impassible et lent.
Tout est vide et muet. Rien qui nage ou qui flotte,
Qui soit vivant ou mort, qu'il puisse entendre ou voir.
Il reste inerte, aveugle, et son grêle pilote
Se pose pour dormir sur son aileron noir.
Va, monstre ! Tu n'es pas autre que nous ne sommes,
Plus hideux, plus féroce, ou plus désespéré.
Console-toi ! Demain tu mangeras des hommes,
Demain par l'homme aussi tu seras dévoré.
La faim sacrée est un long meurtre légitime
Des profondeurs de l'ombre aux cieux resplendissants,
Et l'homme et le requin, égorgeur ou victime,
Devant ta face, ô mort, sont tous deux innocents.
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L'éclair vibre sa flèche torse
A l'horizon mouvant des flots.
Sur ta natte de fine écorce
Tu rêves, les yeux demi-clos.

A l'horizon mouvant des flots
La foudre luit sur les écumes.
Tu rêves, les yeux demi-clos
Dans la case que tu parfumes.

La foudre luit sur les écumes,
L'ombre est en proie au vent hurleur.
Dans la case que tu parfumes
Tu rêves et souris, ma fleur !

L'ombre est en proie au vent hurleur,
Il s'engouffre au fond des ravines.
Tu rêves et souris, ma fleur !
Le cœur plein de chansons divines.

Il s'engouffre au fond des ravines
Parmi le fracas des torrents.
Le cœur plein de chansons divines
Monte, nage aux cieux transparents !

Parmi le fracas des torrents
L'arbre éperdu s'agite et plonge.
Monte, nage aux cieux transparents,
Sur l'aile d'un amoureux songe!

L'arbre éperdu s'agite et plonge,
Le roc bondit déraciné.
Sur l'aile d'un amoureux songe
Berce ton cœur illuminé !

Le roc bondit déraciné,
Vers la mer ivre de sa force.
Berce ton cœur illuminé !
L'éclair vibre sa flèche torse.
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L’albatros

Dans l’immense largeur du Capricorne au Pôle
Le vent beugle, rugit, siffle, râle et miaule,
Et bondit à travers l’Atlantique tout blanc
De bave furieuse. Il se rue, éraflant
L’eau blême qu’il pourchasse et dissipe en buées ;
Il mord, déchire, arrache et tranche les nuées
Par tronçons convulsifs où saigne un brusque éclair ;
Il saisit, enveloppe et culbute dans l’air
Un tournoiement confus d’aigres cris et de plumes
Qu’il secoue et qu’il traîne aux crêtes des écumes,
Et, martelant le front massif des cachalots,
Mêle à ses hurlements leurs monstrueux sanglots.
Seul, le Roi de l’espace et des mers sans rivages
Vole contre l’assaut des rafales sauvages.
D’un trait puissant et sûr, sans hâte ni retard,
L’oeil dardé par delà le livide brouillard,
De ses ailes de fer rigidement tendues
Il fend le tourbillon des rauques étendues,
Et, tranquille au milieu de l’épouvantement,
Vient, passe, et disparaît majestueusement.
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Villanelle

Une nuit noire, par un calme, sous l'Équateur.


Le Temps, l'Étendue et le Nombre
Sont tombés du noir firmament
Dans la mer immobile et sombre.

Suaire de silence et d'ombre,
La nuit efface absolument
Le Temps, l'Étendue et le Nombre.

Tel qu'un lourd et muet décombre,
L'Esprit plonge au vide dormant,
Dans la mer immobile et sombre.

En lui-même, avec lui, tout sombre,
Souvenir, rêve, sentiment,
Le Temps, l'Étendue et le Nombre,
Dans la mer immobile et sombre.
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Vidéo de Charles-Marie Leconte de Lisle
Leconte de LISLE – Pourquoi devint-il parnassien ? (Chaîne Nationale, 1953) Une conférence de Géraud Venzac, intitulée « Leconte de Lisle, témoin de l'échec religieux et politique du romantisme », prononcée le 6 juin 1952 à l’Institut Catholique de Paris, diffusée sur la Chaîne Nationale le mois suivant.
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