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°°° Rentrée littéraire 2023 #6 °°°

Janvier 1627, suite à une tempête dantesque, les sept navires d'une armada portugaise coulèrent au large des côtes du Médoc, dont deux caraques revenant des Indes chargées de toutes les richesses de l'Orient : le plus terrible naufrage de l'histoire de la marine portugaise. Yan Lespoux est parti de ce fait historique présenté en ouverture pour construire un formidable récit fictionnel qui ravira les amateurs de romans d'aventures et d'épopées maritimes.

Le lecteur est embarqué sur les pas de trois personnages enthousiasmants qui emportent immédiatement l'adhésion : Fernando, jeune homme pauvre de l'Alentejo enrôlé de force à quinze ans dans l'armée portugaise pour renforcer ses garnisons de Goa ou d'autres comptoirs coloniaux indiens ; Marie, fille des landes et des dunes battus par le vent, obligée de se cacher dans une communauté de résiniers et de costejaires, pilleurs d'épaves qui arpentent les côtes du Médoc à la recherche de biens échoués ; et Diogo, qui assiste à la chute de São Salvador da Bahia prise par les Hollandais aux Portugais en 1624, puis entre en résistance.

Leur point commun : ils sont très jeunes et décidés à vivre une autre vie que celle qui leur était dévolue, décidés d'échapper à un destin trop étriqué pour aller au-delà des cases de l'échiquier sans attendre leur tour pour jouer er déjouer la fatalité poisseuse qui devait les enchainer.

« Un lopin de terre pour naître ; la Terre entière pour mourir. Pour naître le Portugal ; pour mourir, le Monde. » L'impeccable titre illustre parfaitement leur état d'esprit, extrait d'une citation d'un certain Antonio Vieira, prêtre jésuite, écrivain et prédicateur du XVIIème siècle.

Yan Lespoux est un historien-écrivain. Il déploie avec maestria tout l'arrière-plan historique, remarquablement reconstitué, prenant le temps de développer de longues descriptions qui donnent à voir, sentir, ressentir tous les lieux visités, du Portugal au Brésil en passant par les Indes, des villages miteux des costejaires avec leur auberge repaire jusqu'au palais du sultan de Bijapur ou les cales des galions et caraques portugais. L'immersion est totale, dépaysante en diable, avec un sens de l'action très excitant, notamment lorsqu'il s'agit de décrire le tourbillon des batailles navales que se livrent Anglais, Portugais et Hollandais.

Il y a donc beaucoup de personnages, beaucoup de décors, beaucoup de péripéties, répartis sur les trois arcs narratifs consacrés respectivement aux trois principaux protagonistes. C'est extrêmement dense et pourtant jamais on ne se perd tant l'auteur sait où il va, jusqu'à un croisement des destins en mode feu d'artifices dans les cinquante dernières pages. On savoure d'autant plus qu'on est porté par une écriture de grande qualité, ample, déliée, classique mais avec des accents modernes pour accompagner des personnages du XVIIème siècle aux caractéristiques très contemporaines.

Un régal de roman d'aventures qui porte haut le souffle romanesque allié à la rigueur historique. Epoustouflant !

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Instructif, immersif et palpitant ! Pour les vrais amateurs de récits maritimes, les amoureux de récits d'aventure et les passionnés d'histoire !

Titre énigmatique que celui choisit par Yan Lespoux, historien universitaire spécialisé dans la civilisation occitane, et auteur du très réussi recueil « Presqu'îles », bouquet de nouvelles ancrées dans son Médoc natal. Il s'agit là de son premier roman dans lequel il met ses connaissances historiques au service d'une épopée passionnante dans laquelle il évite avec brio l'écueil du récit savant et linéaire et se révèle être, au contraire, un conteur hors pair, entrecoupant son récit de boucles narratives, baladant son lecteur d'une période à une autre, d'un endroit à un autre, d'un personnage à un autre.
Soulignons-le aussi, la couverture choisie par l'éditeur Agullo, est sublime avec cette carte maritime médiévale turquoise, elle donne le ton de cette épopée maritime grandiose. A noter que sous la jaquette, le livre comporte des gravures rouge sang retraçant la conquête du Brésil par la flotte portugaise. La forme épouse ainsi le fond de ce beau livre. On se régale déjà rien qu'en regardant l'objet, on se régale ensuite en plongeant dedans.

Pour comprendre ce titre pas évident à retenir, avec cette virgule en plein milieu telle une cicatrice incongrue au milieu d'un visage, il faut le resituer de l'extrait dont il est issu, à savoir des vers d'Antonio Vieira, poète du 17ème siècle, cité dans le livre Luis Felipe Thomaz, « l'expansion portugaise dans le monde », publié aux fameuses éditions Chadeigne, spécialisées dans la littérature lusophone. Ce livre comporte les mémoires de capitaines portugais rescapés et Yan Lespoux s'est appuyé, entre autres, sur ses mémoires pour rendre crédible et authentique son roman.

« Naitre petit et mourir grand est l'accomplissement d'un homme ;
C'est pourquoi Dieu a donné si peu de terre pour sa naissance
Et tant pour sa sépulture.
Un lopin de terre pour naitre ; la Terre entière pour mourir.
Pour naitre, le Portugal ; pour mourir, le Monde. »

Il me semble que ce poème résume à lui seul le livre. le titre, nous le comprenons alors, est superbement choisi. le coeur du récit porte en effet sur la conquête de territoires au 17ème siècle menée par les pays européens, notamment et surtout par les Portugais, mais aussi, plus indirectement, par les Espagnols et les Hollandais. Nous vivons les périls encourus en mer par la flotte portugaise, via ses bateaux de guerre et de commerce, assistons au pillage de ces terres lointaines. L'auteur nous donne en effet à vivre quelques-unes des traversées maritimes les plus mythiques et les naufrages les plus dramatiques de l'histoire portugaise.

L'histoire se concentre sur trois lieux, trois groupes de personnages aux destins entrelacés qui vont finir par se rejoindre.
Il y tout d'abord la belle Marie, au caractère bien trempé, féministe avant l'heure et qui ne se laisse pas faire ; une vielle sorcière généreuse et un tavernier peu scrupuleux sont là pour veiller sur elle dans les marais de Gascogne dans lesquels elle se cache suite à une mésaventure à Bordeaux. Les descriptions de cette région, région natale de l'auteur, sont sublimes, d'une poésie remarquable.

Nous avons ensuite Fernando et Simão, marins de base, se retrouvant un peu à leur insu sur ces immenses galions, n'ayant pas vraiment d'avenir dans la Lisbonne de l'époque. On les suit au Canal du Mozambique en passant par Bijapur et les comptoirs de Goa. Deux véritables amis courageux, audacieux, téméraires, à qui il va arriver tout un tas d'aventures. le livre démarre de façon tonitruante d'ailleurs avec Fernando, nous assistons à sa quasi noyade après que son bateau ait échoué sur les côtes du Médoc, scène forte qui donne le ton du livre, le lecteur est immédiatement happé.

Par ailleurs nous sommes aux côtés du véritable Manuel de Meneses, chargé d'escorter jusqu'aux côtes portugaises l'immense bateau São Bartolomeu qui rentre au Portugal les cales gorgées de trésors, des merveilles des comptoirs indiens, à savoir épices, étoffes et quelques diamants, marchandises très convoitées. Homme fier, taciturne et froid, violent parfois aussi comme il a pu l'être avec Fernando dont nous venons de parler précédemment, il va se révéler être plus sensible qu'il ne parait, amateur notamment de poésies. Il voyage avec deux garçons, sorte de gardes du corps qui lui ont sauvé la vie au Brésil durant l'affrontement pour la conquête de Bahia, entre l'armada portugaise et l'armada espagnole d'une part (associées mais néanmoins toujours concurrentes) et les hollandais de l'autre. Ce binôme étonnant et attachant répond aux noms de Diogo et Ignacio, un orphelin d'un juif portugais converti par obligation et un indien tupinamba avec qui il a été élevé, deux frères désormais inséparables.

Des personnages bien campés, jamais caricaturaux, subtilement décrits, qui vont finir par se rencontrer. Nous comprenons dès le départ qu'il y aura convergence entre ces trois destins, et cela maintient le suspense, en plus de nous donner à découvrir ces faits historiques dans lesquels la religion est omniprésente permettant de tenir, malgré les multiples dangers, la violence, la maladie et la mort. Sylvain Coher le soulignait dans Nord-Nord-Ouest, « Il faut avoir navigué pour savoir prier », Yan Lespoux le souligne également ici « Si tu veux apprendre à prier, prends la mer ».

« Ils marchèrent ainsi trois jours, laissant dans leurs sillages les cadavres les plus faibles. Enterrés dans le sable lorsque c'était possible, abandonnés parfois à même la pierre volcanique qui leur brulait et coupait les pieds. Les nuits étaient pires que les jours. Les corps nus étaient enveloppés par un froid humide qui les pénétrait jusqu'aux os sans pour autant apaiser les brûlures du soleil sur leurs dos couverts de cloques no décoller les parois asséchés de leurs gorges ».

Ce roman est non seulement épique, rempli d'aventures incroyables qu'il nous semble vivre aux côtés des personnages tant la plume de l'auteur est cinématographique, multipliant traveling et plans fixes (la scène du tout début de quasi noyade par exemple est tout à fait stupéfiante) mais il est également terriblement sensoriel, il nous rend poisseux, nous étouffe, nous accable, nous fait mal, nous dégoute par moment même, à côtoyer ainsi les maladies, la pourriture, la moisissure, la sueur et la crasse.

« Plus bas encore, sous le tillac, là où étaient cantonnés les soldats qui avaient achevé leur quart de nuit, ça grouillait. de poux, de puces, de vers, d'insectes que personne n'aurait su identifier avec certitude. de rats aussi. Et d'hommes. Sur leurs paillasses en décomposition certains cherchaient un sommeil qui serait moite et les userait autant que leurs tours de garde. D'autres déliraient accablés par la chaleur que décuplait encore leur fièvre et que les rares filets d'air passant par les écoutilles ne parvenaient pas à réguler. On se poussait un peu, on essayait de trouver une position moins inconfortable, on veillait sur sa ration de biscuits et de cette eau qui avait depuis longtemps croupi dans les tonneaux embarqués à Lisbonne ».

Tout petit bémol en revanche à souligner et qui explique mon 4 étoiles : Les incessants allers-retours dans le temps qui parfois me donnaient le tournis, même si peu à peu tout s'éclaire. La construction finale se révèle être parfaite et magistrale mais combien de fois ai-je dû revenir en arrière, sur les chapitres précédents pour essayer de comprendre la chronologie des événements. Cet entrelacement de dates et de personnages rend le roman assez complexe. Heureusement la plume est magnifique et très immersive.


Si « Etraves » de Sylvain Coher constitue LE récit maritime original et décalé de la rentrée, celui de Yan Lespoux est LE récit d'aventure maritime par excellence, sans doute aux côtés du livre de non fiction « Les Naufragés du Wager » de David Grann que je n'ai pas encore eu la chance de lire.
Pour plonger dans les méandres de la route des Indes, sentir la puanteur des vieux gréements, vivre des naufrages et palpiter lors d'attaques aux boulets de canons, trembler face aux manières sordides de l'Inquisition, ou encore à celles des peuples autochtones pillés, humer la douceur exotique de Goa, s'embourber dans les marais des landes de Gascogne, voyagez du Brésil aux Indes, en passant par Lisbonne et les côtes du Médoc, plongez sans hésiter dans ce livre qui décoiffe !
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Jack Sparrow peut aller se rhabiller !
Ici pas d'aventure de pacotille ni de chaine en or qui brille …
L'aventure, la vraie, pour ceux à qui le dernier livre de David Grann, Les naufragés du Wager a fait de l'oeil, voire qui ont déjà embarqué à bord …
Roulis, tangage, mal de mer, tempêtes, corps passés par-dessus bord, amputations de membres, naufrage, boulets de canon, remugles divers et avariés, corps en décomposition, meurtres crapuleux, hardes puantes et crasseuses, diamants, pirates, honneur, tout est là, avec cette fois la dimension romanesque qui m'avait fait défaut dans le livre très documenté de David Grann.
L'imagination navigue au gré des vents et accoste en terres inconnues aux parfums épicés, poivrés, exotiques et enchanteurs. Cependant, la vie se révèle nettement moins facile dans le paysage de carte de postale, surtout pour des marins ou des soldats sans grade.
C'est un véritable tour du monde que nous propose Yan Lespoux : Médoc, Mozambique, Goa, São Salvador de Bahia, Bijapur, Cap Vert, Lisbonne, Cascais, La Corogne, …
Les personnages sont nombreux, mais Yan Lespoux tient bon la barre et je ne me suis jamais noyée dans la multitude de péripéties, de personnages, de lieux. Bien au contraire, j'ai vogué avec plaisir entre les 3 arcs narratifs m'emmenant à la rencontre ; des soldats et marins portugais Fernando Teixeira et son ami Simão, Marie la Gasconne, Diogo et son ami Tupinamba Ignacio arrachés à leur terre natale brésilienne pour se retrouver nommés gardes du corps du redoutable capitaine-mor dom Manuel de Meneses.
C'est d'ailleurs le récit de tempête de ce dernier, qui a fracassé un des plus gros bateaux de l'armada portugaise sur les côtes landaises qui a grandement inspiré l'auteur.
Malgré la longueur du récit, la plume fluide aide à faire tourner les pages à toute vitesse, dans le désir de découvrir le sort réservé à nos pauvres héros. Les descriptions vivantes permettent de reconstituer à merveille la bande-son, les images et les odeurs des différents décors, au Brésil, en Inde, dans les landes ou sur le pont des bateaux.
Du grand art qui m'a permis de sortir de ma zone de confort de lecture avec délectation. Me voilà prête pour embarque à bord du prochain Yan Lespoux ! (et je vous confie que je vois de loin la grande Dora l'exploratrice continuer à opiner du chef) …
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Je n'ai pas le pied marin.
Je viens de vivre une semaine terrible, chaque soir me replongeant en fond de cale, en compagnie des rats, de vermine immonde, de charognes en voie de décomposition.
Mes compagnons de routes: des ambitieux, des assassins, des massacreurs, des êtres ensauvagés (c'est à la mode), sans pitié, sans vergogne, sans empathie aucune.
Sous ma couette, j'ai embarqué sur une immense caraque partie de Lisbonne pour rejoindre Goa. le voyage a été interminable. Moiteur, odeurs pestilentielles, la mort au quotidien : scorbut, bagarres, hommes tombants des vigies ou des cordages comme des poires blettes, escarmouches..
Et pour mourir, le monde : la Grande Comores, le canal du Mozambique, Goa, Bijapur, Goa encore, le Cap Vert, les Açores, le golfe de Gascogne en 1627.

Dans la sueur de mes draps, j'ai été assiégé à São Salvador de Bahia, massacré par les mercenaires hollandais, entré en résistance avec les jésuites, les esclaves noirs et les autochtones. J'ai été brulé, décapité, écorché vif, torturé de mille façons. Alors j'ai tué encore et encore, je me suis libéré pour repartir vers le Portugal où des vents mauvais m'ont emporté vers le golfe de Gascogne.

J'ai erré sur la Lande infiniment froide, tombant dans les lèdes obscurs, m'enlisant dans les bedouses infâmes. J'ai parcouru l'estran avec les pilleurs d'épaves, les costejaires et les vagants. J'ai volé, massacré impitoyablement les survivants, les amputants, les décapitants…J'ai fait alliance avec des bergers dégénérés, des morts-vivants affamés de sang, couverts d'humeurs putrides, la hache toujours à portée de main.

J'ai survécu. Aux pirates malabars, aux tigres, aux troupes du Grand Moghol, aux exterminateurs de l'Adil Shani, au Saint-Office, aux mercenaires, aux résiniers, aux hommes de Louis, le pire des criminels landais.

Je suis Fernando et j'ai été enrôlé de force à quinze ans dans l'armées portugaises. Je suis tombé amoureux de Sandra dix ans plus tard et, pour elle, pour moi, j'ai traqué les diamants du vice-Roi.
Je suis Diogo, juif marrane, fils de commerçants de São Salvador, fuyant les hollandais en compagnie d'Ignacio, l'indien rebaptisé, toujours flanqué de son casse-tête qui en brisera plus d'une.
Je suis Marie la landaise, celle qui a été confiée à mon oncle Louis. Et dans les dunes battues par le vent, je cherche le chemin de ma destinée.

Ian Lespoux est un écrivain-historien. Il s'est largement inspiré d'un livre paru en 2000: « Le naufrage des Portugais sur les côtes de Saint-Jean-de-Luz et d'Arcachon »
J'ai donc été précipité chaque soir (la journée étant consacrée à mes obligations familiales, vacances scolaires obligent) dans un traité d'histoire de la marine portugaise au début du XVIIe siècle doublé d'un essai ethnoloqique sur les basco-landais de la même époque.
Où rien, absolument rien, ne nous est épargné. Les personnages des frères Cohen, deTarentino et même de Game of Thrones passeront pour des enfants de choeur à coté de ceux que vous croiserez dans ce très long récit.
Tristesse, famine, désespoir, maladie, viol, puanteur et mort violente sont les marqueurs de la plupart des destins de ces femmes et de ces hommes souvent brièvement croisés.
L'historien prend très nettement le pas sur l'écrivain et la personnalité des trois héros manque cruellement de profondeur. Ils supportent pourtant les trois arcs narratifs (qui, ce n'est un secret pour personne, vont se rejoindre) mais sont surtout le prétexte à d'interminables descriptions de navigation, de batailles navales, de naufrages à répétition.

Je ressors donc en nage mais essoré de ce grand récit qui ravira les amateurs du genre mais laissera sur le flanc les passionnés d'aventures romanesques et de belles histoires d'amour.
Je suis super-déçu…
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Du Médoc à Salvador de Bahia, de Lisbonne à Goa, ce roman historique très documenté nous balade au 17ème siècle sur les routes des grands navires marchands.
L'ambiance est très bien restituée, les lieux (surtout le Médoc) sont décrits avec minutie. Les personnages sont bien caractérisés, qu'ils soient soldat, grand d'Espagne ou fille pauvre.
Toutefois le récit n'a pas l'ampleur aventurière et romanesque que j'espérais, j'ai trouvé les péripéties trop guerrières et prévisibles, et le style un peu trop plat.
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"Un lopin de terre pour naitre; la Terre entière pour mourir "...

et surtout l'océan, roi des tempêtes , véritable personnage de ce magnifique roman d'aventures qui nous transporte de 1623 à 1688 des côtes dangereuses du Golfe de Gascogne , aux ports de Lisbonne et de Goa, des landes malsaines du Médoc à la jungle brésilienne à travers l'histoire mouvementée de trois jeunes gens .

Fernando Teixera, 15 ans, portugais , alors qu'il fuit sa famille , se fait enrôler contre son gré comme soldat de l'Armée des Indes . La devise qui le représente le mieux est : "toujours au mauvais endroit au mauvais moment depuis qu'il est né " Il est accompagné de Simao qui veut écrire leur histoire et a un sempiternel petit sourire ironique .

Marie, une jeune fille née dans une famille pauvre du Médoc, doit fuir car elle a , pour se défendre , gravement blessé un fils de famille. Elle se réfugie chez son oncle Louis, un pilleur d'épaves et un assassin sans foi ni loi hors la sienne au milieu d'un campement de résiniers et de costejaires .

Diogo Silva, un habitant de Salvador de Bahia fuit après l'incendie de sa maison lors de l'invasion des hollandais et se réfugie dans la forêt où il fait la connaissance de l'indien Ignacio. Faits prisonniers , ils sont finalement embarqués à bord 'un navire portugais en partance vers l'Europe.

Leurs péripéties s'entrecroisent au milieu des luttes de pouvoir entre Espagne et Portugal , entre capitaines, gouverneurs et autres hommes puissants qui ne cherchent que gloire ou richesse , entre attaques des anglais ou des hollandais que ce soit en Europe, en Inde ou au Brésil avec comme constante la traversée des océans sur des navires qui se veulent de plus en plus gros à l'image de l'appétit de profits de cette route des Indes et au dépens de leur maniabilité et du bien-être de leurs occupants , les images des cales des bateaux sont terrifiantes !

Un entassement d'hommes, soldats, marins et marchands dont la vie tient à peu de choses au milieu des mers déchainées .

Yan Lespoux décrit avec un luxe de détails à la fois les batailles inégales entre les bateaux et les éléments maritimes furieux qui finissent généralement par le naufrage des navires , comme les palais luxueux de Bijapur , ou le camp misérable des résiniers landais .

C'est épique, vivant , avec une écriture précise, souvent magnifique malgré la dureté des descriptions .

Les aventures des jeunes héros , tous attachants, que le lecteur suit avec angoisse sont trépidantes , on ne s'ennuie pas même lors des longues pages sur les mers . On s'y croit presque ...

Si je devais donner un prix littéraire pour cette rentrée très riche en excellentes lectures, ce roman serait à coup sur dans le peloton de tête .

Je remercie Masse Critique et Agullo Éditions pour cette belle découverte avec une mention spéciale également pour la couverture très bien choisie !
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« Ils avaient voulu voir le monde. Elle espérait que pour quelques instants au moins, le voyage avait été beau. »

Il est malin Yan Lespoux, débarquant là où on ne l'attendait pas. Loin de poursuivre avec ses nouvelles à succès, sans même verser dans le noir qu'il affectionne, ni s'appuyer sur l'histoire occitane dont il a fait son métier, il surprend avec Pour mourir, le monde, son premier roman.

Dans une ambitieuse fresque historique et épique, nous voilà projetés au début du XVIIe siècle au Brésil dans les pas de Simāo et Fernando, en Inde dans ceux de Diogo et Ignacio, au Portugal dont les navires disputent aux Anglais et Hollandais la suprématie des mers. Et dans le Médoc aussi (quand même !), avec la fière Marie.

Pour mourir, le monde est un livre de marins, d'aventure, de bandits, de guerre, de trahisons… Mais c'est surtout un livre de destins, ceux de personnages nés pour être « un des milliers de bras armés qui maintiennent en vie des empires qui ne le méritent pas ».

Des femmes et hommes qui se cherchent et n'attendent qu'un coup du destin, une aide ou un bateau en partance pour prendre leur vie en main. « Il faut que je meure ici ou que je vive enfin ailleurs. »

Le livre s'ouvre et se ferme sur des chapitres d'une folle puissance. Entre les deux, il y a la fluidité d'un style qui vous emporte au gré des vents et des naufrages, des ambitions et des revers, d'un joli travail impressionniste des personnages, par touches successives.

Peu adepte des livres historiques, j'ai apprécié l'habileté de Lespoux à surfer sur le chemin de crête étroit qui sépare dans un savant équilibre, faits avérés et trame romancée, sans jamais verser dans le trop-plein de l'un ou de l'autre. Idem pour les dialogues, dont il use avec parcimonie. Habile, je vous dis !

L'ensemble donne un livre enlevé, difficile à lâcher, où affleure ci-et-là quelques clins d'oeils espiègle, via ce titre à la James Bond ou ce énième coup de pied de l'âne à ses meilleurs ennemis girondins : « Oh, tu sais, la famille, c'est sacré. Et puis j'aime bien l'idée qu'elle ait tué un Bordelais. »

On savait Lespoux doué. C'est confirmé ! Alors on se précipite.
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Je n'avais qu'une hâte, c'était de lire, Pour mourir, le monde de Yan Lespoux. Mes amies Kirzy et Spleen, m'avaient bien accroché, mais je suis désolée, j'ai trouvé le temps long, je me suis ennuyée. Je reconnais une belle écriture, un contexte historique intéressant qui malheureusement prend le pas, sur l'histoire des 3 personnages principaux, je trouve dommage. Je me dis que cela vient peut-être de mon humeur actuelle, mais je n'arrivais pas à avancer.

En 1627, sur la route des Indes, de longs voyages vous attendent, des tempêtes, des batailles mémorables, entre Anglais, Hollandais, Portugais, Espagnols. L'équipage, les passagers ne comptent pas, le tout c'est d'arriver avant les autres. de nombreux morts sillonnent cette épopée. Des naufrages, des trahisons, beaucoup de violence.

« Plus bas encore, sous le tillac, là où étaient cantonnés les soldats qui avaient achevé leur quart de nuit, ça grouillait. de poux, de puces, de vers, d'insectes que personne n'aurait su identifier avec certitude. de rats aussi. Et d'hommes. Sur leurs paillasses en décomposition certains cherchaient un sommeil qui serait moite et les userait autant que leurs tours de garde. D'autres déliraient, accablés par la chaleur que décuplait encore leur fièvre et que les rares filets d'air passant par les écoutilles ne parvenaient pas à réguler. On veillait sur sa ration de biscuits et de cette eau qui avait depuis longtemps croupi dans les tonneaux embarqués à Lisbonne. »

A Goa, il y a Fernando, avec son ami Simao, ils vont vivre des moments pas très heureux, surtout pour ce dernier. Pour échapper à l'inquisition, Fernando sera engagé de force dans l'armée portugaise, mais il essaiera par tous les moyens de s'en sortir, pour une vie meilleure.

Au Brésil, Diogo et son ami Ignacio, un Tupinamba qui impressionne avec un long arc et une massue casse-tête, ils suscitent de la crainte. Ils sont les gardes du corps de dom Manuel de Meneses, le capitaine-mor du Santo Antonio e Sao Diogo.

Marie, sur la côte landaise, une bêtise et elle est obligée de se cacher pour échapper aux autorités. Réfugiée, chez son oncle, qui règne sur une communauté de résiniers, de pilleurs d'épave, elle essaiera de résister, aux brutalités, à la solitude, elle rêve aussi d'un avenir meilleur. Elle a un fort caractère et ne se laisse pas marcher sur les pieds.

Beaucoup de personnages, de rebondissements, pour ces trois principaux protagonistes, qui finiront par se croiser.

Ce n'est que mon ressenti personnel, il y a de très belles critiques, je suis vraiment déçue, d'être passée à côté. La couverture est très belle.

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Une aventure entre le Brésil, les indes, le Portugal, l'Espagne et le Pays Basque.
Nous sommes au début des années 1600 et nous embarquons sur d'énormes paquebots.
Il y a de la violence, des combats, de la pauvreté, des maladies, du sang, des trahisons et les morts ne se comptent plus.
Trois histoires parallèles qui vont finir par se rejoindre.
Après avoir lu il y a quelques semaines Magellan de Stefan Zweig, je me suis retrouvée dans ces combats entre espagnol et portugais, dans ces naufrages, dans cette mer impitoyable et à suivre ces marins, nobles et soldats.
L'écriture est soignée et l'histoire captivante.
Et à côté des personnages masculins, il y a trois femmes de caractères et courageuses.
Pour mourir, le monde est un roman idéal pour ceux qui aiment les histoires d'aventures et de voyages.
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Déjà ce beau titre un peu mystérieux, puis cette couverture très réussie avec une vieille carte maritime, et enfin la critique enthousiaste de Kirzy. Il n'en fallait pas plus pour aiguiser ma curiosité et me voilà partie dans l'aventure ! Car de l'aventure, il y en a autour des trois personnages principaux :

Fernando, un jeune portugais enrôlé de force dans la marine. Il va vivre mille péripéties avec son ami Simao, et le voyage va l'amener jusqu'à Goa.
Marie, une jeune landaise qui doit fuir la maison familiale et se réfugier dans un camp de résiniers où les conditions de vie sont difficiles.
Diogo, un jeune brésilien qui se retrouve embarqué dans la résistance contre les hollandais à Bahia puis sur un immense navire de guerre.

Il y a aussi Meneses, le capitaine de la marine portugaise, impénétrable dans son manteau noir et amateur de poésie, ou Ignacio, le jeune autochtone brésilien champion de tir à l'arc qui va être entraîné dans l'aventure avec Diogo.

Les trois héros vont se retrouver dans les 50 dernières pages après que l'auteur nous ait fait faire le tour du monde. Tempêtes, scorbut, naufrages, pilleurs d'épaves, guerres et affrontements les plus variés ; Goa, le Portugal, le Brésil, les landes, c'est un véritable tumulte d'événements, de voyages et de violence aussi auquel nous convie l'auteur, pendant une dizaine d'années au début du 17ème siècle.

J'ai vraiment beaucoup apprécié cette lecture étonnante et tourbillonnante. L'auteur nous emmène bien loin des habituels romans de la rentrée littéraire.

Certains lui ont reproché des longueurs et certes il y a en a parfois, mais elles n'ont pas gâché mon plaisir. Lespoux a beaucoup de talent pour nous faire ressentir les ambiances sur les bateaux ou nous faire vivre les batailles et les tempêtes. J'ai eu aussi l'impression d'un récit solidement documenté avec une toile de fond historique sérieuse, ce qui est pour moi une valeur ajoutée (l'auteur est historien).

Certains lui ont reproché des allers/retours dans le temps ou entre les personnages mais j'ai trouvé que le récit était suffisamment habile et bien mené pour ne jamais nous perdre.

Une chouette découverte d'un nouvel auteur.
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