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Critique de Niklos


Dans son essai Un nouveau Fantastique, paru en 1977 aux Editions L'Age d'Homme, Jean-Baptiste Baronian citait Lem, en compagnie de Buzzati, de Vladimir Colin, du japonais Abe Kobo ou de Bruno Schulz, parmi les « textes extrêmement divers, venus d'horizons et de tempéraments multiples » qui composent la nébuleuse kafkaïenne. Et à l'appui de cette « filiation », de mentionner les Mémoires trouvés dans une baignoire. Il est certain que cette quête d'un agent secret dans les sous-sols du Pentagone, cherchant désespérément quelle mission lui est confiée et passant de bureaux en bureaux, d'interrogateurs réglementairement logiques en procès-verbaux vides de sens, fait surgir quelques réminiscences de certain Procès.
Mais la tradition littéraire du Polonais tire autant sinon davantage vers le conte philosophique, et il n'est pas gratuit de voir ces Mémoires s'ouvrir par le commentaire qu'en font des historiens futurs, tentant de tirer de cette aventure absurde des leçons du monde passé. On retrouve ici le Lem révélé par d'autres textes : obsession de la communication et de la compréhension entre les êtres qui a nourri Solaris et Eden. La satire corrosive de cet ouvrage-ci le tirerait plutôt vers les pamphlets parfois cauchemardeux du cycle d'Ijon Tichy (relire le congrès de futurologie), mais qu'il soit enfer ou labyrinthe (le quatrième de couverture cite un peu abusivement Borges !) ce Pentagone futur demeure avant tout un lieu où des êtres vivants apparemment intelligents s'entêtent à tout faire pour ne pas se comprendre ! Exemple de joli dialogue de sourds :
« — Prenez donc un siège...
— Vous savez qui je suis ? articulais-je lentement.
Il inclina la tête comme pour me saluer,
— Bien entendu... mais faites donc, je vous en prie !
II m'avança une chaise.
— J'ignore de quoi nous pourrions parler.
— Oh ! mais naturellement, je vous comprends très bien. Quoi qu'il en soit, je m'efforcerai de garde le maximum de discrétion là-dessus.
— de discrétion ? Que voulez-vous dire par là ? « (p. 51)
Quête désespérée, monde étouffant, individus jouant on ne sait quel jeu suivant on ne sait quelles règles, tout ceci fait de ces Mémoires comme une vaste métaphore de l'univers, irréductible selon Lem à nos petits schémas étriqués. Il s'agit d'un roman souvent drôle, à l'exemple d'une drôlerie aux fondements tragiques, qui nous dit qu'en définitive, à l'instar des responsables du Pentagone, l'humanité s'agite de manière dérisoire au sein d'un monde d'illusions.


Dominique WARFA
dans Fiction 380
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