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Critique de horline


Quel drôle de type que cet Albert dit Mailman, facteur d’une petit ville américaine qui ne peut sortir du lit qu’après avoir mâchonné des grains de riz complet cru tout en gardant les yeux fermés. Une vie ritualisée. Une monotonie rassurante établie entre la maison, ses tournées de distribution du courrier et le café de Graham, dressant des remparts invisibles contre les sentiments d’irritation et d’angoisse qui assiègent régulièrement son esprit.
Car Mailman est ce personnage de cinquante-sept ans qui s’impose à nous avec ses démons d’enfants, un homme submergé par ses émotions et son imagination qui vit reclus dans une solitude qui est à la fois son refuge et sa prison, un être abîmé jusque dans ses viscères, "quelque chose pourrit en [lui]" et "risque de bientôt contaminer toute [sa] personne".
Mais il vient forcément un jour où Albert ne parvient plus à se maintenir en équilibre sur la ligne de crête qu’il a érigé, la certitude de la chute se faisant plus forte le jour où il ne distribue pas une lettre à temps. Tel un paumé magnifique, il part, prenant précipitamment une route que lui-seul pouvait décider d’emprunter, celle de la rédemption ou de la déperdition. On espère le voir accéder à une sérénité, ou simplement prendre conscience qu’il a été un fugitif à sa propre existence, un homme absent à ses amours, à sa santé, un homme absent à lui-même…


Dans ce roman éclatant et ténébreux, J. Robert Lennon façonne lentement l’histoire, laissant le temps à ce personnage retranché dans sa vie intérieure de se dessiner un périple. Il tâtonne, se perd, on observe les errances d’un homme intelligent et lucide, mais prisonnier de ses souvenirs sous l’effet d’un double mouvement dans le récit. Celui de la plume habile de l’auteur qui comprime et dilate le temps laissant les fêlures du passé s’entrechoquer et entrer en résonance les unes avec les autres.
Avec un style ferme et serein et une belle sincérité, l’auteur américain nous remet ainsi l’intimité secrète et fragile de cet homme que l’on qualifierait vraisemblablement de maniaco-dépressif. Mis à nu, ce n’est pas beau à voir mais Albert apparaît tel qu’il est : un homme vulnérable.
Roman efficace et profond, mélancolique et moqueur, le dénouement est toutefois quel que peu poussif.
Très belle lecture.
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